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Reinhard Flender, directeur de PeerMusic Classical

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Peermusic Classical est la branche musique classique européenne du groupe Peermusic fondé en 1928 et aujourd'hui le plus grand éditeur mondial de musique avec 600.000 œuvres à son catalogue.

« On savait déjà que La Passagère était une œuvre-clé, Weinberg a dit lui-même que tout était lié, tout ce qu'il a écrit avant et après. »

Alors qu'aux Etats-Unis Peermusic a édité Charles Ives, Heitor Villa Lobos, Morten Lauridsen et Silvestre Revueltas, les grands noms du catalogue de cet éditeur basé à Hambourg se nomment Stefan Wolpe, Mathias Spahlinger, Theo Loevendie, Ahmed Adnan Saygun et Mieczyslaw Weinberg. ResMusica a rencontré son directeur Reinhard Flender, parlant un français parfait, à l'issue de la création anglaise de La Passagère de Weinberg, le 19 septembre 2011.

ResMusica : Mieczyslaw Weinberg fait aujourd'hui partie des compositeurs importants de votre catalogue. Comment avez-vous découvert ce compositeur qui a fait l'essentiel de sa carrière à l'époque soviétique ?

Reinhard Flender : C'est par le , en 1999, et le premier mouvement du Quatuor n°7. Je n'ai pas été très impressionné au début, car ce mouvement pris isolément ne permet pas de savoir qui est Weinberg. C'est avec le Quintette [NDLR : lire le concert de la création parisienne en 2006] que j'ai décidé d'aller à Moscou. Trente œuvres avaient été publiées par Sikorski, et tout le reste était libre. Il fallait aller vite, car ça avait traîné depuis des années, et un autre éditeur s'y intéressait. On a commencé par les quatuors et le Quintette.

RM : Vous avez acquis les droits pour toutes les œuvres ?

RF : Non, cela n'aurait pas été juste. On ne voulait pas bloquer les œuvres : on signe et on s'engage à mettre les œuvres à disposition sous un an.

RM : Et La Passagère ?

RF : Ce n'est qu'ensuite qu'on a entendu parler d'un opéra avec un thème, comment dire…

RM : … fort ?

RF : … qui nous regarde, pour les Allemands. J'ai été très impressionné par la partition, écrite avec une telle intensité. Et il existe aussi un enregistrement où Weinberg chante lui-même l'intégralité de l'opéra en jouant lui-même au piano. On comprend qu'il a tout dans la tête !

RM : Comment l'opéra a-t-il été monté, et pourquoi à Bregenz ?

RF : J'ai fait une proposition à tous les opéras, y compris Bregenz. , que je n'avais jamais rencontré, était le directeur de ce festival. J'ai eu un choc car il m'a répondu directement : « On va faire l'opéra, apportez-moi la partition ». C'est plus tard que j'ai compris que Pountney connaissait tout le pays, parlait le russe. C'était un cadeau du ciel, il a travaillé de manière perfectionniste, est allé à Auschwitz, a dépensé beaucoup d'argent, il s'est pris de passion pour l'opéra. Il y avait à l'époque 17 CDs de Weinberg, il les a tous achetés, et en 2006 l'opéra a été joué en version de concert à Moscou et on lui a envoyé un enregistrement. Il l'a aimé tout de suite.

RM : En raison de son livret ?

RF : Le fait que Marta [NDLR : Zofia Posmysz, l'auteure du roman quasi-autobiographique dont a été tiré l'opéra] soit encore vivante, ça ajoutait quelque chose. Son livre est incroyable, très riche, pas polémique. Il y a eu plein de théories, Chostakovitch aurait lu le roman de Zofia et l'aurait donné à Weinberg, mais ce n'est pas sûr. La scène finale, où Tadeusz joue la Chaconne de Bach au lieu d'une valse, est une idée du librettiste Alexandre Medvedev. Zofia n'en était pas trop contente, mais c'était nécessaire.

RM : Weinberg a composé huit opéras, La Passagère étant le premier. Quelle place cet opéra tient-il dans l'œuvre du compositeur ?

RF : On savait déjà que La Passagère était une œuvre-clé, Weinberg a dit lui-même que tout était lié, tout ce qu'il a écrit avant et après. Plus on connaît ses symphonies, plus on voit qu'il y a dans l'opéra une maîtrise incroyable. Il est le prédécesseur de Schnittke sur le polystylisme. On retrouve le thème de la Leningrad de Chostakovitch, et des citations de Kurt Weill. Le plus révolutionnaire, c'est dans les scènes des baraquements : quand les soldats allemands entrent, on entend  à chaque fois le thème initial de la Cinquième de Beethoven, déformé, militarisé. Cette association systématique de l'armée et de Beethoven, c'est complètement fou… Si les musiciens avaient conscience de cela, ils pourraient le rendre plus clairement.  Il y a aussi beaucoup de citations, il faut un bon travail d'analyse pour les entendre toutes. Et, comme Bach qui se cite lui-même dans ses Passions, Weinberg fait du recyclage.

RM : L'œuvre a été jouée à Bregenz, Varsovie et désormais Londres. Y a-t-il eu des différences d'approche ?

RF : Les musiciens anglais ont joué avec plus d'individualité, j'ai entendu des détails que je n'avais pas remarqués avant. C'était impressionnant

RM : La suite est-elle déjà connue ?

RF : La prochaine interprétation sera à Karlsruhe, avec une nouvelle production. Et puis Tel Aviv, Houston, New York. Je n'ai pas réussi à trouver de maison d'opéra intéressée en France, et je me demande pourquoi… Qui serait susceptible de le monter ?

Crédit photographique : © DR

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