Hèctor Parra, l’expérience intense de l’écoute

Cette première monographie du compositeur barcelonais Hèctor Parra réunit des œuvres solistes et de musique de chambre couvrant les six premières années de sa création (2001-2007) : des pièces qui nous font pénétrer dans l'univers sonore fascinant de cet artiste dont le geste très plastique et la texture des matériaux évoquent plus d'une fois le domaine pictural qu'il a aussi approché: en témoignent ses deux trios avec piano, Wortschatten et Knotted Fields, séparés dans l'enregistrement par le court Impromptu pour piano, son propre instrument dont il investigue les propriétés résonnantes et harmoniques avec cette tension dramaturgique qui habite toute sa musique. Abîme – Antigone IV – pour petit ensemble, une de ses premières œuvres, est dédiée à l'Ensemble Recherche à qui l'on doit l'incomparable qualité d'interprétation de cet album ; Parra y questionne déjà la dimension essentielle du temps pour établir ici un lien avec la tragédie de Sophocle.

Les deux pièces pour cordes seules font appel à l'électronique dont l'approche constitue aujourd'hui une facette très importante de la création du compositeur: dans le trio à cordes et électronique de 2006, cet esprit chercheur, passionné par les Sciences, fait appel au travail de la physicienne Lisa Randall pour ordonner le flux des énergies dans l'espace que l'électronique vient agrandir. C'est Lisa Randall elle-même qui élaborera le livret de son premier opéra Hypermusic Prologue (CD Kairos) crée au Centre Pompidou en 2010. L‘Aube assaillie pour violoncelle et électronique, une des plus belles réussites de cet album, donne la pleine mesure de son travail avec les nouvelles technologies développées à l'IRCAM. Les quatre mouvements de l'œuvre sont le fruit d'une collaboration avec le chorégraphe français Frédéric Lescure et le Jeune Ballet de Lyon. À une écriture gorgée d'énergie et propulsée par un geste actif, fervent et inventif multipliant les modes de jeu sur le violoncelle, l'électronique apporte ses sonorités inouïes pour tisser avec la matière instrumentale une polyphonie savante et parvenir à ce que Parra nomme l' « expérience intense » de l'écoute.