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James Ehnes, le gentleman du violon

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C'est l'un des grands violonistes du moment, l'un des très rares qui renouvelle notre approche des œuvres du grand répertoire tout en explorant des pans méconnus du patrimoine violonistique. Alors qu'il sort simultanément des enregistrements des concertos de Bartók et Tchaïkovski qui marquent la discographie, le Canadien revient sur son approche musicale.

ResMusica : Vous venez d'enregistrer les Concertos de Tchaïkovski (Onyx)  et de Bartók (Chandos). Dans quel état d'esprit est, en 2011, un violoniste qui rentre en studio pour graver ces chefs d'œuvres ?

 : Ces partitions comptent, depuis toujours, parmi mes préférées ! C'était un rêve de pouvoir avoir  la chance de les enregistrer.  Je joue ces concertos depuis de nombreuses années et je ne cesse de les travailler, de les retravailler constamment. Je considère que c'est aussi un bon moment dans mon évolution artistique pour les graver. Je me sens entièrement à l'aise avec mes options interprétatives.

RM : N'est-il pas intimidant de se confronter à une discographie aussi riche autant dans Tchaïkovski que dans Bartók ?

JE : Je pense que tout violoniste qui joue ces œuvres doit se sentir à l'aise, à 100 % ; avec ses propres idées musicales. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas apprécier et admirer les interprétations du passé, mais je n'essaie jamais de singer les manières interprétatives d'autrui. Je ne suis pas intimidé par les grandes lectures du passé.  Il y a des personnes qui vont établir des comparaisons, mais ce n'est pas mon objectif personnel d'être en « compétition » avec d'autres versions discographiques. Je souhaite simplement vivre en accord avec mes idées.

RM : Est-ce que vous écoutez des enregistrements quand vous préparez les sessions studios d'une partition ?

JE : Cela dépend ! J'écoute les grandes références et aussi celles pour lesquelles le compositeur a participé ou donné des indications. Mais je ne me focalise pas sur l'une ou l'autre version afin de ne pas être trop sous influence.  Plus je me rapproche des sessions,  plus j'essaie d'être indépendant et de me fier à mes idées.

RM : Chacun de vos enregistrements de concertos témoigne d'une entente parfaite avec les chefs d'orchestre. Comment travaillez-vous avec eux pour arriver à un tel degré d'osmose artistique ?

JE : J'ai eu la grands chance d'enregistrer avec d'excellents chefs d'orchestre, la plupart de ceux-ci  sont aussi de vrais amis. Ils m'ont particulièrement aidé dans l'établissement d'une approche commune des partitions. C'est évidemment un aspect incontestable dans une interprétation car le processus n'est pas figé avec chacun ses idées et je suis toujours ouvert aux nouvelles pistes et aux conseils.

RM : Votre flexibilité musicale est totale, vous passez des contemporains (Adams) au grand répertoire (Bruch, Mendelssohn)  sans oublier le répertoire baroque (Bach) et classique (Mozart). À l'ère de la spécialisation outrancière dans des pans du répertoire, n'est-ce pas un brin provocateur ?

JE : Il y a tant de musiques que j'aime ! Je serais trop triste de devoir me limiter à seulement une partie de l'histoire de la musique.  Il y a deux sortes d'artistes : ceux qui pensent qu'ils sont meilleurs en se cantonnant à une frange du répertoire et d'autres qui tirent leur inspiration d'une pratique constante de l'ensemble du répertoire. Je m'identifie à cette deuxième catégorie. Je constate ainsi que des pièces qui sont stylistiquement très différentes me permettent de garder une fraîcheur musicale et aussi d'entretenir ma technique.

RM : Comment peut-on travailler une telle flexibilité artistique ?

JE : Je joue seulement la musique avec laquelle je me sens à l'aise et où j'ai quelque chose à dire. J'essaie de jouer chaque morceau de la manière qui me semble être la meilleure pour le restituer.

RM : Votre discographie fait la part belle à des raretés : Hummel, Dohnanyi, Dallapiccola. Comment avez-vous découvert ces partitions ?

JE : Chaque morceau de ma discographie possède sa propre histoire. Ainsi,  j'ai grandi avec le Concerto pour trompette de Hummel parce que mon père est  trompettiste et il est parvenu à connaître certains de ses concertos pour piano de Hummel et des pièces de sa musique de chambre. De plus quand j'étais à l'université, mon colocataire avait quelques enregistrements et a joué un peu de sa musique. Quand Chandos  m'a proposé d'enregistrer le Concerto pour violon de Hummel, il n'était pas pour moi un inconnu et j'étais très heureux de le jouer car le style m'était familier. En ce qui concerne Dohnanyi, c'est  un compositeur que j'aime toujours, et son Concerto pour violon n°2 a été écrit en Floride, près du lieu où je vis actuellement. Quant à  Dallapiccola, il m'a été recommandé par le chef d'orchestre Gianandrea Noseda pendant une session d'enregistrement  et nous l'avons appris ensemble pour ce projet.

RM : Quelle sera la prochaine étape discographique : Beethoven, Brahms ?

JE : Avec Chandos, nous avons planifié des projets autour de Bartók avec des œuvres chambristes et les pièces pour violon/piano et violon seul. Il y a aussi des projets avec les Concertos de Prokofiev, Glazounov et un autre avec le Concerto n°1 de Chostakovitch et le Concerto de Britten. J'espère aussi, dans deux ou trois saisons, mettre au point en enregistrement du Concerto de Beethoven. Quant à Brahms, il fait évidemment partie de ma liste de souhaits.

au disque

La discographie de James Ehnes, disponible essentiellement chez Chandos et Onyx, ne connaît aucune faiblesse. On recommande en particulier ces disques :

Béla Bartók, Concertos pour violon alto, James Ehnes, violon ; BBC Philharmonic Orchestra, direction : Gianandrea Noseda. 1 CD CHANDOS. Référence  10690

Antonin Dvořák, Concerto pour violon, James Ehnes, violon ; BBC Philharmonic Orchestra, direction : Gianandrea Noseda. 1 CD CHANDOS. Référence : 10309

Crédit photographique : © James Ehnes/Benjamin Ealovega

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