Plus de détails
Chaque année, le festival qui se tient à Citta di Castello, en Ombrie, se consacre entièrement à un pays.
« Si pour Metternich, l'Italie n'était rien de plus qu'une « expression géographique », les spectateurs s'appropriaient les œuvres pour y lire une métaphore de leurs aspirations. »
Après l'Espagne en 2007, Israël en 2008, la Grande Bretagne en 2009 et la Russie en 2010, l'édition 2011 du Festival des Nations fête le 150e anniversaire de l'unité italienne. Né en 1968, ce festival est le plus important en Ombrie l'été, avec celui de Spolète qui était récemment en perte de vitesse. Réparti sur plusieurs sites de la région, il présente le meilleur de la production musicale d'une nation et permet de découvrir aussi quelques-uns des grands interprètes et des jeunes talents du pays concerné. Aldo Sisillo, chef d'orchestre et directeur artistique du Théâtre de Modène, qui est à la tête du Festival des Nations depuis 2005, nous présente les axes de sa programmation.
ResMusica : Comment avez-vous construit la programmation de cette année ?
Aldo Sisillo : Au milieu du dix-neuvième siècle, l'art semblait précéder la politique. Notre programmation montre comment la musique italienne, avec toute la richesse de ses différentes facettes, représentait déjà l'idée d'une unité italienne.
Nous avons ouvert le festival avec les deux grands noms qui sont aussi les symboles de la musique italienne, Rossini et Verdi. Deux concerts seront ensuite consacrés aux deux plus grandes écoles musicales italiennes, d'abord la Vénitienne et on entendra des concertos pour violon de Tartini exécutés par Massimo Quarta, un de nos plus grands violonistes à la tête des Solisti di Perugia. L'autre grande école est la Napolitaine, à laquelle sera consacré un autre concert, avec Pergolèse, Provenzale dont on entendra deux cantates dans la petite église de Mora, Scarlatti et Vinci . Ces compositeurs ont influencé l'art lyrique dans toute l'Europe.
RM : Entendra-t-on aussi des œuvres de compositeurs contemporains ?
AS : Évidemment ! Nino Rota, par exemple est présent dans plusieurs concerts, et nous avons, comme chaque année, programmé plusieurs créations mondiales.
Nous avons commandé à un jeune compositeur dans la lignée de Schönberg, Cristian Carrara, un petit opéra sur une partie du livre Cuore de Edmondo De Amicis, un livre emblématique de l'époque. Et Salvatore Sciarrino, a écrit pour le Festival « Cantiere del poema », un morceau de musique de chambre.
Je peux aussi citer les noms de Giovani Sollima dont on entendra le Voyage pour clarinette, violon et piano ou Nicola Capogrande et Raphaele Bellafronte qui nous ont donné des œuvres écrites pour nous.
RM : Qui est le chanteur populaire et fantaisiste Elio ?
AS : Elio est l'enfant terrible de la pop italienne ! C'est un chanteur éclectique, un instrumentiste et un compositeur génial influencé par Frank Zappa. Il participera à une recréation d'un feuilleton célébrissime des années 1960 : Il giornalino di Gian Burrasca. Toute l'Italie chantait Viva la pappa col pomodoro, l'une des chansons du show interprétée à l'époque par Rita Pavone. L'auteure Lina Wertmüller en avait fait une adaptation que nous reprenons avec Elio dans le rôle principal, et avec les musiques de Nino Rota.
RM : Qu'est-ce que le melodramma et quel rôle cette forme musicale a-t-elle jouée dans les changements politiques de l'époque ?
AS : Après la défaite de Napoléon en 1814, l'Italie était de nouveau divisée en petits états contrôlés par des puissances extérieures. À la seconde moitié du XIXe siècle, l'époque du Risorgimento, c'est en partie par l'opéra, ou melodramma comme on l'appelait, que passaient les valeurs de la libération. Il y avait peu d'orchestres mais beaucoup de chanteurs, et le chant était un moyen de communiquer à toutes les classes sociales.
Si pour Metternich, l'Italie n'était rien de plus qu'une « expression géographique », les spectateurs s'appropriaient les œuvres pour y lire une métaphore de leurs aspirations.
Le ‘guerra guerra‘ de la Norma de Bellini, avait déclenché une véritable révolte en 1859 à la Scala ! Et lors du Nabucco de Verdi, par exemple, les spectateurs s'identifiaient aux Israélites qui se révoltent contre le tyran Nabuchodonosor et reprenaient en chœur le « Va pensiero ». C'est toujours le cas aujourd'hui, comme on l'a vu récemment à la Scala, avec la déclaration de Ricardo Muti critiquant les coupes sombres faites au budget de la culture par le gouvernement Berlusconi, en mars dernier, lorsqu'il a bissé ce chœur à la demande de la salle.
C'est d'ailleurs avec cet air que nous terminerons notre festival, à la fin du dernier concert consacré à Verdi… Et nous verrons si on nous demande un Bis !