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Genève. Victoria Hall. 24-X-2011. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°3 en ré mineur A.94 dite « Wagner-Symphonien » (Version 1889). Orchestre de la Suisse Romande, direction : Marek Janowski.
Chaque année, le 24 octobre, la Confédération Suisse, la Ville et le Canton de Genève fêtent la journée des Nations Unies en offrant aux dirigeants et employés des institutions internationales une soirée classique. Pour l'occasion, l'Orchestre de la Suisse Romande reste le cadeau magistral de cette soirée.
Cadeau magistral s'il en est quand Marek Janowski dirige son orchestre dans la Symphonie n°3 d'Anton Bruckner. Dans son programme pluriannuel d'enregistrements avec cet orchestre, l'intégrale des symphonies de Bruckner a déjà montré l'aisance avec laquelle le chef allemand domine le sujet. Jusqu'ici, les cinq dernières symphonies sont déjà dans les bacs des disquaires. Si les critiques saluent unanimement ces disques, la prochaine arrivée de l'enregistrement de la Symphonie n°3 créera l'une des plus agréable surprise de toute la série. Surtout si, et il n'y a guère de raisons d'en douter, elle est jouée aussi splendidement que lors de ce concert.
Si les dernières symphonies du compositeur viennois sont parmi les plus populaires et les plus fréquemment interprétées en concert, cela s'explique aisément quand on réalise la complexité musicale de la Symphonie n°3. Il faut un orchestre d'une exceptionnelle précision et aux couleurs infinies pour créer l'émotion dans cette œuvre. C'est ce que réussit d'offrir l'Orchestre de la Suisse Romande d'aujourd'hui. Aujourd'hui parce que, quatre ans plus tôt, cet orchestre aurait été incapable de donner une telle interprétation de cette symphonie. Il n'avait alors pas la précision, la musicalité, la technique qu'il a acquis depuis que Marek Janowski préside à sa destinée musicale.
Grandissant Bruckner, Marek Janowski domine son instrument orchestral avec une maestria impressionnante. Dirigeant ici sans partition, il démontre combien cette partition fait partie de lui. Quel magnifique équilibre il obtient des pupitres quand dans le premier mouvement (Mehr langsam, misterioso), il noie les cordes dans les cuivres qui peu à peu émergent comme un personnage s'élevant au-dessus de la masse. Et quelle précision dans les brusques arrêts laissant passer les harmonies de l'orchestre dans l'espace du Victoria Hall, dans l'intensité grandissantes des pizzicati des violons, puis dans les reprises soudaines sans que jamais l'articulation musicale ne fasse défaut.
L'émotion issue de la qualité du pianissimo initial, la force et la puissance qui habitent le second mouvement (Adagio, bewegt, quasi Andante) laissent songeur quand à la force qu'il faudra pour que sone le dernier mouvement. Mais bientôt, on se prend à la qualité des contrastes forte/pianissimo que le chef impose à ses musiciens.
Dans le troisième mouvement (Ziemlich schnell), l'énergie surgit tout en conservant une légèreté toute viennoise. Marek Janowski s'immobilise. Il semble ne plus diriger que par de petits signes, que par quelques regards tant son orchestre fonctionne comme une belle machine bien huilée.
L'ultime mouvement (Allegro), en apothéose, dans le bal final, comme dans l'intermède, Marek Janowski porte son ensemble au paroxysme des contrastes des cuivres. Quand, avec une force extraordinaire, le dernier accord résonne, on en vient à regretter que la promptitude des applaudissements vient déranger la musique qui encore enveloppe la salle.
Merci à l'Orchestre de la Suisse Romande, merci à Marek Janowski qui dans cette soirée ont offert l'un de ses plus beaux concerts, l'un des moments les plus émouvants de ces dernières années.
Crédit photographique : Marek Janowski © DR
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Genève. Victoria Hall. 24-X-2011. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°3 en ré mineur A.94 dite « Wagner-Symphonien » (Version 1889). Orchestre de la Suisse Romande, direction : Marek Janowski.
1 commentaire sur “Janowski et Bruckner : le concert des nations”