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Silvia Dalla Bennetta, révélation d’une exceptionnelle Lucia di Lammermoor

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Berne. Stadttheater. 28-I-2012. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucia di Lammermoor, drame tragique en 3 actes sur un livret de Salvatore Cammarano d’après le roman de Sir Walter Scott. Mise en scène : Kay Kuntze. Décors et costumes : Duncan Hayler. Lumières : Karl Morawec. Chorégraphie : Denis Puzanov. Dramaturgie : Régine Palmai. Avec Robin Adams (Lord Enrico Ashton) ; Silvia Dalla Benetta (Miss Lucia) ; Hoyoon Chung (Sir Edgardo Ravenswood) ; Giacomo Patti (Lord Arturo Bucklaw) ; Carlos Estivel (Raimondo) ; Hélène Couture (Lisa) ; Stjepan Franetovic (Normanno). Chœur du Stadttheater de Berne (chef de chœur : Simon Rekers). Berner Symphonieorchester. Direction musicale : Srboljub Dinić

Rayonnante, le rire aux lèvres, littéralement sautant de joie, les bras levés au ciel, exultant de bonheur. Une explosion qui fait plaisir à voir tant elle est spontanée et libératrice.

Toute cette euphorie débordante jaillit de la soprano italienne . D'abord toute dans son rôle, elle salue respectueusement le public et ce n'est que lorsqu'elle réalise le triomphe qui lui est réservé qu'elle prend soudain conscience de sa prestation et que, tel un bouchon s'échappant d'une bouteille de Champagne, elle éclate dans cette joie incontrôlable. C'est que la soprano italienne vient de signer une performance vocale et théâtrale d'exception. Une Lucia di Lammermoor de Donizetti qui fera date non seulement dans les annales du Stadttheater de Berne mais dans les oreilles et le cœur des nombreux amateurs d'art lyrique en recherche d'artistes de cette dimension, de cette préparation technique et de ce talent.

Et pourtant, la partie n'était pas gagnée d'avance. En prenant le parti de montrer l'œuvre de Donizetti dans un environnement de violence de clans moyenâgeux, vivant dans un univers souterrain à l'image des bandes dessinées « underground », le metteur en scène allemand Kay Kuntze favorise l'expressivité de luttes, de duels, de meurtres. Un monde corrosif, vivant dans la pénombre d'un plateau tantôt s'élevant au-dessus des hommes, tantôt s'abaissant à leur niveau. Des hommes vêtus de haillons gris, bruns ou noirs, armés de chaînes, toujours prompts à la bagarre. L'audacieuse mise en scène de Kay Kuntze, sa brutalité, les couleurs souvent osées des éclairages, les décors psychédéliques (pourquoi accentuer le glauque du climat en laissant dégouliner de l'eau des cintres s'écrasant (trop) bruyamment sur la scène ?) s'atténue derrière la lumière apportée par la magnifique présence de la soprano italienne , Lucia d'exception.

Outre ses qualités vocales, il faut relever son extraordinaire capacité d'interprète alors que tout autour d'elle semble aller à vaux l'eau (justesse du ténor et de la basse, rigidité vocale du baryton). A aucun moment elle ne semble être déstabilisée par la rudesse du climat sanguinaire qui l'entoure. Contrastant avec la noirceur environnante, la douceur de la voix de , son admirable phrasé, ses sons filés éthérés, ses graves profonds et à son registre médium superbement dominé illumine le plateau.  Gardant son admirable ligne de chant, elle distille ses airs avec une beauté de timbre, une profusion de couleurs, de nuances qui en fait une Lucia de rêve. A souligner, la magnifique complicité tant vocale que théâtrale de la mezzo canadienne Hélène Couture (Alisa).

Un monde de brutes. Ainsi, (Lord ) habillé de cuir noir, les mains gantées, l'épée ou le poignard constamment à la main, tente de reconquérir sa prédominance éprouvée par de mauvais choix politiques. Si le baryton anglais nous gratifie de son habilité vocale et de ses gestes théâtraux coutumiers, sa prestation convient au personnage. Toutefois, on aurait aimé qu'il remplace parfois son chant claironnant par un peu plus de sensibilité musicale. A ses côtés, la basse (Raimondo) déçoit par un manque flagrant de justesse alors que Stjepan Franetovic (Normanno) s'empêtre dans son personnage gauche. On appréciera le ténor Giacomo Patti (Edgardo) se révélant capable de retenir son instrument pour ne pas porter ombrage au rôle d'Arturo qu'il chante en alternance.

Quant au ténor (Edgardo) après des débuts désastreux, avec des aigus peu sûrs, des notes de passage souvent hors diapason, on pense avoir à souffrir avec lui tout au long de cette soirée. Or, à l'entrée du troisième acte, le ténor sud-coréen, probablement libéré des angoisses de cette première, apparait métamorphosé. Dans un duo magnifique (rarement joué) avec (Lord ), il retrouve l'entier de ses moyens vocaux.

Si le Chœur du Stadttheater se révèle en net progrès sur ces précédentes prestations, dans la fosse, le s'avère particulièrement mal préparé. Pour preuve, les nombreuses imprécisions des cuivres. A leur décharge, la direction brouillonne, bruyante et fréquemment tapageuse d'un en manque de musicalité, voire du lyrisme belcantiste que requiert une telle partition.

Dans son choix de mise en scène, si les ambiances « underground » peuvent convenir aux climats du drame de Walter Scott, la scène de la folie de Lucia di Lammermoor semble incongrue. En effet, Lucia est soudain entourée de personnages blafards comme des zombies, à demi nus, coiffés de perruques blanches filasse, qui bientôt miment la Sainte Cène sur une table couverte d'épaisses toiles d'araignées. Quand Lucia monte sur cet « autel » pour finalement  s'écrouler en mettant au monde un enfant prestement recueilli par sa suivante, on reste interpelé. Si telle est l'image qu'a voulu montrer le metteur en scène de la raison délirante de Lucia, ce brusque changement d'unité de temps déroute. Tout comme est hors de propos, l'air final « Ardon gli incensi » chanté (superbement) par Silvia Dalla Bennetta devant le rideau de scène aux côtés de la flûtiste (Sakura Kindynis) sortie de l'orchestre. La performance musicale, la complicité évidente des deux artistes pouvait se passer de cette mise en exergue. Dommage !

Crédit photographique : Silvia Dalla Bennetta (Lucia), (Edgardo) ; (Enrico), Silvia Dalla Bennetta (Lucia), Giacomo Patti (Arturo) ©Annette Boutellier

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Berne. Stadttheater. 28-I-2012. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucia di Lammermoor, drame tragique en 3 actes sur un livret de Salvatore Cammarano d’après le roman de Sir Walter Scott. Mise en scène : Kay Kuntze. Décors et costumes : Duncan Hayler. Lumières : Karl Morawec. Chorégraphie : Denis Puzanov. Dramaturgie : Régine Palmai. Avec Robin Adams (Lord Enrico Ashton) ; Silvia Dalla Benetta (Miss Lucia) ; Hoyoon Chung (Sir Edgardo Ravenswood) ; Giacomo Patti (Lord Arturo Bucklaw) ; Carlos Estivel (Raimondo) ; Hélène Couture (Lisa) ; Stjepan Franetovic (Normanno). Chœur du Stadttheater de Berne (chef de chœur : Simon Rekers). Berner Symphonieorchester. Direction musicale : Srboljub Dinić

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