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Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence. 09-VII-2012. George Benjamin (né en 1960) : Written on skin, opéra en trois parties sur un livret de Martin Crimp. Création mondiale. Mise en scène : Katie Mitchell ; scénographie et costumes : Vickie Mortimer ; lumières : John Clark. Avec : Christopher Purves, The Protector ; Barbara Hannigan, Agnès ; Bejun Mehta, Angel 1 / The Boy ; Rebecca Jo Loeb, Angel 2 / Marie ; Allan Clayton, Angel 3 / John. Mahler chamber Orchestra, direction : George Benjamin
Partant d'un récit médiéval concernant la vie du troubadour Guillem de Cabestany, Written on skin, création 2012 du Festival d'Aix, narre la libération d'Agnès de sa condition d'épouse soumise.
Le Protecteur – un riche seigneur – convoque chez lui le Garçon, enlumineur reconnu, pour qu'il immortalise son histoire exemplaire d'homme de pouvoir devant lequel tout le monde, y compris son épouse Agnès, se soumet. Agnès, séduite par le Garçon, découvre au sens propre la vie. Excitée par ce sentiment nouveau pour elle, l'amour, elle demande au Garçon de défier le Protecteur, ce qu'il fait par l'écriture et l'enluminure. Le Protecteur lit les premières pages achevées du livre, narrant la relation entre le Garçon et Agnès. Ivre de jalousie, face à la provocation de sa femme, il se venge en assassinant le Garçon et en offrant son coeur, cuisiné, à Agnès. Cette dernière préfère se suicider plutôt que de périr sous les coups de son mari. Un sujet classique, découpé dans une forme tout autant classique (exposition / développement / dénouement), que l'auteur, Martin Crimp, rehausse par les commentaires des trois anges venus du XXIe siècle.
La mise en scène de Katie Mitchell mélange habilement les deux périodes : les anges préparent les accessoires du drame et interviennent dans l'action principale pour en modifier le cours – par exemple le Garçon, soupçonné par le Protecteur de séduire Agnès, se prétend l'amant de Marie, soeur d'Agnès, qu'il dépeint comme folle. Le plateau est ainsi divisé en deux niveaux verticaux, formés des laboratoires de préparation du drame humain et du lieu proprement dit de l'action. Le livret de Martin Crimp participe à cette mise en abyme puisque les didascalies font partie intégrante du texte, tels des commentaires d'enluminure. Les déplacements scéniques sont réduits au minimum, tous les gestes sont très finement placés, chaque moment est en soi un tableau vivant, bref, une enluminure.
La réussite, cela va de soi, n'est pas que scénique. La musique de George Benjamin sait allier un langage résolument contemporain avec les concepts classiques d'harmonie, de mélodie et d'orchestration. A l'instar du livret, si la source est médiévale, en aucun cas l'inspiration artistique ne cite le Moyen-âge. La partition, composée en étroite collaboration avec les chanteurs, ne couvre jamais les voix. George Benjamin, compositeur peu prolifique et assez secret, aborde pour la première fois le grand opéra. Les interprètes, tous exceptionnels, servent l'oeuvre au plus haut niveau. Barbara Hannigan, Christopher Purves et Bejun Mehta brûlent littéralement les planches. le Mahler chamber Orchestra, dirigé par compositeur, est un écrin orchestral de luxe. Coproduite par Florence, Toulouse, Londres et Amsterdam, Written on skin a une carrière assurée et largement méritée.
Depuis Trois Soeurs d'Eötvös (1998) aucune oeuvre lyrique contemporaine – à la notable exception de Julie de Boesmans – ne s'est vraiment imposée. L'année 2012 a vu naître deux chefs d'oeuvre du genre, avec Re Orso de Marco Stroppa à l'Opéra Comique et ce présent Written on skin. Le public, présent en masse – toutes les places ont été vendues – ne se trompe pas en gratifiant le compositeur d'une standing ovation.
Crédit photographique : Barbara Hannigan (Agnès) et Bejun Mehta (le Garçon) ; Christopher Purves (le Protecteur), Bejun Mehta (le Garçon) et Barbara Hannigan (Agnès) © Pascal Victor / Artcomart
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Aix-en-Provence, Grand Théâtre de Provence. 09-VII-2012. George Benjamin (né en 1960) : Written on skin, opéra en trois parties sur un livret de Martin Crimp. Création mondiale. Mise en scène : Katie Mitchell ; scénographie et costumes : Vickie Mortimer ; lumières : John Clark. Avec : Christopher Purves, The Protector ; Barbara Hannigan, Agnès ; Bejun Mehta, Angel 1 / The Boy ; Rebecca Jo Loeb, Angel 2 / Marie ; Allan Clayton, Angel 3 / John. Mahler chamber Orchestra, direction : George Benjamin
4 commentaires sur “Written on skin à fleur de peau”