Première intégrale des quatuors à cordes de Boris Tishchenko
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Boris Tishchenko (1939-2010) : Intégrale des Quatuors à cordes. Quatuor Taneïev (Quatuors n°1 et 3): Vladimir Ovcharek, 1er violon; Grigory Lutzky, 2nd violon; Vissarion Solovyev, alto; Joseph Levinson, violoncelle. Quatuor du Philharmonique de Tver (Quatuors n°4) : Irina Svetlova, 1er violon; Lyubov Shevrekuko, 2nd violon; Alexandra Franseva, alto; Galina Soboleva, violoncelle. Quatuors n°2, 5 et 6: Ilya Ioff, 1er violon; Elena Raskova, 2nd violon; Lidia Kovalenko, alto; Alexey Massarsky, violoncelle. 3 CDs Northern Flowers NF/PMA 9990-92. Codes barre : 4 607053 328905. Enregistré en 1976 (n°1 et 3), 1982 (n°4) et 2010 (n°2, 5 et 6) au Studio d’enregistrement de Saint-Pétersbourg. Notice en anglais et russe. Durée : 66’18, 58’10 et 40’20.
Northern FlowersA travers une fenêtre aux jointures corrodées, quelqu'un, cela pourrait être Boris Tishchenko, observe les toits en zinc d'un beau bâtiment ancien.
C'est peut-être un palais, crépis de frais et hérissé d'antennes de télévision, survolé de mauvais fils électriques. Une belle lumière de coucher de soleil par un ciel sans nuages réchauffe les ocres des façades ainsi d'une large cheminée. Celle-ci bouche la vue et donne une note chaude, rougeoyante, quasi incandescente. C'est poétique et miteux, banal et attirant comme une vision aperçue à la dérobée, c'est Saint-Pétersbourg. En utilisant cette photo comme illustration de la première intégrale des quatuors à cordes de Boris Tishchenko, l'éditeur a parfaitement cerné le contexte et l'esprit de cet ensemble d'œuvres, intimiste et rayonnant, altier et pourtant dénué d'orgueil.
Les caractéristiques essentielles de ces quatuors sont la surprenante maturité de ton et la voix personnelle trouvées dès le Quatuor n°1 composé à 18 ans en 1957, avec pour corollaire la quasi-indifférence aux modes tout au long des cinquante années qui sépare le premier opus du dernier.
C'est ainsi qu'on ne constate pas de réelle évolution stylistique, mais une structure en arche qui semble faire de cet ensemble comme un cycle : les premiers et derniers quatuors sont les moins tendus, et résonnent véritablement comme l'introduction et la conclusion d'un super quatuor. De la part d'un compositeur capable d'écrire des « super symphonies » (voir son cycle choréosymphonique Béatrice, Clef ResMusica), cela n'aurait rien d'étonnant.
Le n°2 (1959) marque la volonté d'un jeune homme d'affirmer sa maîtrise technique, aussi bien sur le terrain de la complexité de l'écriture (Allegro Energico), de la maîtrise de la dimension poétique (Largo comme Chostakovitch aimait les écrire) que du lyrisme (Lento final). Comme le n°1, il n'a pas de dédicataire, Tishchenko ne s'estimant probablement pas encore digne de pouvoir l'offrir à ses professeurs.
Le n°3 (1970) est dédié à son professeur Galina Ustvolskaya et il est indubitablement le quatuor de la première maturité, celle où l'on doit accomplir des exploits, des chefs-d'œuvre au sens des compagnons. Les deux mouvements successifs Presto inquieto et Robusto sont probablement les plus impressionnants de cette intégrale, magnifiquement servis par le mythique Quatuor Taneïev (enregistré en 1976), qui était le pendant Leningradois et interdit d'exportation du moscovite et très exporté Quatuor Borodine.
Avec le Quatuor n°4 (1980) dédicacé à Irina Chostakovitch, la veuve du compositeur, Tishchenko rend un hommage affectueux à son maître, hommage que celle-ci lui rendra à Paris en 2009 dans un concert proposant la création française de ce quatuor. Avec 40 minutes, c'est l'œuvre la plus longue de la série, et celle où Tishchenko pousse le plus loin son goût pour les grandes dimensions, et sans pleinement convaincre. Le Quatuor du Philharmonique de Tver (enregistré en 1982) n'est sans doute pas le Quatuor Taneïev mais il a en plus la lourde mission d'animer et de maintenir la tension dans l'œuvre probablement la plus difficile à conduire de bout en bout. La pièce contient nombre de passages Tishchenkoviens au possible et qui ragaillardissent l'auditeur, mais l'espace entre ces moments saillants dilue l'ensemble.
Le n°5 (1984) retrouve la densité du n°3 mais ne cherche plus à prouver, à démontrer. Très familial, il est dédié à son fils Andrei qui en a composé le thème final, et il s'ouvre avec quelques mesures de facture classique et légère écrites par Irina Donskaya, la femme du compositeur. C'est le quatuor de la pleine maturité, qui réunit maîtrise et équilibre.
Le n°6 est composé tardivement en 2008. Court, guère plus de quinze minutes, composé de seulement deux mouvements, sans tension mais non sans poésie, il semble délibérément conçu comme une conclusion.
Il est frappant de remarquer qu'à l'heure de la frénésie de publication de disques, cette somme voit ici sa première publication, quelques mois après la mort du compositeur intervenue en décembre 2010. Au moins Tishchenko aura-t-il eu connaissance des enregistrements des trois quatuors encore manquants, les n°2, 5 et n°6 – réalisés curieusement par quatre musiciens qui ne sont pas constitués en quatuor. Qu'importe si l'enregistrement de cette intégrale par une seule formation (les Danel?) reste à faire, cette publication avec de belles interprétations est un événement pour la musique russe.
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Boris Tishchenko (1939-2010) : Intégrale des Quatuors à cordes. Quatuor Taneïev (Quatuors n°1 et 3): Vladimir Ovcharek, 1er violon; Grigory Lutzky, 2nd violon; Vissarion Solovyev, alto; Joseph Levinson, violoncelle. Quatuor du Philharmonique de Tver (Quatuors n°4) : Irina Svetlova, 1er violon; Lyubov Shevrekuko, 2nd violon; Alexandra Franseva, alto; Galina Soboleva, violoncelle. Quatuors n°2, 5 et 6: Ilya Ioff, 1er violon; Elena Raskova, 2nd violon; Lidia Kovalenko, alto; Alexey Massarsky, violoncelle. 3 CDs Northern Flowers NF/PMA 9990-92. Codes barre : 4 607053 328905. Enregistré en 1976 (n°1 et 3), 1982 (n°4) et 2010 (n°2, 5 et 6) au Studio d’enregistrement de Saint-Pétersbourg. Notice en anglais et russe. Durée : 66’18, 58’10 et 40’20.
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