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L’artiste Allan Pettersson pourrait-il être davantage maudit que le commun des mortels ? L’enchaînement des rencontres, des potentialités, des choix, des accidents de la vie paraît pour certains suivre la loi du hasard. Pour d’autres, il semble subir une prédétermination implacable. Certains connaissent une destinée ignorant les dommages, d’autres accumulent les malchances, les assauts itératifs de l’adversité, les coups aveugles du sort s’abattant sur eux avec un acharnement incompréhensible. A l’occasion du centenaire du compositeur Allan Pettersson, Resmusica lui a consacré un dossier. Pour accéder au dossier complet : Allan Pettersson : Centenaire

 
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Manel Pujol Baladas est un peintre fasciné par la musique. Il a connu Picasso, a travaillé dix ans avec Dalí, mais son père spirituel est Miró, Catalan comme lui.

« L'âme de l'artiste est toujours prête à découvrir, à faire un compromis avec le risque de révéler, de faire, et la musique, la poésie, la vie, peuvent offrir un nouveau langage. »

Pujol Baladas peint sur la musique depuis 1995, pour établir une communication entre le physique et le spirituel, un univers infini de fantasia de sensations. Vivaldi, Debussy, Beethoven, les Beatles inspirent ses toiles, mais ses plus grandes séries, d'une abstraction expressionnistes, sont consacrées à et aux Symphonies n°6 et 8 d'. Une exposition sera même consacrée exclusivement à la série sur Pettersson au Musée d'Art Contemporain du Yucatan à partir du 7 octobre 2011. Echanges à propos de la peinture, de la musique, et de leur relation très particulière.

ResMusica : Vous avez connu personnellement les trois géants espagnols de la peinture du XXe siècle, Picasso, Dalí et Miró? Comment les avez-vous rencontrés

Manel Pujol Baladas : J'ai rencontré Picasso en 1969 par l'intermédiaire du photographe Josep Pubill qui avait travaillé pour lui et lui avait montré des photos de mon travail. Après cela, Picasso m'a invité à venir à Mougins, où j'ai séjourné pendant trois semaines. J'ai aussi rencontré Dalí en 1969. A l'époque je faisais de la conception graphique, et je m'occupais du design d'un classeur à dessins pour lui, ce qui m'a amené à rencontrer Gala et Dalí. Ils ont été intéressés par mon travail pictural et particulièrement par ma capacité au dessin, et à partir de là j'ai intégré l'équipe de Dalí pendant dix ans jusqu'en 1981. Pour Miró, je l'ai connu quand j'étais enfant, à Vic, la ville de ma naissance, par l'intermédiaire d'une connaissance. Nous nous sommes rencontrés à nouveau dans le monde artistique, quand j'étais devenu adulte. Nous nous sommes croisés de nombreuses fois aux imprimeries d'Hospitalet de Llobregat, où il m'a transmis des conseils inestimables sur la technique de la lithographie. Des trois, il a été mon père spirituel et, de même que Picasso, il avait une intégrité morale exemplaire.

RM : Vos peintures récentes sur la musique apparaissent émotionnelles, énergiques et abstraites, et de ce point de vue paraissent très différentes de ces trois peintres. Vous percevez-vous comme un héritier de la tradition espagnole ?

MPB : Je ne comprends pas vraiment ce que vous voulez dire par tradition espagnole, si ce n'est le clair-obscur et l'expressionnisme attachés à Goya. En Espagne il y a autant de points de vue esthétiques que de régions culturelles, donc pour moi il n'y a pas une unique tradition mais différentes écoles, motivées par des traditions culturelles. Pour faire référence à ces trois «géants», s'ils ont parfois partagé de manière partielle et sporadique des mouvements esthétiques et culturels, ils ne sont pas manifestés avec le même langage. Ils se sont croisés dans l'influence qu'a laissée leur passage par le surréalisme, dans lequel seul Dalí a persisté. Miró a adopté le langage surréaliste pendant quelques temps puis l'a abandonné pour créer son propre univers, et Picasso ne l'a jamais vraiment utilisé. Après cette période, leurs langages n'ont plus rien eu à voir et chacun a développé sa personnalité basée sur sa propre perception intérieure et esthétique. En ce qui me concerne, je ne me perçois pas comme un héritier d'une quelconque tradition espagnole, parce qu'il n'en existe pas, il n'y a que des écoles espagnoles.

RM : Comment avez-vous commencé à peindre la musique?

MPB : J'ai toujours été fasciné par la musique, elle m'accompagne à travers la journée. Déjà en 1995, dans mes travaux exposés à ARCO (NDLR : foire d'art contemporain de Madrid créée en 1971), vous pouviez trouver l'inclusion d'instruments de musique, mais j'ai commencé à peindre la musique à partir de 1999, quand j'ai inclus partition et clef musicale avec un fond abstrait faisant référence à mes émotions, et cela a évolué jusqu'à aujourd'hui où j'ai fait pratiquement disparaître toute référence aux symboles musicaux.

