Concerts, La Scène, Musique d'ensemble

1972-2012 : 40 printemps pour 2e2m

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Paris, Auditorium Marcel Landowski du CRR de Paris. 15-V-2012. Saed Haddad (né en 1972) : The sublime pour ensemble ; Philippe Leroux (né en 1959) : Ailes sur un texte du compositeur (CM) pour baryton et ensemble ; Ondřej Adámek (né en 1979) : Le Dîner avec peintre, vidéo, chef, ensemble et sampler. Guillermo Anzorena, baryton ; Charlotte Guibé, peintre ; Didier Jaufmann, captation vidéo ; Ensemble 2e2m ; réalisation informatique musicale et diffusion sonore, La Muse en circuit ; direction : Pierre Roullier

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Soirée d'anniversaire, conviviale autant que festive, pour l' qui mettait « au menu » Le Dîner, un spectacle performatif et haut en couleurs d', conviant à table douze musiciens et une plasticienne. Cette création mondiale venait couronner la résidence du jeune compositeur tchèque auprès de l'Ensemble et réaffirmer haut et fort son engagement d'artiste en faveur de nouveaux concepts d'œuvre, portés par un imaginaire hors norme et une intuition très fine croisant l'humour et la poésie. L'idée de ce « treize à table » est de faire interagir les processus de création picturale et musicale engagés par le geste de la plasticienne – d'un naturel  et d'une aisance presque chorégraphique – dont le travail consiste à « fondre des éléments figuratifs très précis au sein de textures fluides et liquides ». Des effets de zoom sur la toile en train de se faire proviennent d'une caméra projetant des images en live sur l'écran de fond de scène. Le scénario s'élabore en plusieurs actes (Lignes tracées, Du geste au son, Salade de couleurs…), émaillé de recettes échangées entre les Chefs et qui confirme ici des talents scéniques déjà éprouvés dans Chat perché de . La toile sonore, quant à elle, s'anime à mesure: des bribes de voix radiophoniques d'abord, puis des effets bruités obtenus sur la vaisselle utilitaire (verres, cuillères…), jusqu'à ce que « les convives » prennent leur instrument pour sonoriser la chute des gouttes de peinture visualisée par la caméra; une sorte de happening à la Cage mesurant l'interaction des deux matériaux pictural et sonore sous l'œil et l'oreille captifs du public. La phase suivante – « dissolution des figures musicales au sein d'une matière sonore mouvante et dense et à l'orchestration très colorée » selon les mots du compositeur – bascule dans le temps musical proprement dit, délicieusement chaloupé, et invite à sortir de table pour laisser au geste instrumental l'espace de se déployer. Les musiciens apporteront la dernière touche au Dîner en versant sur la table/toile leur assiette de couleur: un instant privilégié, baigné d'émotion, qui poétise le geste artistique où venaient se rejoindre les deux cheminements créateurs.

Les deux pièces qui précédaient n'avaient rien d'une « mise en bouche » tant elles s'imposaient dans leur singularité et leur impact expressif. Anticipant les événements de la saison prochaine, dirigeait d'abord une pièce du futur résident, le compositeur jordanien . Dans The Sublime – en référence au philosophe Edmund Burke – il envisage son dispositif instrumental par masses sonores interactives ménageant les contrastes au sein d'une écriture souvent éruptive et parfaitement maîtrisée. Aux échanges musclés, quasi violents, entre les hauts instruments – incluant une percussion très tapageuse – Haddad oppose des textures diaphanes, sublimement belles (pour rejoindre son propos), dans une dramaturgie sonore dont l'implication exemplaire des instrumentistes intensifiait le courant émotionnel.

Résident désormais à Montréal où il est professeur de composition agrégé à l'université McGill, n'avait pas fait le voyage pour assister à la création de Ailes, une œuvre très impressionnante pour baryton et 13 instrumentistes, que l'on peut situer dans le sillage de Voi(Rex). Mais ici, le retrait de l'électronique est compensé par un effectif instrumental plus fourni de 13 instruments qui vont « assister » la voix dans ses prolongements, déformations et métamorphoses, comme le faisait la machine en temps réel de Voi(rex). Pour Ailes, Leroux conçoit lui-même un texte, non pour sa valeur sens – il est pratiquement indéchiffrable à la vitesse où il est dit – mais comme matériau énergétique et sonore sur lequel va opérer tout à la fois le chanteur – distorsion du timbre, variations du débit et des registres, trajectoire du mouvement dans l'espace – et l'écriture instrumentale pratiquant une sorte de « synthèse additive » du spectre vocal, dans une complémentarité des timbres et une ambiguité des sources très subtiles. , baryton et membre bien connu des Neue Vocalsolisten de Stuttgart, s'impose en vedette assoluta, assumant sa partie virtuose, tant vocale que théâtrale, avec une souplesse et une assurance phénoménales. et son ensemble en très grande forme gorgent d'énergie cette partition vouée à l'air et au mouvement, qu'ils termineront dos courbé et tête baissée, une manière « à la Leroux » de théâtraliser l'écoute en associant l'auditeur au déroulement de l'oeuvre qui, tel un organisme vivant, nait, croit et meurt.

Cette grande soirée avec tombola – animée de la verve inimitable d'Omer Corleix – était dédiée à celui sans qui, depuis 40 ans, l' n'aurait pu exister en matière de régie et de logistique de concert. Merci Monsieur Christian Lauret !

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