Concerts, La Scène

Entre Graal et Paradis

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Paris, Cité de la musique. 11-II-2011. Julian Anderson (né en 1967) : The Comedy of change pour douze musiciens. Elliott Carter (né en 1908) : On Conversing with Paradise pour baryton et ensemble. Kaija Saariaho (née en 1952) : Graal théâtre, version de chambre pour violon et ensemble. Leight Melrose, baryton ; Jeanne-Marie Conquer, violon ; Ensemble Intercontemporain, direction : Ludovic Morlot

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Reliées à la thématique porteuse du Paradis déclinée en trois concerts par la Cité de la Musique du 11 au 15 Février, les trois pièces d'envergure données par l' sous le geste magnétique de empruntaient des voies singulières dictées par autant de sollicitations diverses.

Ainsi le britannique fait-il référence à la théorie de l'évolution de Charles Darwin dans The Comedy of Change pour douze musiciens ; une pièce remarquablement défendue par l'Ensemble qu'Anderson articule en sept mouvements très contrastés laissant apprécier la virtuosité de son écriture et le raffinement des couleurs et des textures qu'il élabore le plus souvent dans le registre clair des sonorités. Y alternent des pages très vibratiles portées par l'énergie (I) et des sections plus linéaires (VI) où s'affirme un sens de la mélodie confinant au lyrisme. Dans cet univers étrange autant que chatoyant, émaillé d'humour – les ponctuations canailles du synthétiseur – Anderson distille le charme des sonorités détempérées, certains instruments étant accordés un quart de ton plus bas que les autres.

On Conversing with Paradise (2008 révisée en 2010) d' donnée en création française est la pièce d'un compositeur centenaire habité, semble-t-il, d'une inaltérable force juvénile. Carter fait appel au verbe puissant du poète américain du début du XXème siècle Ezra Pound dans cette pièce chantée ce soir par le baryton qui l'a créée en 2009 (Festival d'Aldeburg) et gravée dans la foulée pour le label Bridge Records. «J'ai composé ma musique sur les vers des Cantos 81 et 120, nous dit Carter, dans lesquels l'auteur se désespère de ne pas avoir écrit le poème parfait, synonyme pour lui de paradis». prêtait sa voix ample et flexible à ce long poème dont Carter restitue très fidèlement la valeur expressive et incantatoire : «Rabaisse ta vanité, je dis rabaisse-la» scande à plusieurs reprises le chanteur. Six percussionnistes en fond de scène cernant un ensemble instrumental dominé par les cordes et le piano soulignent, par leurs interventions musclées et réactives, les accents d'une voix presque trop suave dans un contexte aussi sombre.

Sous le titre évocateur de Graal théâtre – emprunté à l'ouvrage éponyme de Jacques Roubaud – c'est un concerto pour violon en deux mouvements – Delicato, impetuoso – que conçoit , dans une première version pour orchestre en 1995 puis, en 1997, dans la version pour ensemble que nous entendions ce soir. La compositrice finlandaise ne fait pas appel, comme à son habitude, aux ressources de la technologie, opérant ici avec une maîtrise d'écriture étonnante – sa quête du «Graal» – le transfert des sonorités électroniques dans un univers instrumental qui devient la chambre d'écho et l'espace de résonance du violon ; l'instrument soliste y est toujours conducteur et mis en valeur dans sa sonorité délicate autant que rayonnante : des qualités que va déployer avec panache Jeanne-Marie Conquer, imposant sur le devant de la scène l'assurance de son geste et les ressources infinies d'une énergie amplement sollicitée par l'écriture : la sonorité chaleureuse et nourrie de l'interprète, constamment réamorcée et balayant tout le registre de l'instrument, offre une riche palette de couleurs variant, au gré des modes de jeu, de la plénitude des graves à la distorsion des aigus joués sur le chevalet. L'œuvre séduit et captive tant par la poétique des paysages sonores chers à la compositrice que par la brillance du jeu soliste qui les génère.

Crédit photographique : © DR

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