Le premier « opéra mariachi » à Paris

Ultime relief de l'année du Mexique en France, annulée suite à des désaccords judiciaires entre les deux pays, Cruzar de la Cruz de la Luna est le tout premier « opéra mariachi ». Ce style musical mexicain puise à la fois aux racines espagnoles et indiennes du Mexique. Traditionnellement, les orchestres mariachi, essentiellement composés de cordes (violons, harpe, guitares), voix et trompettes, accompagnent les mariages et les enterrements. C'est la première fois que le plus célèbre des orchestres mariachi, le Vargas de Tecalitlàn, dirigé par le célébrissime José « Pepe » Martinez se voit confier la commande d'un opéra. L'Opéra de Houston, au Texas, a en effet sollicité le musicien ainsi que le librettiste et metteur en scène de Broadway, Leonard Foglia, pour co-écrire le livret et mettre en scène le spectacle. Il se propose de raconter l'histoire d'un ouvrier mexicain, émigré de longue date, qui se souvient de ses origines et de son passé au Mexique. L'objectif des commanditaires est louable : évoquer l'immigration mexicaine au Texas sous une forme noble, qui parle à tous.

Dans la version semi-scénique proposée au Châtelet, l'essentiel de l'action se situe à l'avant-scène. A l'arrière-scène se déploie un spectaculaire orchestre mariachi, en costumes à brandebourg et sombreros gigantesques. Le récit propose des flash-backs entre le présent, dans une chambre d'hôpital au Texas, et le passé, dans un village mexicain, ce qui donne lieu à des scènes de mariage ou à de nombreux duos entre les personnages mexicains ou américains. Ces duos ou trios permettent d'entendre de très belles voix, de chanteurs pour la plupart habitués du Houston Grand Opera, en particulier celle de Laurentino, le baryton Octavio Moreno et Lupita, la chanteuse mariachi Vanessa Cerda-Alonzo.

Le résultat, sympathique au demeurant, n'est cependant pas tout à fait à la hauteur du projet initial. Il ne s'agit ni d'un opéra, ni d'une comédie musicale. La musique mariachi, essentiellement conçue comme un enchaînement de chansons, ne se prête pas à un développement au long cours. Les orchestrations sonnent parfois un peu trop « variétés » pour prétendre à rejoindre le répertoire de la grande musique. Certaines chansons sont sentimentales, voire mièvres et l'on ne sent pas un souffle de modernité dans ces tonalités folkloriques. Les personnages ne sont pas suffisamment creusés sur le plan psychologique, et le déroulement de l'histoire n'offre pas de réelle progression dramatique. Du coup, certaines scènes clés, comme la mort de la mère ou les retrouvailles entre le père et le fils, qui auraient dû être émouvantes, sont escamotées. Enfin, la mise en scène trop statique et l'embonpoint de certains chanteurs ne permet pas à l'ensemble de décoller, comme aurait pu le faire une comédie musicale.

Crédit photographique : ©  Felix Sanchez / Marie-Noëlle Robert