Plus de détails

 
Instagram

Si n'est pas le seul chef à s'attacher à rendre la musique classique accessible à de nouveaux publics, il a connu des succès renversants et lancé des initiatives qui sont à regarder de près par les institutions symphoniques.

« Malheureusement, des gens vont au concert pour prendre leur bain hebdomadaire de Brahms ou de Mozart »

Pour ResMusica, il revient notamment sur les circonstances du succès phénoménal de la Symphonie n°3 de Górecki, seule œuvre de musique contemporaine à avoir jamais été n°1 des ventes de disques – c'était au Royaume-Uni. Il raconte aussi l'origine des soirées de «TonhalleLATE» où les musiques symphoniques et électro se côtoient à la salle philharmonique de Zurich pour le plaisir exclusif des 18-30 ans.

ResMusica : vient de disparaître. Il a été révélé au grand public par votre enregistrement de sa Symphonie n°3 «des chants plaintifs» qui s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires, et a été n°1 au hit parade au Royaume-Uni. Comment avez-vous découvert cette œuvre ? 

 : Trois ans avant que je fasse ce disque, un ami m'avait donné la cassette d'un enregistrement de la radio polonaise. Je l'ai écouté, et un phénomène étrange s'est produit : je me suis endormi. Deux ans durant, j'ai utilisé cette œuvre pour m'endormir.

RM : Comment est venue l'idée de l'enregistrement ?

DZ : Elle vient du compositeur Colin Matthews, qui a produit le disque. Je reçois un appel un jour, c'était le directeur du label Nonesuch Records. Il me demande si je connaissais cette œuvre. Je lui dis que oui, et que je l'utilisais pour… m'endormir. Nous nous sommes mis en recherche d'un orchestre, cela n'a pas été simple mais finalement on a retenu le London Sinfonietta. Nous avons fait une répétition avec Górecki avant d'enregistrer aux Studios CTS, qui ont l'acoustique la plus sèche du monde. Mon fils a ajouté une légère réverbération pour que cela sonne mieux. J'ai touché un forfait de 3000 $ et c'est tout.

RM : Comment s'est passée votre rencontre avec Górecki ?

DZ : Durant la répétition, il marmonnait des sons gutturaux sans dire un mot, mais je comprenais ce qu'il souhaitait. Il était très différent des autres grands compositeurs polonais. Lutosławski était un homme très cultivé, Penderecki (lire notre entretien) était un homme très ambitieux, et tous deux savaient diriger, contrairement à Górecki. Lui était un franc-tireur qui suivait son propre chemin, sans compromis dans sa musique, que celle-ci soit très difficile ou hyper tonale comme cette symphonie. A la création de l'œuvre, un auditeur s'était montré très agacé par cette tonalité, et cela avait beaucoup amusé Górecki.

RM : Qu'est-ce qui a déclenché ce succès phénoménal ? 

DZ : Cette musique était un traitement contre la rage au volant ! Tout a commencé à Los Angeles, où une radio a diffusé la symphonie pour calmer les automobilistes coincés dans les bouchons. Ensuite, la radio Classic FM, qui démarrait à Londres dans les années 1990, a fait connaître l'œuvre et le disque s'est retrouvé n°1 au hit parade !

RM : Vous n'avez touché que 3000 $ pour ce disque ?

DZ : Bob Hurwitz, le directeur de Nonesuch à New-York, voulait faire d'autres disques avec moi, et il accepté de me donner un pourcentage sur les ventes. Les royalties m'ont permis d'envoyer mon fils à l'université.

RM : Est-ce que le succès de la symphonie a changé Górecki?

DZ : Non, il est resté à Katowice, il a acheté une Mercedes, et c'est tout.

RM : Le reste de l'œuvre de Górecki reste méconnu. Cette symphonie a-t-elle été une malédiction pour son œuvre ? 

DZ : Elle a été une malédiction oui, pas pour lui, mais pour le business de la musique classique, car après les producteurs voulaient vendre ! Je me suis intéressé au reste de sa musique, et je veux soutenir ses autres œuvres, sa Symphonie n°2 en priorité. Górecki est sous-estimé. La Symphonie n°3 a une vraie rigueur intellectuelle, avec un canon très long en douze parties. Il m'a montré ses esquisses, cela représentait une liasse épaisse comme ça [NDLR : 5 centimètres] avant qu'il trouve la bonne combinaison.

RM : Vous êtes directeur musical de l' depuis 15 ans, et vous restez en osmose avec vos musiciens. Comment expliquez-vous la longévité de cette relation?*

DZ : J'ai tendance à avoir des mandats de longue durée : 12 ans avec l'Orchestre de chambre des Pays-Bas, 11 ans avec le Philharmonique de Rochester, 13 ans à Baltimore, 6 ans à Rotterdam. Pour chaque orchestre, je voulais que ce soit le dernier avec lequel je travaillerais. Avec la Tonhalle, ce sera vraiment le dernier. Encore quatre ans, et je me retire. J'aurai 80 ans.