RM : Que vous inspire la musique ?

MPB : La musique suscite des sentiments, des états d'âme, et des visions personnelles. Elle permet à notre esprit de se manifester avec liberté, comme la peinture, et peindre la musique m'autorise à établir, ou du moins à essayer, une communication entre le physique et le spirituel, de traduire les sentiments que la musique communique. Elle est le pont parfait entre les deux mondes : elle donne forme, couleur et texture à mon âme et à travers elle, je peux établir une arche de communication entre moi et le monde autour de moi, elle me permet de donner forme à mes rêves et à ce que j'ai en moi, pour être à l'aise avec mes sentiments.

RM : Vos peintures couvrent un large éventail de styles musicaux, des on ne peut plus populaires Quatre Saisons de Vivaldi et Symphonie n°5 de Beethoven jusqu'aux symphonies extrêmement émotionnelles du suédois , ou encore de l'impressionnisme de Debussy aux Beatles. Comment faites-vous votre choix ?

MPB : La musique entre à travers tous les pores de la peau, créant un état spirituel spécial. C'est l'esprit qui sélectionne la musique qui me transporte dans un univers infini de fantasia de sensations, dans un état particulier qui me permet d'exprimer ce que je ressens. La musique que je peints est celle qui me met dans cet autre univers.

RM : Les Symphonies n°6 et n°8 d' sont deux œuvres qui vous ont inspiré un grand nombre de toiles, 9 et 13 respectivement. Comment avez-vous été mis en contact avec cette musique, si rarement jouée en dehors de Scandinavie et d'Allemagne ?

MPB : J'ai découvert Pettersson par un ami qui m'a donné le disque de la Huitième Symphonie. Je suis tombé amoureux de sa musique, de son histoire, j'ai fait des recherches sur lui et sa musique, et je ressens que sa Sixième est la plus passionnée et intense, la plus dramatique peut-être ?

RM : Cette série sera exposée à l'exposition du Musée d'Art Contemporain du Yucatan à l'automne 2011, ce qui coïncidera avec le centième anniversaire de sa naissance. Pourquoi n'exposerez-vous pas une sélection plus large de votre travail ?

MPB : J'aurais aimé exposer la Première de Mahler, mais le travail sur Pettersson est trop vaste, je ne peux pas. Si j'avais montré les deux, cela aurait fait plus de 50 œuvres, et c'est beaucoup, pour n'importe quel musée.

RM : Qu'est-ce qui rend cette musique si spéciale pour vous?

MPB : Je crois que Pettersson composait à travers ses sentiments. En dépit de ses influences, comme Mahler ou Sibelius, son langage est très personnel et le rend différent, plus sensible et aussi plus brutal. Avec sa musique il décrit son univers intérieur, les épreuves de sa jeunesse, la lutte pour la vie et la grande tendresse qu'il est capable d'exprimer malgré toutes les moments difficiles qu'il a vécu.

RM : Les compositeurs mexicains sont aussi importants dans votre œuvre, Silvestre Revueltas ou Carlos Chávez. Qu'est-ce qui vous attire dans leur musique, par rapport aux compositeurs européens ?

MPB : Je ne dirais pas qu'ils m'attirent davantage ou moins. Ils m'attirent de la même manière. Les soit-disant nationalistes ont la force expressive du peuple mexicain lui-même; par ailleurs je considère qu'ils étaient à leur époque de grands innovateurs, au même niveau que les Européens. Vous devriez écouter les Concerts pour harpe de Carlos Chávez, Huapango de Moncayo ou le Poème de Neruda de Blas Galindo. Ce sont des pièces importantes de musique symphonique d'une période musicale brillante du Mexique.

RM : Vous n'avez pas peint de musique de compositeurs nord-américains, malgré la proximité géographique avec le Mexique, est-ce qu'il y a une raison?

MPB : Je ne la trouve pas aussi intense. J'ai souvent l'impression qu'ils composent pour le cinéma. Mais j'ai peint la Rhapsody in Blue de Gershwin qui est une grande symphonie, très américaine.

RM : Allez-vous continuer à explorer la musique en peintures dans les années à venir? Si oui, allez-vous traiter d'autres compositeurs, ou poursuivre d'autres approches ?

MPB : Un artiste, s'il en est vraiment un, est en évolution constante. Son âme est toujours prête à découvrir, à faire un compromis avec le risque de révéler, de faire, et la musique, la poésie, la vie, peuvent offrir un nouveau langage. Je serai toujours intéressé par la musique, mais tellement de choses m'intéressent que je ne peux dire ce que je peindrai dans le futur. Je suis toujours prêt à être surpris et je peux être stupéfait par un mystère, par une quête, par un rêve. Pour le moment, je continue à peindre : Arvo Pärt, Messiaen, aussi Chostakovitch. N'importe lequel qui peut pénétrer mon âme.

Crédit photographique: Manel Pujol Baladas, Symphonie n°6 (2009), Symphonie n°8 (2009) © Manel Pujol Baladas

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