Plus de détails
James Lyon : Leoš Janáček, Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams : un cheminement commun vers les sources. Préface par Antonin Scherrer. Beauchesne, collection Le miroir des savants. ISBN : 978-2-70010-1595-8. Dépôt légal : octobre 2011. 719 pages
Cet ouvrage applique les méthodes de l'hymnologie, c'est-à-dire l'herméneutique des hymnes, à trois compositeurs inspirés par le folklore, Leoš Janáček, Jean Sibelius et Ralph Vaughan Williams.
Le vocabulaire d'analyse n'est pas seulement celui de la musicologie, mais aussi un vocabulaire symbolique, comme le « Père » et le « Fils » d'une mélodie, ou la signification psychologique des intervalles. Les exemples musicaux sont en effet expliqués en termes de « motifs », selon la théorie du psychologue Paul Diel, et « l'harmonisation des désirs », visée en principe par tout être humain, se retrouve dans la victoire de l'harmonie musicale sur la dissonance. Aussi certaines analyses musicales proposées par James Lyon risquent-elles de surprendre, voire de laisser perplexe un lecteur non familier de l'hymnologie. C'est d'autant plus vrai que le texte des chants n'est presque jamais donné, alors qu'il s'agit d'un élément essentiel de l'interprétation. Par contre, l'influence des sources folkloriques sur les œuvres savantes est montrée de façon convaincante. De là, on comprend comment ces mélodies, souvent d'une surprenante beauté, toute modale, ont permis à chaque compositeur de se forger un langage plus personnel.
On trouvera dans la première partie, sous la forme d'un itinéraire biographique entremêlant la vie des trois compositeurs, une multitude de faits intéressants, comme la manie de Janáček de noter les sons de la parole humaine, ou l'influence des théories de Darwin sur son petit-neveu Vaughan Williams. James Lyon offre aussi des textes de ce dernier, remarquable polémiste quand il s'agit de défendre l'existence d'une musique anglaise. Malgré tout, en dehors d'un intérêt commun pour le chant populaire, le rapprochement de ces trois musiciens n'est pas complètement exploité, d'autant plus que leurs relations personnelles et musicales sont restées très limitées, et qu'à ce compte, d'autres comme Bartók ou Gustav Holst auraient pu aussi être convoqués. Des pistes se dessinent, comme la tradition de l'hymne protestant (dont l'auteur est spécialiste), et aussi une recherche de l'authenticité qui aurait pu être récupérée par les courants fascistes de l'époque si elle n'avait été soutenue par des convictions humanistes.
La seconde partie, analysant successivement les trois compositeurs, a l'intérêt de présenter des œuvres qui restent assez difficiles d'accès, soit à cause de la langue, soit à cause d'une diffusion limitée en France. L'étude des motifs psychologiques dans les opéras de Janáček est poussée, mais il faut avouer que les développements sur le fonds mythologique et ses implications symboliques semblent parfois fastidieux : presque 70 pages sont consacrées au Pilgrim's progress de Bunyan, source de Vaughan Williams, et la narration détaillée des aventures de Lemminkaïnen ne s'appuie pas sur des exemples musicaux très parlants.
En tout état de cause, la somme d'informations brassées dans cet ouvrage est considérable, comme en témoigne l'impressionnant index des noms cités, comportant les notices biographiques de 470 personnes. Le style précis et chaleureux permet d'appréhender l'importance, facilement sous-estimée, du courant folkloriste dans la musique postromantique et dans la vie intellectuelle de la première moitié du XXeme siècle.
Plus de détails
James Lyon : Leoš Janáček, Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams : un cheminement commun vers les sources. Préface par Antonin Scherrer. Beauchesne, collection Le miroir des savants. ISBN : 978-2-70010-1595-8. Dépôt légal : octobre 2011. 719 pages
Beauchesne
0 commentaires sur “Janáček, Sibelius, Vaughan Williams : retour aux sources”