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Salzbourg. Grande salle du Festival. 6-VIII-2011. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano D. 894 ; Gustav Mahler (1860-1911) : Das Lied von der Erde (Le chant de la terre). Piotr Beczala, ténor ; Christian Gerhaher, baryton ; András Schiff, piano.
Le cycle que consacre cette année le festival de Salzbourg à Mahler est un chef-d'œuvre de programmation, tant pour la variété des œuvres programmées que pour les interprètes choisis. Le concert de ce soir était sans doute l'un des plus intrigants de cette série, avec cette version du Chant de la Terre accompagnée au piano : créée en 1989 seulement, la partition est issue de la version réalisée par Mahler avant orchestration, mais le fait qu'il ait continué à travailler sur cette version même après avoir commencé l'orchestration tend à montrer l'importance que Mahler continuait à accorder à ce qui n'est pas une simple version de travail. La qualité de l'accompagnement au piano justifie pleinement son exécution en concert : certains interludes de L'Adieu manquent certainement de variété dans la texture et dans la dynamique, mais l'essentiel de la partition n'a rien à envier aux accompagnements piano mieux connus des meilleurs Lieder de Mahler. Il est vrai qu'on pouvait difficilement rêver meilleur avocat pour cette partition qu'András Schiff : la sonate de Schubert donnée en première partie, sans aucune concession au spectaculaire, sans envolées romantiques, mais d'une densité sonore exceptionnelle, avait déjà permis de mettre en évidence sa capacité unique à faire naître la poésie de l'écriture musicale elle-même ; la sûreté avec laquelle il s'empare de l'écriture pianistique de Mahler pour animer ces 6 Lieder parvient à soutenir constamment l'attention sans jamais rappeler les souvenirs de la version orchestrale.
Pour Le chant de la terre, il est rejoint par deux chanteurs dont le nom n'a pu que contribuer au taux de remplissage certainement inespéré de la grande salle du Festival. Piotr Beczala, pourtant, déçoit dès les premières notes par une émission trop ouverte qui culmine en une série d'aigus criés particulièrement peu stylés : on l'attribuera au choix à une volonté d'expressivité bien hors de propos ou, plus aimablement, au temps étouffant qui pèse sur Salzbourg en ce 6 août et pourrait bien ne pas être bénéfique aux cordes vocales. La forme vocale du chanteur s'améliore au cours de la soirée, mais Christian Gerhaher n'en aura pas moins le privilège d'illustrer les avantages de cette version piano en matière de poésie vocale et de déclamation. Tandis que la version orchestrale permet parfois difficilement de concilier la nécessaire puissance et la délicatesse poétique que l'admirable déclamation mahlérienne appelle, le piano permet à Gerhaher de déployer son art unique du Lied, dont l'expressivité tient entièrement dans la précision de la diction et dans l'usage toujours pertinent de nuances qui n'ont jamais besoin de s'affirmer.
Un tel concert est de ceux qui honorent le Festival de Salzbourg, non seulement pour la qualité de son interprétation, mais surtout pour l'intelligence de sa programmation, qu'il partage avec l'essentiel de la série Mahler qui aura cet été fait l'événement du Festival : une œuvre connue mais révélée sous une nouvelle forme, mise en perspective à la fois à l'intérieur du concert et dans la continuité d'une programmation toujours également inventive. Les intendants du Festival de Salzbourg invoquent toujours un mot magique, Unverwechselbarkeit, l'indispensable exceptionnalité du festival qui ne doit pas pouvoir être confondu avec ce qui se fait ailleurs : Markus Hinterhäuser, qui a été responsable de la programmation des concerts du Festival entre 2007 et 2011 et intendant pour cette seule année 2011, aura constamment réussi à donner ce caractère à ses programmations, sans jamais céder à la facilité de recourir à un star-system qui a tant nui à la réputation du Festival. On aimerait pouvoir croire que le Festival saura continuer sur cette lancée.
Crédit photographique : Silvia Lelli
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Salzbourg. Grande salle du Festival. 6-VIII-2011. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano D. 894 ; Gustav Mahler (1860-1911) : Das Lied von der Erde (Le chant de la terre). Piotr Beczala, ténor ; Christian Gerhaher, baryton ; András Schiff, piano.
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