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Thielemann dirige Strauss et Bruckner à Berlin

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Berlin. Philharmonie de Berlin. 03-III-2012. Richard Strauss (1864-1949) : Concerto pour hautbois en ré majeur op.144. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°4 en mi bémol majeur « Romantique ». Albrecht Mayer, hautbois. Orchestre Philharmonique de Berlin, direction : Christian Thielemann.

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L' est sans doute une des formations symphonique qui favorise le plus l'engagement en soliste ou musique de chambre de ses membres.

On y compte pas moins de trente formations de chambre, et que, comme ce soir, un des Philharmoniker est invité à jouer le rôle de soliste d'un concerto, en l'occurrence Albrecht Mayer qui est avec Jonathan Kelly un des deux hautbois solo de l'orchestre, pour le concerto de . Bien connu pour ses affinités avec Strauss et Bruckner, la performance du chef berlinois à la tête de la célèbre formation attirait forcément l'attention du mélomane, la salle étant d'ailleurs comble pour les trois soirées.

Le concerto pour hautbois de est une des œuvres tardives du compositeur bavarois, puisqu'elle fut écrite en 1945 et créée à Zurich l'année suivante. La partie d'orchestre est modeste comparée aux formations demandées pour les poèmes symphoniques, avec seulement 2 flutes, 1 cor anglais, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 cors et un petit ensemble de cordes. Ainsi l'équilibre avec le hautbois soliste, qui n'est pas un instrument extrêmement puissant, est relativement facile à trouver, pour autant on regretta quand même que le chef y retînt un peu trop ses troupes, ce qui favorisa sans aucun doute son soliste mais amenuisa quand même l'intérêt de la partie orchestrale et retira une partie de l'animation interne de cette pièce. Du coup, il nous faut bien admettre que l'œuvre nous parut un peu terne, manquer de rebond, en particulier dans le premier mouvement Allegro moderato qui nous sembla tourner en rond et ne pas vraiment progresser en route. D'autant que, si le hautbois d'Albrecht Mayer séduisit immédiatement par son timbre et une couleur assez lumineuse qu'il conserva d'un bout à l'autre, il manqua de nuance et sembla dans les quelques traits les plus virtuoses un poil sur la réserve, ne donnant pas la sensation d'un confort sublimant le texte. Le chef et le soliste conservèrent jusqu'au bout cette distance avec le texte, en firent une lecture assez littérale, sérieuse, imperturbable, bien éloignée de l'hédonisme straussien habituel, et finalement un peu raide, jouant assez peu sur les respirations, les changements de couleurs et de ton, les variations de tempo, assez allant d'ailleurs, même les fins de mouvements parurent trop directes et pas assez amenées en souplesses. On ne doute pas qu'Albrecht Mayer aime ce concerto, comme sans doute le chef, mais ils nous en ont donné une version un peu terne, et trop entre les seules mains du soliste, qui en parfait musicien d'orchestre allemand, ne se laissa peut-être pas aller jusqu'au bout de son imagination pour faire plus complètement vivre et vibrer ce concerto.

On attendait beaucoup plus de la suite du programme avec la symphonie « Romantique » de Bruckner dont le fameux trémolo de cordes introductif donna le frisson. Et l'appel de cor qui suivit donna la sensation que ce pupitre, si important dans cette œuvre, allait être à la hauteur de la tâche (le Scherzo !), et il le fut au-delà de nos espérances, Stefan Dohr, le premier cor, s'attira d'ailleurs un triomphe à l'applaudimètre auprès du public. Disons le tout de suite l'orchestre fut phénoménal, tout juste a-t-on noté une fois un chouïa de décalage sur un départ entre les cors 1 et 3, et une note ratée à la trompette dans l'exposition du scherzo, parfaitement réussie lors du da capo. Pour le reste on comprit assez vite que allait faire chanter toutes voiles dehors ses douze cuivres, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, au point qu'il nous arriva de nous demander si nous n'étions pas à Chicago. Bien sûr cette puissance expressive des cuivres n'était pas un contresens dans cette symphonie, mais sa constance, toute impressionnante qu'elle fût, nous parut un poil réductrice quand même, on aurait aimé quand même plus d'expressivité chez les cordes, et on sait bien qu'elles en sont capables. Pour le reste la direction de Thielemann fut tout sauf attendue, le chef imprimant ses choix personnels à son interprétation, ce qui fait aussi l'intérêt de ses concerts. Ici il fit de choix parfois paradoxaux, comme sa façon de retenir voire de ralentir les passages « pulsés » si caractéristiques de la musique de Bruckner, rendant moins « irrésistible » l'avancée rythmique dans ces moments là, alors qu'il accéléra vigoureusement les passages tumultueux et qu'il avança un peu strictement dans les passages lyriques, leur enlevant une partie de leur pouvoir émotionnel. Cette façon de jouer, assez contrastée, maintenait l'auditeur en éveil en lui rendant imprévisible la suite des événements, en même temps qu'elle pouvait le troubler, rendant moins évidente la succession des séquences, dont l'inéluctable nécessité ne sautait plus aux oreilles. Finalement, tout comme le concerto en première partie, mais à un degré moindre quand même, cette version ne jouait pas sur la séduction instrumentale, ne transmettait pas à l'auditeur un plaisir hédoniste immédiat, elle ne le cherchait vraisemblablement pas d'ailleurs, impressionnait franchement par moment, intéressait toujours, même si elle ne convainquait pas instantanément. Ce qui, reconnaissons le, est souvent la marque et aussi l'intérêt de ce chef, ce concert ne l'a pas démentit.

Crédits photographiques : Matthias Creutziger

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