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Le retour de MTT à Paris avec le San Francisco Symphony

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Paris. Salle Pleyel. 30 & 31-V-2011. Henry Cowell (1897-1965) : Synchrony. Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon en ré mineur op. 64. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°5 en ut mineur op. 67. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n°2 en ut mineur « Résurrection ». Christian Tetzlaff, violon. Laura Claycomb, soprano ; Katarina Karnéus, mezzo-soprano. Chœur de Radio France (chef de chœur : Matthias Brauer). San Francisco Symphony, direction  : Michael Tilson Thomas

Les événements funestes du 11 septembre puis les crises économiques avaient tenu un (long) temps éloignés de nos contrées les orchestres américains. Cette période semble maintenant révolue et le est ainsi un des derniers grands d'Amérique à retrouver le chemin de l'Europe (dont un passage à Bruxelles), succédant, quatre mois jour pour jour dans cette même salle Pleyel à son cousin de Californie du sud, le LA Philharmonic, pour un double programme composé d'ailleurs de façon très proche, avec une première soirée tripartite commençant par une œuvre américaine pour se finir par une symphonie de Beethoven, et une deuxième soirée Mahler.

Si Henry Cowell est présenté dans toutes ses biographies comme un des représentants majeurs de l'avant-garde musicale américaine, l'écoute de Synchrony, dont la création eut lieu à Paris en 1931, ne le laisse pas vraiment supposer tant cette musique est en elle-même aucunement avant-gardiste. Mais à l'origine l'œuvre devait s'intituler Synchrony of Dance, Music and Light et mêler musique, chorégraphie et jeux de lumière dans un tout cohérent, « multimedia » comme on dirait aujourd'hui, et c'est bien là que résidait son originalité. Le projet initial ayant capoté, le compositeur revit sa copie pour aboutir au seul Synchrony et son très long solo de trompette introductif, terrible morceau de bravoure qui ouvrit donc le premier concert. Cet impressionnant passage de plusieurs minutes, à attaquer à froid par le trompettiste que le chef laissa totalement libre pendant tout son solo, présentait la plupart du matériau thématique qui sera repris ensuite par l'ensemble de l'orchestre. S'agissant à l'origine de danses, on ne s'étonnera pas de la prépondérance rythmique de la partie orchestrale, qui sut néanmoins fort bien varier les épisodes, où comme souvent dans les œuvres de cette époque, des réminiscences ou influences diverses s'y font entendre dans une parfaite continuité. Mais on est là dans la musique tonale post Debussy ou Stravinsky, loin du dodécaphonisme, et l'œuvre, à la portée de tous, s'écoute facilement, avec un plaisir sensuel direct, et n'effarouche personne.

Après ce « warm up » terriblement efficace, nous revenions au plus que classique avec le célèbre Concerto pour violon de Mendelssohn, où réussit à imposer sa vision dans une œuvre plus que rabâchée, l'empoignant vigoureusement dès son entrée (c'est quand même un Allegro molto appassionato), usant de phrasés s'autorisant quelques libertés, jouant d'un subtil rubato lui permettant d'animer en permanence la phrase, sans jamais rompre l'avancée du discours ni le charme romantique inhérent à cette musique. Ainsi nous captiva t-il d'un bout à l'autre, osant sans aucune faute de gout, titillant parfois les limites de la virtuosité, toujours avec une irréprochable musicalité. L'accompagnement de Tilson Thomas avait la classe de sa discrétion, évitant tout effet de manche ou emportement déplacé, et s'il laissait la primauté expressive au soliste, il lui donnait un soutient sans faille. Le violoniste conserva sa belle inspiration dans une très réussie et presque emballante Gavotte en rondeau de Bach, bis lui aussi plus que traditionnel.

Avec le monstre de densité qu'est la Symphonie n°5 de Beethoven il nous a semblé que le style du chef atteignait ses limites avec cette interprétation un peu « ni-ni » pour reprendre l'expression d'un de nos anciens présidents. Ainsi le premier mouvement, très proprement joué par l'orchestre (mais pas par certains spectateurs qui laissèrent bruyamment tomber des objets au moment où il ne fallait surtout pas, c'est-à-dire le fameux solo de hautbois adagio, géniale respiration avant l'emballement final), manqua de panache et de puissance, et fut marqué par quelques respirations ou retenues inattendues, qui firent monter passagèrement à notre esprit un immédiat « mais pourquoi » plutôt qu'un « mais bien sur ». Le meilleur moment fut pour nous un très bel Andante con moto, magnifiquement enchainé par l'orchestre avec un équilibre instrumental quasi idéal. Les deux Allegro conclusifs retrouvèrent les qualités et défauts du début, refusant au premier son aspect scherzo dramatique, à la transition son suspens, et au final tout caractère glorieux voire martial, « où sont passés les fameux cuivres américains ? » nous sommes-nous dit, avec regret. Et on oubliera vite fait la nième Danse hongroise donnée en bis avec une certaine désinvolture tant elle nous parut brouillonne.

La personnalité du chef ressortit un peu plus dans la Symphonie n°2 de Mahler au programme du deuxième concert, tant il la joua hors de toute routine, lui imprimant nettement plus de caractère que la veille dans Beethoven, faisant des choix de tempo et de contraste assez marqués, utilisant plus à fond les ressources de son remarquable orchestre dont la précision ne fut jamais mise en défaut tout au long de la soirée. Une telle interprétation avec ses choix très personnalisés (et ses glissando toujours aussi discrets !) peut ne pas faire l'unanimité, mais la qualité de sa réalisation devrait quand même l'emporter. Si on devait la comparer aux nombreuses versions de cette œuvre données ces derniers temps rien qu'à Paris, on dirait qu'elle se rapprocherait de Jansons / Concertgebouw pour la pudeur réservée de certains passages, sans en atteindre l'exceptionnel beauté instrumentale ni l'émotion du final, et de Gergiev / Mariinsky dans l'originalité de ton, pour nous les deux plus intéressantes versions entendues récemment. Toutefois, contrairement à ces deux collègues, le chef choisit de traiter en vrais solistes la soprano et la mezzo , les mettant de ce fait à l'avant scène, choix qui nous a semblé ici moins convaincant, en particulier dans les moments où les chanteuses sont à l'unisson avec le chœur, d'autant que la soprano avait ce soir une voix légèrement éraillée. Enfin, on retrouvait, comme d'habitude, au final, un chœur de Radio France toujours aussi bon.

Ainsi donc s'achevait la tournée parisienne de l'orchestre de San Francisco dirigé par son chef en titre depuis 1995, . Si cet orchestre a montré des qualités américaines habituelles de précision, cohésion, puissance, il a aussi fait preuve d'un équilibre instrumental peut-être plus européen, avec une très remarquable et très sonnante petite harmonie, et des cuivres plus sobres et moins dominants que dans certains des autres grands orchestres américains. Le menu musical fut inégal, avec l'œuvre la plus « bateau » (cinquième de Beethoven) sans doute la moins intéressante du lot, un Mendelssohn irréprochable et un Mahler qui risque de diviser.

Crédit photographique : © DR

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