Plus de détails
Star du violoncelle et artiste capable de faire exploser tous les genres, Jan Vogler, est également le directeur du festival de Dresde, l'un des évènements majeurs du printemps. ResMusica rencontre un musicien exigeant et débordant d'idées.
« Je pensais que dans des sociétés mondialisées, il était de la responsabilité de chacun de s'ouvrir à l'autre. Je constate que les arts sont un formidable vecteur pour lancer des ponts entre les nations et les cultures. »
ResMusica : le festival de Dresde 2011 est placé sous le thème des “cinq éléments”. Pouvez-vous nous l'expliquer ?
Jan Vogler : La philosophie asiatique des cinq éléments est intéressante car le cinquième élément est la spiritualité. Cette dernière a de très fortes résonances dans la musique et dans l'art en général. L'incroyable dynamisme du continent asiatique me fascine et cette vitalité pourrait être un modèle pour notre «vieille Europe». Dès lors, l'affiche du festival de Dresde tente de tisser des liens entre l'Europe et l'Asie. L'Asie est représentée par des jeunes artistes et l'Europe est caractérisée par la tradition judéo-chrétienne avec, en porte drapeau, la musique de Mahler, qui parvient, comme rarement, à décrire les éléments.
RM : Le programme est très multiculturel avec des musiques du monde entier. En ce moment, à travers l'Europe, et particulièrement en Allemagne, on assiste à une remise en cause, voir une condamnation, de la société multiculturelle. Est-ce que votre programmation est un moyen de vous positionner dans ce débat ?
JV : Absolument ! Ces récentes prises de parole m'interpellent car je pensais que dans des sociétés mondialisées, il était de la responsabilité de chacun de s'ouvrir à l'autre. Je constate que les arts sont un formidable vecteur pour lancer des ponts entre les nations et les cultures. C'est tout à fait normalement que le Festival de Dresde poursuit cette ambition !
RM : Comment choisissez-vous les artistes qui se produisent au festival de Dresde ?
JV : Nous présentons ce qu'il y a de meilleur sur la scène musicale actuelle. Ainsi des orchestres, piliers du monde musical, comme le New-York Philharmonic ou les Berliner Philharmoniker partagent l'affiche avec des jeunes talents, et en particulier cette année ceux d'Asie. Il y a évidemment ma touche personnelle avec des artistes dont je me sens très proches quelque soient leur niveau de notoriété ou leur âge.
RM : Le festival de Dresde est très ambitieux et une affiche aussi prestigieuse est évidemment coûteuse ! Est-ce que vous avez des problèmes de financement en ces temps de crise ?
JV : Oui et non ! Nous avons heureusement de très généreux sponsors qui nous aident à conserver le haut niveau du festival. Par ailleurs les ventes de tickets couvrent une grande partie des coûts. Du côté des institutions publiques, les participations de la ville de Dresde et du Land de Saxe sont stables mais restent proportionnellement inférieures à l'investissement des autorités locales dans d'autres grands festivals. Mais je reste optimiste afin de poursuivre l'ascension de notre festival en liens avec ces partenaires.
RM : Vous êtes également directeur du festival de Moritzburg, également situé dans cette région saxonne. Pouvez-vous nous le présenter ?
JV : Le festival de Moritzburg est exclusivement centré sur la musique de chambre. Mon ambition est de jouer les grandes partitions de musique de chambre dans des cadres idéaux comme le château de Moriztburg. Un autre aspect du festival est son académie pour jeunes artistes la «Moritzburg Academy» dont la qualité et l'attrait ne cessent de croître chaque année.
RM : Est-ce qu'il n'est pas difficile de combiner une carrière de soliste international avec une double direction artistique de festivals ?
JV : Ce sont deux aspects essentiels de ma carrière de musicien et ils jouent le rôle de vases communicants. Le travail à la tête des festivals me met en lien avec des collègues du monde entier et cela devient pour moi une source d'inspiration en tant que violoncelliste.
RM : Vous êtes un homme qui passe de Bach à Chostakovitch en passant par Jimi Hendrix ! Cette amplitude est-elle désormais nécessaire aux artistes du XXIe siècle ?
JV : Au cours des trente dernières années du XXe siècle, le niveau de spécialisation des artistes a atteint un stade totalement ridicule. Nombre de mes amis traversent les genres et les styles avec aisance ! Il est important de rappeler qu'historiquement aux XVIIIe et XIXe siècles, cette amplitude était la norme.
RM : Vous partagez votre temps entre les États-Unis et l'Europe. Comment voyez-vous l'évolution de la musique classique ?
JV : J'aime l'incroyable niveau de professionnalisme de la vie musicale aux États-Unis et je me sens particulièrement chez moi avec la vie musicale en Allemagne et en Europe. Je regarde avec intérêt l'éveil artistique de l'Asie et j'y vois le signe du départ d'une nouvelle ère.
Retrouvez Jan Vogler au disque :
La discographie de Jan Vogler rend compte de son ouverture d'esprit et de sa facilité à transcender les époques. Nous recommandons trois de ces disques pour découvrir la personnalité musicale du violoncelliste :
Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur op. 107 ; Valses n°1 et 2extraites de «Jazz Suite 2» ; Valse extraite de la musique du film «The Gadfly» op. 97 ; Valse extraite de«Jazz Suite 1» ; Valse extraite de la musique du film «Michurin» op. 78. Lev «Ljova» Zhurbin (né en 1978) : Garmoshka ; Jimi Hendrix (1942-1970) : Machine Gun. Jan Vogler, violoncelle ; The Knights, direction : Eric Jacobsen. 1 CD Sony Classical
Carl Philipp Emanuel Bach (1714 – 1788) : Concerto pour violoncelle et cordes en la majeur Wq 172 ; Friedrich Hartmann Graf (1727 – 1795) : Concerto pour violoncelle et orchestre en ré majeur ; Johann Adolph Hasse (1699 – 1783) : Concerto pour violoncelle et orchestre en ré majeur ; Johann Michael Haydn (1737 – 1806) : Concerto pour violoncelle et orchestre en si bémol majeur. Jan Vogler, violoncelle, Münchener Kammerorchester dirigé par Reinhard Gœbeld.
Edward Elgar (1857-1934) : Salut d'amour, op. 12 (arr. Manfred Grafe) ; Piotr I. Tchaïkovski (1840-1893) : Nocturne (d'Après op 4. 19 n °), Mélodie, op. 42 n ° 3 (arr. Manfred Grafe), Andante cantabile (d'Après op 11. ) ; Ernest Bloch (1880-1959) : Prière ; Carl Davidoff (1838-1889) : A la fontaine, op. 20 n ° 2 (arr. Manfred Grafe) ; Richard Wagner (1813-1883) : Der Engel (d'activités après les Wesendonck-Lieder) ; Antonin Dvořák (1841-1904) : Rondo en sol mineur, op. 94 ; Max Bruch (1838-1920) : Nodrei Kol, op. 47 ; Jean-Sébastien Bach(1685-1750) : Cantate BWV 82 n ° 1«Ich habe genug », Cantate BWV 82 n ° 5 « Ich mich auf meinen Tod freue » ; Henry Mancini (1924-1994) : Moon River ( arr). Manfred Grafe. Jan Vogler, violoncelle. Dresdner Kapellsolisten : Direction : Helmut Branny. 1CD Sony