C’est donc le tremblement de terre musical belge du moment ! Le Concours Reine Elisabeth de Belgique doit quitter, dès 2012, l’illustre salle du Conservatoire royal pour une partie de ses épreuves. En effet, la vétusté les locaux rend désormais impossible la présence des équipes des médias publics dans les balcons de la salle de concert ! La situation ne date pas d’hier, cela fait des années que ce bâtiment historique tombe progressivement en ruine ; une aile mitoyenne avait déjà été fermée pour cause d’insalubrité ! On image bien les conditions de travail et le moral en berne des équipes pédagogiques et des étudiants, qui doivent s’adapter quotidiennement à ces contingences déplaisantes. Cerise sur le gâteau : la complexité juridique du statut des bâtiments et des deux conservatoires royaux bruxellois (l’un francophone, l’autre néerlandophone) n’a pas contribué à une prise de conscience, dans le chef des autorités de tutelle, de l’urgence de la situation.
En 2007, une association nommée Conservatorium, regroupant les amateurs de musique et de patrimoine a été créée pour sauver ce chef-d’œuvre architectural. De plus, un projet ambitieux, destiné à faire de l’institution une Cité de l’enseignement supérieur au cœur de l’Europe, est sur la table du gouvernement. Même si les partis politiques belges ont déjà manifesté leur accord sur l’évolution institutionnelle et juridique, il reste à financer les travaux estimés à 50 millions d’euros. Ce n’est pas une petite somme, surtout dans un contexte de crise, donc de restrictions budgétaires, alors que d’autres chantiers bruxellois sont aussi urgents : travaux à La Monnaie, numérisation des collections de la Cinémathèque royale de Belgique et surtout création d’un musée d’art contemporain (indispensable depuis l’incroyable fermeture de la partie contemporaine des Musées royaux des Beaux-arts de Belgique).
Mais au-delà de ces problèmes bruxellois, il est urgent de repenser l’enseignement musical supérieur en Belgique francophone. Alors qu’il n’y a que 4 millions de Belges francophones, on dénombre 4 institutions d’enseignement musical supérieur : les Conservatoires royaux de Bruxelles, de Liège, de Mons et l’IMEP de Namur. Cette dernière institution, créée en 1970, s’est rapidement imposée comme une référence dans de nombreux secteurs.
Longtemps institutions hybrides, les Conservatoires royaux n’ont pas digéré le cap de l’uniformisation (la Bolognisation pour les habitués du sujet) de l’enseignement supérieur européen. Il existe évidemment des classes de très haut niveau (on pense à celles du clarinettiste Jean-Luc Votano et du corniste Nico de Marchi à Namur ou à celle du tromboniste Alain Pire à Liège), mais la plupart d’entre-elles se complaisent dans un ventre mou. Il est de notoriété publique que des classes acceptent très (trop !) facilement des élèves afin de garantir les budgets tandis que la majorité des élèves de ces institutions n’oserait pas se présenter sur le difficile marché de l’emploi musical, sans s’être perfectionnées ailleurs en Europe.
Il est donc temps de restructurer l’offre d’enseignement supérieur musical en Belgique à défaut de se faire distancer définitivement par les institutions des pays frontaliers et de rester dans un Grupetto invisible et peu motivant. Il est à espérer que le microcosme musical et les politiques belges puissent enfin surpasser leur atavisme légendaire pour la prime à la casserole la dictature du plus petit dénominateur commun, sans oublier l’incapacité des décisionnaires à dépasser les puissantes baronnies locales, et leur clientélisme forcené