Le Wagner inspiré de Marek Janowski

Fâché avec les mises en scène modernes des opéras, particulièrement en Allemagne, Marek Janowski a décidé depuis de nombreuses années de ne plus diriger d'opéras autrement qu'en concert.

A la tête de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin dont il est le directeur artistique, Marek Janowski s'engage ici dans un cycle de concerts uniques des opéras de Wagner. Ce cycle, initié en novembre 2010, se terminera avec le Götterdämmerung en mars 2013. Chaque concert fait l'objet d'un coffret dont ce Fliegende Holländer est le premier volume.

Son approche totalement musicale, uniquement musicale, lui permet de soigner chaque phrase de la partition, chaque tempo, chaque inflexion communicative avec ses chanteurs, avec les pupitres. Une manière que l'enregistrement révèle magnifiquement dans ce premier volume. On ressent immédiatement la « marque de fabrique » d'un Marek Janowski inspiré, cette manière de diriger un orchestre dans la rigueur et dans l'expressivité. Cette même manière qui a fait le succès de ses enregistrements des symphonies de Bruckner avec l'Orchestre de la Suisse Romande. Comme avec Bruckner, Marek Janowski se sent totalement à l'aise dans la musique de Wagner. Visionnaire de l'œuvre, il imprime à son orchestre une grande spatialité. Ainsi l'arrivée du vaisseau fantôme est-elle magistrale et impressionnante.

Pour ce premier épisode wagnérien, la distribution s'inscrit parmi les meilleures qu'on puisse réunir. Avec un Albert Dohmen (Der Holländer) au sommet de son art, les premières phrases de son récitatif font frémir. Transportée par les accents de l'orchestre, la basse allemande est totalement investie dans son rôle. Quelle puissance ! Quelle veine musicale ! Quel engagement théâtral ! La symbiose avec l'orchestre est entière. A ses côtés, Matti Salminen (Daland) possède toujours une étonnante santé vocale. Les années ne semblent avoir aucune prise sur son instrument. Le duo du Hollandais et de Daland au premier acte est un véritable régal.

Du côté féminin, la soprano Ricarda Merbeth (Senta) fait, elle aussi, preuve d'une belle assurance vocale. Même si sa Ballade de Senta semble un peu appuyée, elle reste convaincante. Là encore, admirablement accompagnée par un Rundfunk Sinfonieorchester décidément en verve, elle est portée. A lui donner la réplique l'admirable ténor Robert Dean Smith (Erik) laisse éclater sa jeunesse et son amour à travers une voix magnifiquement claire.

Outre la magnificence de l'orchestre, l'intelligence de la direction musicale, le chœur de la Radio de Berlin se prend lui aussi magnifiquement au jeu de cet opéra.

En résumé, ce premier volet de la musique wagnérienne de Marek Janowski est plus que convaincant et force qui l'entend à s'impatienter sur les prochains albums.