Plus de détails
Paris. Salle Pleyel. 03-V-2012. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°5 en ut mineur Op.67 ; Richard Strauss (1864-1949) : Ainsi parlait Zarathoustra, poème symphonique op.30. Orchestre Philharmonique de Berlin, direction : Gustavo Dudamel.
Tout juste remise d'une intégrale en deux concerts des symphonies de Brahms par Gustavo Dudamel, la salle Pleyel retrouvait le brillant et fougueux chef vénézuélien à la tête cette fois du plus fameux ensemble qui soit, l'Orchestre Philharmonique de Berlin, pour deux œuvres depuis toujours chevaux de bataille de cet orchestre, la Symphonie n°5 de Beethoven et Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss.
Sautant ainsi de Paris et du Philharmonique de Radio-France à Berlin, Gustavo Dudamel prit les rênes d'une semaine avec les Philharmoniker, qui commença par un concert d'abonnement (27, 28 et 29 avril) au programme duquel se trouvait Ma Mère l'Oye de Ravel, le Concerto pour violon de Korngold avec Leonidas Kavakos et déjà Zarathoustra. Puis direction Vienne pour le traditionnel European Concert donné chaque 1er mai dans une ville différente, hébergé à cette occasion par la célèbre Spanische Hofreitschule (Ecole d'équitation espagnole), avec Brahms et ses Variations sur un thème de Haydn dont le concerto pour violoncelle n°1 était ensuite joué par Renaud Capuçon, pour conclure avec la cinquième de Beethoven, avant de gagner le Musikverein le 2 mai et Paris le lendemain avec le même programme Beethoven Strauss.
La soirée parisienne était donc la dernière levée de cette série Dudamel-Berlin, dont on n'eut pas la sensation qu'elle en était l'apothéose car il nous a semblé qu'un soupçon d'enthousiasme et de plaisir sensuel manquait à l'appel ce soir pour nous combler totalement, même si ce concert fut orchestralement de très haut niveau. On perçut ce déficit de caractère dès l'Allegro con brio de la symphonie, fort proprement joué, très correctement Allegro mais pas tant con brio qu'espéré. On n'y retrouvait pas la formidable densité à couper le souffle de cette musique, ni une irrésistible progression, ni une vison rythmique ou coloriste, juste une belle exécution sans plus. Petite déception donc pour entamer le concert, corrigée toutefois par un Andante con moto qui respirait admirablement et réussissait à enchaîner les variations sur un tempo de base modéré qui avait l'avantage de pouvoir rester à peu près constant du début à la fin, lui apportant une certaine noblesse et évitant ainsi les ruptures de ton, piège classique de ce mouvement. Le Scherzo vigoureux montra que les berlinois maitrisent ce passage comme bien peu (comme leurs cousins viennois d'ailleurs) et c'est sans doute dans le final que la « patte » Dudamel se manifesta avec plus d'évidence avec une animation rythmique et des contrastes de tempo plus marqués qui, s'ils n'atteignirent pas l'irrésistible furia que le chef sut insuffler au final de la septième ici même avec Los Angeles, achevèrent la symphonie sur une note plus ferme. Néanmoins il nous sembla que cette exécution manqua de « richtung » comme disent les allemands, c'est-à-dire qu'elle n'allait pas tout droit avec une force dévastatrice de son début tout en tragique densité jusqu'à sa fin glorieuse.
Evidemment le poème symphonique Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss ne pose pas les mêmes problèmes que la symphonie, et avec un orchestre de cet acabit on s'attend à ce que les difficultés techniques soient avalées sans souci. Et à part peut-être un réglage de décibels à adapter à la salle qui vit l'orgue au tout début, comme la cloche à la fin, attaquer trop fort pour à chaque fois corriger immédiatement, l'orchestre fut à la hauteur de sa réputation. On n'y retrouva pas le même niveau d'hédonisme et de sensualité qu'il manifestait avec Karajan, chef straussien par excellence, et qui, allié à l'exceptionnelle virtuosité de l'orchestre, faisait alors des exécutions de cette œuvre des moments extraordinaires. Ce Zarathoustra signé Dudamel tutoya par moment ce niveau de virtuosité et d'accomplissement symphonique, mais en asséchant quelque peu la sensualité, l'orchestre se montrant, finalement avec logique, celui de Rattle et plus vraiment celui de Karajan. S'il décortiqua parfois un poil trop le phrasé (ajout d'une respiration avant les derniers temps dans la fameuse introduction, que la formidable trompette, droite comme un i, de Gábor Tarkövi réussit de manière rêvée), le chef se montra dans l'ensemble plus à son affaire ici qu'avant l'entracte, enchainant les épisodes sans rupture, maitrisant les surpuissants fff jusqu'au plus ténus ppp (dont le dernier sur les pizzicati des violoncelles et contrebasses fut accompagné, comme il se doit, de la sonnerie d'un téléphone portable, honte à son propriétaire !), et emporta avec lui le public de la salle Pleyel, qui se vit offrir en bis un extrait de la première œuvre de ce cycle Berlin-Dudamel avec Le Jardin féérique, final de Ma Mère l'Oye, un poil contemplatif quand même.
Crédit photographique : © Julien Mignot/ Salle Pleyel
Plus de détails
Paris. Salle Pleyel. 03-V-2012. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°5 en ut mineur Op.67 ; Richard Strauss (1864-1949) : Ainsi parlait Zarathoustra, poème symphonique op.30. Orchestre Philharmonique de Berlin, direction : Gustavo Dudamel.
1 commentaire sur “Avec Berlin, Dudamel cherche sa voix”