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Voyage en Azerbaïdjan avec l’Association Chostakovitch

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Paris. Salle Adyar. 23-XI-2011. Kara Karaev (1918-1982) : Une statue à Tsarskoïé Sélo ; Sonate pour violon et piano (c). Franghiz Ali-Zadeh : Music for Piano (c); Habil Sayagi ; Crossing II (c). Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Musique de Cour op 137 pour deux flûtes et harpe (c); Symphonie n° 9 op 70 réduction pour piano 4 mains réalisée par l’auteur (c); Transcription de la Sérénade de Gaetano Braga (c). Javad Taghizade, violon ; Eeva Mattila, Ludmila Berlinskaia, Guigla Katsarava, Franghiz Ali-Zadeh piano ; Ivan Monighetti, violoncelle. Isa Lagarde, soprano ; Elena Gabouri, mezzo-soprano. Ensemble Intégral, direction : Alexandre Grandé. (c) : Création française

C'est une salle Adyar fort bien remplie qui accueillait ce concert de L'Association Internationale « », dont le thème cette année était « Voyage en Azerbaïdjan », occasion d'entendre des œuvres de deux compositeurs de ce pays d'orient liés plus ou moins directement à Chostakovitch : Kara Karaev qui fut son élève au conservatoire de Moscou de 1942 à 1946, et , assistante du premier nommé de 1973 à 1976.

Le programme était fort copieux en même temps que morcelé puisque pas moins de huit œuvres allaient s'enchaîner, dont six en création française, la plus courte ne durant que le temps de cuire un œuf coque, la plus longue atteignant les 25' de la version pour piano à quatre mains de la Symphonie n°9 de Chostakovitch. Musicalement, la soirée étaient composée en trois mouvements et un épilogue : premier mouvement classico romantique avec les deux œuvres de Karaev ; deuxième mouvement épique et spectaculaire avec la symphonie de Chostakovitch ; troisième mouvement plus sombre, original et exigeant avec ; pour finir sur une note plus légère avec la courte transcription pour piano, violon, soprano et mezzo-soprano de la Sérénade de Gaetano Braga.

C'est donc Kara Karaev qui ouvrit le bal sous les doigts de la pianiste finlandaise Eeva Mattila et l'archet de l'azéri natif de Bakou Javad Taghizade. Chostakovitch disait de l'œuvre de son élève qu'elle avait trois bases, la musique traditionnelle, l'héritage classique, les formes plus modernes de la musique contemporaine. Les deux opus offerts ce soir ne le montraient pas totalement, l'héritage classique, néanmoins fin XIXième début XXième, nous semblant prédominant et à l'opposé l'influence du contemporain bien discret. Ainsi on sentait facilement poindre derrière ces notes l'influence de Schumann et Liszt d'un côté, de Stravinski et Prokofiev de l'autre, et sur la forme le classicisme d'une sonate en quatre mouvements et une relation d'égalité entre piano et violon, en même temps qu'un traitement mélodique, rythmique et harmonique hors lignée Ecole de Vienne comme on s'en doute.

On monta d'un cran en intensité avec la réduction pour piano quatre mains de la Symphonie n°9, juste précédée d'un petit apéritif constitué par cette Musique de Cour op.137 datant de 1970, plaisamment jouée par des membres de l'Ensemble Integra. C'est sous cette forme à quatre mains que la symphonie fut interprétée initialement le 4 novembre 1945 par le compositeur et Sviatoslav Richter peu avant la création de la version symphonique sous la direction de Mravinski le 3 novembre. Dire qu'il s'agit bien là d'une « réduction » n'est pas faire injure à cette version mais simplement reconnaitre que la richesse expressive de l'orchestration ne soit pas totalement restituée avec les seules ressources du clavier. L'ironie et le second degré inhérent à cette œuvre restaient perceptibles sous les doigts habiles de et , mais pas avec autant de saveur et d'évidence qu'avec l'orchestration complète. Si l'orchestre reste donc irremplaçable, reconnaissons que nos deux pianistes ont fort bien défendu cette version et captivé l'auditeur jusqu'au bout.

C'est après un court entracte, occupé à la préparation spécifique du piano destinée à lui donner une sonorité plus proche d'instruments traditionnels, que nous allions réellement sentir la présence et l'influence de l'orient avec les trois œuvres de qui assurait elle-même la partie de piano. Music for Piano prend la forme d'un klavierstücke quasi rapsodique où les séquences s'enchainent avec des ruptures de climats parfois abruptes, et une sonorité de piano très différenciée entre l'extrême grave à peine altéré et un médium aigu où le son de corde frappée est atténué et doublé d'une sonorité plus proche du clavecin ou de la cithare. Ce qui donne une couleur orientalisante à cette musique, qu'on retrouve également dans les courtes mélodies de cette pièce. Habil Sayagi, pour violoncelle et piano préparé, se déroule en deux grandes partie de quasi égale durée, où la première fait disparaître toute aspect mélodique et même rythmique, usant de notes longuement tenues au violoncelle accompagnées d'un discret contrepoint du piano dans une ambiance hypnotique proche d'une lamentation, précédant une seconde partie beaucoup plus dynamique, énergique et virtuose de la part du violoncelle. Le piano y est utilisé de façon originale, presque tout du long par une attaque directe des cordes soit à la main soit avec divers accessoires, puis frappant des mains le couvercle du clavier à la façon d'un tambourin, et enfin un court instant par quelques accords au clavier. Cette œuvre personnelle et originale, dédiée à qui officiait ce soir, ne se livre pas forcément au premier abord car assez austère et peu immédiatement séductrice, peut être envoutante si on s'y laisse engloutir. Reprenant un peu le même principe d'architecture en deux parties, et la même austérité « planante » de ton, Crossing II amène sur le plateau (et en coulisse) les solistes de l'Ensemble Intégral dirigés par Alexandre Grandé qui interviendront chacun leur tour en solo dans toute la première partie, elle aussi peu mélodique et quasi atone, avant de se composer en ensembles jusqu'à la désagrégation finale. Reconnaissons qu'après ces œuvres exigeantes et peu souriantes, une fin plus légère était nécessaire, ce que nous apporta l'épilogue que fut la Sérénade de Gaetano Braga transcrite par .

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