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Dijon, Auditorium. 05-XII-2010. Manta, chorégraphie de Héla Fattoumi & Eric Lamoureux. Interprétation : Héla Fattoumi. Création sonore et vidéo : Eric Lamoureux. Costumes, tissus : Maryline Lafay. Scénographie : Stéphane Pauvret. Création lumières : Xavier Lazarini. Construction décors : Jackie Baux. Assistanat : Pauline Le Boulba. Production du Centre Chorégraphique National de Caen / Basse-Normandie (CCNC/BN)
Evoquer la question du port du voile islamique sur une scène par la seule présence d'une femme pendant plus d'une heure, il faut oser le faire.
C'est à la danseuse Héla Fattoumi que l'on doit la réalisation de ce pari qui pose des foules de questions sur ce problème à la fois sociétal, religieux, personnel et aussi féministe. Eric Lamoureux, son complice depuis vingt ans, et elle-même méritent «un coup de chapeau» pour avoir réussi cette performance sans afficher de parti-pris, tout en abordant les sujets essentiels d'une façon intelligente.
La culture arabo-musulmane d'Héla Fattoumi lui permet de sentir particulièrement les enjeux de cette manifestation vestimentaire, mais en même temps, elle assume complètement ses expériences de danseuse occidentalisée, sans oublier non plus les efforts revendiqués par sa propre mère pour faire acquérir des droits aux femmes tunisiennes de sa génération. Cette double culture lui permet de porter un regard sans concessions mais aussi de sentir les choses comme «de l'intérieur».
Une seule tenue pour une heure de spectacle : le niqab blanc, qui peut aussi évoquer le péplum antique, la tenue de la Vierge Marie, celle des vestales romaines ou celle des moniales médiévales. La danseuse souligne la superbe élégance de ce vêtement qui, loin de cacher uniquement, dévoile et attire le regard. En outre, sur scène, ce morceau de tissu acquiert une puissance poétique renforcée par le jeu des lumières sur les plis. La danseuse avoue que le travail réalisé a demandé une finesse particulière des sensations, car les mouvements entravés par la tenue contraignante sont délicats à sentir, et il fallu la collaboration et l'œil critique d'Eric Lamoureux pour assurer la viabilité de la performance.
Si le niqab apporte parfois un certain confort personnel en dérobant au regard masculin les agréments d'une figure féminine, comme le recommandent certaines sourates coraniques, il semble être aussi une entrave puissante à la communication en société : ainsi, les postures de l'interprète sont parfois suffisamment équivoques pour que l'on se demande si on voit la danseuse de face ou bien de dos, ou si parfois on n'a pas devant soi une statue désincarnée. Les plis du vêtement, une séquence de folie sur des pliages d'étoffes, tout cela suggère que la femme doit se plier elle-même aux diktats des hommes ; et quoi de plus inquiétant que la séquence où la danseuse semble râler sous son voile…
L'humour n'est pas du tout absent de ce spectacle : les premières images nous montrent une savoureuse suggestion de danses traditionnelles aux accents d'une musique typique ! Il est vrai que cette manifestation trouve sa place à Dijon dans le cadre d'un «Festival des Nuits d'Orient»… Il y a d'ailleurs un travail varié et fort intéressant sur le son, qui va de l'électroacoustique à la variété occidentale. Cela donne l'occasion à Héla Fattoumi de»dévoiler» au sens propre un autre talent, celui de chanteuse occidentale : s'étant dépouillée du niqab, elle enfile jeans et talons aiguilles, prend alors le micro pour chanter que le combat pour l'émancipation des femmes n'est terminé sous aucune latitude, ni dans aucune civilisation.
Crédit photographique : © L. Philippe
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Dijon, Auditorium. 05-XII-2010. Manta, chorégraphie de Héla Fattoumi & Eric Lamoureux. Interprétation : Héla Fattoumi. Création sonore et vidéo : Eric Lamoureux. Costumes, tissus : Maryline Lafay. Scénographie : Stéphane Pauvret. Création lumières : Xavier Lazarini. Construction décors : Jackie Baux. Assistanat : Pauline Le Boulba. Production du Centre Chorégraphique National de Caen / Basse-Normandie (CCNC/BN)