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Turin. Teatro Regio. 13-XII-2011. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Fidelio, opéra en 2 actes sur un livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke tiré du drame Léonore ou L’Amour Conjugal de Jean-Nicolas Bouilly. Mise en scène : Mario Martone. Décors : Sergio Tramonti. Costumes : Ursula Patzak. Lumières : Nicolas Bovey. Avec : Ricarda Merbeth, Leonore ; Talia Or, Marzelline ; Ian Storey, Florestan ; Franz Hawlata, Rocco ; Lucio Gallo, Don Pizzaro ; Alexander Kaimbacher, Jacquino ; Robert Holzer, Don Fernando. Choeur du Teatro Regio (direction : Claudio Fenoglio), Orchestre du Teatro Regio, direction : Gianandrea Noseda
Quand un chef d'orchestre galvanise la scène, quand de la fosse jaillit une musique qui tient le public en haleine de la première à la dernière mesure, quand, au moment des saluts, ce chef reçoit une ovation plus grande que les chanteurs eux-mêmes, on réalise combien le public de l'opéra est en attente de l'émotion que la musique est capable de leur apporter.
C'est le message que laisse Gianandrea Noseda à l'issue de cette brillante représentation de Fidelio au Teatro Regio de Turin. Avec lui, c'est l'opéra retrouvé.
Insufflant à son orchestre une formidable énergie, il transcende le plateau attirant du geste chacun à se surpasser, à quitter l'enveloppe de la pure technique pour rejoindre l'expression théâtrale profonde du drame beethovénien. Tantôt s'élevant de son pupitre comme pour s'envoler vers la scène, tantôt disparaissant en plongeant vers l'orchestre pour réapparaître soudain enveloppant d'un geste la grâce qu'il recherche dans la tournure d'une phrase, dans l'harmonie d'une autre, il est le maître du jeu. L'ordonnateur des enjeux de l'intrigue. Certainement l'un des meilleurs chefs d'orchestre d'opéra (nous avions déjà eu l'occasion de nous extasier sur son travail lors de la Tosca à Verbier, Gianandrea Noseda confirme ici son talent pour dire la musique. Une musique qu'il raconte comme une grande symphonie avec parmi les pupitres des instruments, des voix.
Dans sa démarche musicale, Gianandrea Noseda fond les chanteurs dans le creuset de la masse orchestrale. Certes, ils sont les solistes mais ils n'ont la priorité entière sur l'orchestre. Chaque chanteur s'insert au sein de la musique de l'orchestre pour y dire ses mots. Alors, l'orchestre prolonge le son de la voix. Ainsi, ils chantent avec leur voix, avec ce qu'elle offre, avec ce qu'elle doit raconter, sans qu'elle n'ait le moyen de briller autrement que par sa qualité propre. C'est ainsi que la mise en scène prend toute sa valeur.
Et la mise en scène de Mario Martone devient partie de la musique. Vivante, très près du livret, juste et sans excès, elle raconte l'intrigue avec naturel. Dans l'espace triste d'une cour de prison, les enjeux se nouent sans excès dans un intelligent théâtre. Aux abords de ce décor gris et sombre, traversé de passerelles, une cellule isolée, présente tout au long de l'opéra, laisse apparaître de temps à autre les mains de Florestan, croupissant dans son cachot. Une idée permettant à Fidelio/Léonore de concrétiser ses pensées vers l'homme dont elle est séparée et qu'elle tente de sortir de cette prison.
L'efficace direction d'acteurs traite l'action avec clarté. Les personnages sont parfaitement caractérisés. L'insouciance amoureuse de Marzelline pour Fidelio, gêné par l'ambiguïté que lui cause son déguisement. L'intéressé Rocco aux ordres de Don Pizzaro restant malgré tout soucieux de plaire à sa fille et à ce Fidelio qui le seconde si bien dans ses tâches journalières. L'incompris et repoussé Jaquino faisant une cour empressée et vaine à Marzelline. Un monde de petites gens en opposition avec la superbe arrogante de Don Pizzaro, ennemi de Florestan dont il a juré la mort.
La direction d'orchestre est si prenante, si inspirée qu'on remarque à peine que le plateau n'est pas aussi prestigieux qu'il pouvait l'être. Ainsi, hormis la classe supérieure dans laquelle voyage le baryton Franz Hawlata (Rocco) et la sensibilité et la fraicheur de la soprano Talia Or (Marzelline), dont on aurait aimé qu'elle eut un peu plus de volume dans sa voix, un Alexander Kaimbacher (Jacquino) présent à souhaits et la très belle tenue vocale de la majestueuse basse de Robert Holzer (Don Fernando), les autres protagonistes nous laissent sur notre faim. A commencer par Ricarda Merbeth (Fidelio/Leonore) dont la voix fabriquée accuse souvent un large vibrato. Plus préoccupée de son chant que de son personnage, elle n'est malheureusement pas à son théâtre. Comme lorsqu'elle retrouve Florestan, et qu'elle n'a pas un regard pour lui. Il faut dire que Ian Storey (Florestan) manque de lyrisme et de phrasé pour émouvoir. Le baryton Lucio Gallo (Don Pizzaro) force trop son instrument dans l'espoir de jouer le méchant.
On ne saurait clore le compte rendu de cette superbe production, sans mentionner l'excellente prestation des chœurs du Teatro Regio, impressionnants de puissance et de beauté chorale lors de la scène finale.
Crédit photographique : Ricarda Merbeth (Leonore), Ian Storey (Florestan) ; Talia Or (Marzelline), Ricarda Merbeth (Leonore), Franz Hawlata (Rocco), Lucio Gallo (Don Pizzaro) © Ramella&Giannese/Teatro Regio di Torino
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Turin. Teatro Regio. 13-XII-2011. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Fidelio, opéra en 2 actes sur un livret de Joseph Sonnleithner et Georg Friedrich Treitschke tiré du drame Léonore ou L’Amour Conjugal de Jean-Nicolas Bouilly. Mise en scène : Mario Martone. Décors : Sergio Tramonti. Costumes : Ursula Patzak. Lumières : Nicolas Bovey. Avec : Ricarda Merbeth, Leonore ; Talia Or, Marzelline ; Ian Storey, Florestan ; Franz Hawlata, Rocco ; Lucio Gallo, Don Pizzaro ; Alexander Kaimbacher, Jacquino ; Robert Holzer, Don Fernando. Choeur du Teatro Regio (direction : Claudio Fenoglio), Orchestre du Teatro Regio, direction : Gianandrea Noseda