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Avenches, des zombies chez Rigoletto

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Avenches. Arènes romaines. 2-VII-2011. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Rigoletto, opéra en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave d’après Le Roi s’amuse de Victor Hugo. Mise en scène : Adriano Sinivia. Décors : Jean-Marie Abplanalp. Costumes : Katia Duflot. Lumières : Henri Merzeau. Avec : Bruce Sledge, Il Duca di Mantova ; Carlos Almaguer, Rigoletto ; Olga Peretyatko, Gilda ; Rubén Amoretti, Sparafucile ; Sarah M. Punga, Maddalena ; Antoinette Dennefeld, Giovanna, Comtesse Ceprano ; Benoît Capt, Monterone ; Marcin Habela, Marullo ; André Crass, Matteo Borsa ; Sacha Michon, Comte Ceprano ; Laurence Guillod, Page. Chœur de l’Opéra de Lausanne (chef de chœur : Pascal Meyer), Orchestre de Chambre de Lausanne, direction musicale : Roberto Rizzi Brignoli

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Lorsque, avant son spectacle, le metteur en scène explique sa mise en scène, cela révèle souvent son doute sur l'évidence de sa démarche. Ainsi, l'italien nous prévient que son « Rigoletto se déroule après le drame qui lui a fait perdre la raison ». Sorte d'analyse post mortem de l'intrigue. Une démarche qui le conduit vers une série de parasitages inutiles.

Au centre de la scène se dresse une construction noirâtre (un décor assez mal réalisé – avec des rochers de carton-pâte qu'on voit être de carton-pâte et qui ne ressemblent qu'à des rochers de carton-pâte -). Pivotant sur lui-même, l'ingénieux dispositif scénique permet de montrer les différents endroits où se déroule l'intrigue dans la continuité de l'action au lieu des habituels fréquents tableaux qui interrompent l'opéra de Verdi.

Autour de cette maison aux multiples facettes, un fossé où s'agitent des hommes nus, verts et blancs, sorte de zombies n'apportant rien au livret de Verdi. Une excitation « underground » de peu d'importance puisque, dans leurs gesticulations en contrebas de la scène principale, les personnages de cette mascarade restent invisibles à une grande partie du public du parterre. Comme si on avait voulu protéger les spectateurs des places les plus chères du spectacle parasite de ces lémures fantomatiques. Hormis cette inutilité scénique et cet autre parasitage déroutant l'attention du spectateur sous forme de projections vidéo contre la façade du Musée des arènes, la « partie visible » du spectacle laisse apprécier de magnifiques costumes et un racontant l'intrigue verdienne avec brio.

Ainsi, très bien dirigés, les (excellents) chœurs de l'Opéra de Lausanne se muent en de crédibles acteurs quand ils dépeignent l'esprit de débauche entourant la cour du Duc de Mantoue. L'apport de quelques jeunes femmes à la poitrine dénudée souligne la volonté du metteur en scène de montrer le fond des choses. Si les ensembles, les mouvements de masse sont très réussis, le soin qu'il apporte à la caractérisation des personnages semble moins abouti.

A l'image du rôle-titre. (Rigoletto) est un habitué du rôle que rien ne devrait dérouter d'un personnage qu'il a fait sien depuis de nombreuses années. Toutefois, dans cette production, si la voix du baryton impressionne toujours, il est apparu plus pâle qu'à l'accoutumée. Pas très en forme, souffrant de quelques hésitations vocales, on l'a entendu comme un bouffon sans excès et un père sans grande humanité. De son côté, le ténor américain (Il Duca di Mantova) possède le rôle dans toute l'étendue du registre. Malheureusement, outre l'acteur emprunté, il lui manque les couleurs vocales indispensables au jouisseur que lui offre sa position sociale, comme de celles qu'on espère de l'amoureux passager de Gilda.

Etoile montante de l'art lyrique, la soprano russe (Gilda) était très attendue. Si elle est apparue timide dans sa première apparition, elle fut éblouissante passée la crispation de la première alliée à la fraicheur ambiante de cette soirée. Son Caro nome, chanté au balcon de la bâtisse a rassemblé les suffrages du public. Jouissant d'une technique vocale affermie, d'une voix de cristal, elle augure de belles soirées lyriques à venir. Avec un peu plus de métier, un peu plus d'approfondissement de son personnage, elle est en passe de devenir l'une des meilleures interprètes du rôle.

Autre moment magique de cette représentation, l'interprétation exceptionnellement belle de la basse espagnole (Sparafucile). Vocalement admirable, la diction impeccable, l'étendue de son registre est étourdissante et on reste confondu avec la puissance de ses notes les plus graves. Mobile sur scène, il chante comme si de rien n'était donnant à son personnage une dimension artistique d'authenticité remarquable. Du grand art !

A l'instar des zombies, autre « disparu » de la soirée, l'. La disposition de l'orchestre sur presque toute l'ouverture de scène s'avère une erreur majeure, le public des premiers rangs du parterre (décidément à la fête !) n'entend que les cuivres et les percussions ou que les cordes selon qu'il est assis à gauche ou à droite du chef. Un chef qu'on voit se débattre devant un orchestre aphone. Etonnant qu'après toutes ces années d'expérience accumulée sur l'acoustique de cet endroit, de telles méprises soient encore possibles.

Si la recherche un peu tirée par les cheveux de montrer un Rigoletto d'outre-tombe peut se justifier pleinement dans le cadre de la programmation saisonnière d'une maison d'opéra, elle reste discutable pour un rendez-vous populaire comme le festival d'opéra (opéra au singulier) d'Avenches où le public s'invite pour une fête lyrique unique et annuelle. Cependant, les trépignements finaux du public laissaient à penser qu'il était satisfait du spectacle.  A moins que se fut simplement pour se réchauffer !

Crédit photographique : (Gilda) ; (Rigoletto), (Duca di Mantova) © Opéra d'Avenches

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