Soulignons tout de suite le très beau projet de l'association Opus 87 à l'origine de cet enregistrement : quelle bonne idée effectivement que de créer les conditions propices au lancement d'une jeune carrière artistique par le patronage d'un maître reconnu ! Outre l'enregistrement en question, il est promis aux interprètes des concerts dans le cadre d'un festival, puis d'une tournée. Formidable, me direz-vous, surtout compte tenu du contexte actuel. Raphael Mata et Tristan Cornut se voient ainsi proposer de partager un bout de programme avec Emmanuel Rossfelder, l'un des dignes héritiers d'Alexandre Lagoya. Le programme qui en résulte est divers, constitué d'arrangements de pièces plus ou moins connues – plus ou moins judicieuses, également.
Le violoncelle de Tristan Cornut se mêle à la guitare pour commencer, dans une curieuse transcription de la «Danse rituelle du feu», pas vraiment assumée par les interprètes. Suivent des bluettes sans grand intérêt, le dialogue se ne nouant vraiment qu'au détour du Cygne ou de la Fantaisie de Paganini, sans qu'on en perde le souffle pour autant. Lorsque vient le tour de Raphael Mata de jouer avec son maître, la complicité des interprètes se révèle enfin, et l'on se surprend à savourer la sonorité des guitares dans les deux danses d'Albéniz ou les extraits du Quintette de Boccherini. L'Adagio manque de souffle, et aurait pu à ce titre nous être épargné.
Arrivé à plus des deux tiers de l'enregistrement, on constate que ce début accuse tout de même un manque de relief certain. Et l'ironie du sort fait que le moment de grâce musicale n'intervient réellement qu'en dernière partie de programme, réservé à Emmanuel Rossfelder. La Sonate de Sor, d'inspiration plus que classique, c'est à dire parfaitement prévisible, se révèle sous les doigts de l'interprète, dont le raffinement dans le traitement des textures polyphoniques est simplement délectable. Las ! Lui n'a pas besoin d'être secondé dans sa carrière !
Choix des pièces hasardeux, verdeur des jeunes interprètes, c'est peu dire que le tout ne prend pas. On aura beau applaudir le projet, l'enregistrement qui en résulte n'est pas à entendre, mais à écouter tout au mieux.