RM : Quelle est la caractéristique de l'orchestre ?

DZ : La joie de jouer. Quand vous les voyez, vous comprenez ce que cela signifie. Beaucoup sont arrivés jeunes de différents orchestres comme l'Orchestre des Jeunes Gustav Mahler, l'Orchestre des Jeunes de l'Union Européenne. Ensuite, on a souhaité garder cette énergie dans notre recrutement. Aujourd'hui, la Tonhalle est un peu comme les Nations Unies !

RM : Une énergie et une jeunesse que vous voulez aussi avoir dans la salle, avec le programme «tonhalleLATE»?

DZ : La question était pour moi comment attirer le public et mettre dans le même programme Beethoven et Messiaen. La musique de Beethoven est provocatrice ! Malheureusement, des gens vont au concert pour prendre leur bain hebdomadaire de Brahms ou de Mozart. Avec tonhalleLATE, nous faisons des concerts réservés aux 18-30 ans. Pour commencer et pour finir, des DJs jouent de la musique électro dans le foyer et dans le hall d'entrée, et au milieu on joue une pièce importante, Amériques de Varèse, la 6ème ou la 10ème de Mahler…

RM : Comment vous est venue l'idée de cette formule?

DZ : Mon fils de 16 ans avait un ami qui lui avait dit : «Aucun de mes amis ne va au concert parce qu'ils ne veulent pas être vus avec leurs parents». On a donc créé une soirée interdite aux parents ! Aujourd'hui TonhalleLATE est vu comme un événement «cool» à Zurich, Montréal a repris le modèle, mais il m'a fallu sept ans pour faire réaliser cette idée !

RM : Vous avez été l'assistant de en début de carrière. Quel souvenir en gardez-vous ?

DZ : J'ai commencé ma carrière en 1958 et j'ai été son assistant à Londres à partir de 1961. J'assurais la répétition générale l'après-midi car il ne pouvait pas répéter et diriger le concert le même soir. C'était un apprentissage brutal. Ses Debussy, Franck, Dukas étaient fantastiques, mais aussi d'Indy, Rimski-Korsakov, il a créé Jeux de Debussy, il m'a appris La Mer, Daphnis et Chloé… Il ne dirigeait pas Mahler. Dans les années 1900, il avait préparé l'orchestre pour la Symphonie n°2 de Mahler avant qu'elle soit dirigée par le compositeur. De Mahler, il disait une seule chose : «Il ne m'a pas remercié». Sa plaisanterie favorite, quand on lui demandait s'il jouerait un bis, c'était de répondre : «Oui, la Symphonie n°8 de Mahler». Quand Monteux, quelqu'un d'une telle stature, a cru en moi, j'ai commencé à croire en moi-même.

RM : Vous avez une discographie particulièrement riche avec plus de 100 disques. Quels y sont, pour vous, les temps forts ? 

DZ : Je dirais mes enregistrements d'Ives avec Baltimore, notamment Three places in New England, chez Argo, un label de Decca qui n'est plus disponible malheureusement. Avec Baltimore aussi, les Symphonies n°2 et n°3 de Rachmaninov. Les trois Pelléas de Fauré, Schönberg et Sibelius avec Rotterdam. Le livre de la jungle de Kœchlin chez RCA. Avec la Tonhalle, notre disque Honegger, n'importe lequel de nos disques Beethoven et de nos Mahler.

RM : Vous allez conclure cette année votre intégrale Mahler avec le Tonhalle, que souhaitiez-vous réaliser avec ce projet ?**

DZ : Après avoir enregistré Schumann et Strauss, aborder Mahler était une progression naturelle pour l'orchestre. Avec Chris Hazell, un ingénieur du son avec qui j'ai travaillé pendant 30 ans et l'acoustique fantastique de la salle du Tonhalle, nous avons mis l'accent spécialement sur la transparence.

RM : Et les prochains projets ?

DZ : Fin 2010, nous enregistrons les symphonies de Brahms pour notre nouveau label Tonhalle Live. Et en février-mars, nous commencerons l'intégrale des symphonies de Schubert pour Sony BMG, un projet qui nous prendra deux ans. ***

* Lire nos comptes-rendus de concerts à la tête de la Tonhalle à Zurich en mars et à Montreux en septembre 2010

** Lire nos critiques des symphonies de Mahler n°1 et 2, n°3, n°4, n°5, n°6, n°7, n°8

*** Lire notre critique de la Symphonie n°9 de Schubert avec l'Orchestre de Paris en novembre 2010

Lire notre portrait :

David Zinman, portrait discographique

(Visited 765 times, 1 visits today)

Plus de détails

 
Mots-clefs de cet article
Instagram

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.