Jeu des variations juxtaposées chez Bach et Buxtehude
Plus de détails
Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille en ut mineur BWV 582. Dietrich Buxtehude (1637-1707) : Chaconne en mi mineur BuxWV 160 ; Chaconne en ut mineur BuxWV 159 ; Passacaille en ré mineur BuxWV 161 ; La Capricciosa en sol majeur BuxWV 250. Ami Hoyano et Sarah Kim, orgues. Marianna Henriksson, Natalie Pfeiffer et Daniel Trumbull, clavecins. 1 CD In dies ID 1040211. Code barre 3775000075415. Enregistré en 2011. Livret bilingue français/anglais. Durée totale 52’32’’
Voilà un disque insolite qui, avouons le, déstabilise dans un premier temps, par une approche musicale inhabituelle. Il nous faut un petit moment pour comprendre ce qui se passe, et intégrer les mécanismes employés, pour se rendre compte qu'enfin, par l'écriture de la passacaille ou de la chaconne, voire de l'air avec variation, le principe de la grille harmonique, chère aux jazzmen est exploité. Bon sang, mais c'est bien sûr ! Comment ne pas y avoir pensé plus tôt, et l'appliquer de fait à la musique baroque, qui nous en donne les clefs.
Plongeons nous dans cette expérience avec la célèbre passacaille pour orgue de Bach, œuvre à variations par excellence sur une basse obstinée empruntée à André Raison. Pour que cela fonctionne, on nous annonce la participation de deux interprètes sur deux orgues. L'œuvre commence normalement, sur un premier orgue, puis le second avec une variation de retard. Et ainsi va se dérouler devant nous un discours nouveau où la musique apparaît totalement différente et pourtant encore si familière à nos oreilles. Les sons sont beaux. Il faut imaginer, car la pochette, très chiche en commentaires, n'indique pas sur quel couple d'orgue, où tout ceci est réalisé. On pense à Ottobeuren en Allemagne, car le son est bien baroque, mais l'un des deux orgues Riepp se trouve côté clôture de l'abbaye, et les organistes sont ici des femmes, alors… impossible, sans doute alors un autre lieu qui reste mystérieux. Le discours devient parfois assez complexe : deux orgues, c'est mieux qu'un, mais la polyphonie de Bach, déjà richissime, se complique encore, tout en restant lisible.
Même traitement ensuite pour les trois œuvres à basse obstinée de Buxtehude, qui prennent elles aussi une nouvelle dimension. Cette fois-ci, le côté incantatoire déjà habituel dans la musique de ce maître s'exacerbe à l'extrême.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisque la dernière œuvre du disque et non des moindres, est l'air varié sur La Capricciosa, tiré du thème de la Bergamasque. Buxtehude a composé cette série de variations pour le clavecin, on en compte trente deux pour une durée d'une petite demi-heure. Ici c'est sur trois clavecins que se réalise cette joute musicale, décalée, c'est le cas de le dire. Envoutante à l'extrême cette œuvre est un véritable tourbillon sonore et rythmique, procédant encore par déplacement et juxtapositions de diverses variations jouées en même temps. On pourrait imaginer ainsi quatre, cinq ou douze clavecins impliqués, les bornes étant dépassées, plus aucune limite n'existe, les variations tournant en rond comme une vis sans fin, en une grande danse céleste, image même du baroque en musique.
Il faut louer ici l'extrême musicalité et virtuosité des protagonistes : une telle mise en place est un véritable tour de force, à moins que la technique d'enregistrement ne s'en soit mêlée, ce dont on peut douter, tant les claviéristes sont grandement impliqués. La prise de son, surtout des clavecins, est remarquable.
Voici un disque hors des sentiers battus qui excitera votre curiosité et vous fera jubiler de plaisir. Quel dommage que la pochette ne dise rien ou presque de tout cela : seulement que les arrangements et adaptations sont de Julia Benhamou. « Memento » le bien nommé, pour se souvenir des originaux, et les vivre autrement.
Plus de détails
Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passacaille en ut mineur BWV 582. Dietrich Buxtehude (1637-1707) : Chaconne en mi mineur BuxWV 160 ; Chaconne en ut mineur BuxWV 159 ; Passacaille en ré mineur BuxWV 161 ; La Capricciosa en sol majeur BuxWV 250. Ami Hoyano et Sarah Kim, orgues. Marianna Henriksson, Natalie Pfeiffer et Daniel Trumbull, clavecins. 1 CD In dies ID 1040211. Code barre 3775000075415. Enregistré en 2011. Livret bilingue français/anglais. Durée totale 52’32’’