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Voyage à Istanbul avec Jordi Savall

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Lyon. Chapelle de La Trinité. 28-XI-2010. Istanbul. Hespèrion XXI, direction Jordi Savall

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Festival de Musique baroque de Lyon

Un concert à l'envers ! C'est la première parole entendue avant la première note. Et pour cause, la scène est déplacée devant le grand portail de la Chapelle, le public tournant le dos au chœur. Passé l'effet de surprise, cette réorganisation du lieu s'avère judicieuse : adaptée à la musique traditionnelle du programme, elle se dispense des ors pour un décor sobre de bois clair. et ses musiciens proposent, autour de Constantinople, devenu Istanbul en 1930, une session musicale dans laquelle se mêlent les traditions ottomanes, séfarades, arméniennes et occidentales. Le prétexte de ce «melting-pot» est Dimitrie Cantemir (1673-1723), un prince moldave, intellectuel érudit, qui a passé une vingtaine d'années à Istanbul. Passionné de musique, il composera, transcrira et laissera, entre autres ouvrages, «Le livre de la science musicale».

Ouvert par un taksim (introduction en solo) du kanun (sorte de cithare) de Hakan Güngör, l'ambiance du concert est immédiatement installée. Le «faire ensemble» des musiciens est étonnant : un regard, un léger mouvement de la tête, un geste un peu plus appuyé et la musique passe de l'un à l'autre. La complicité de tous, gérée avec inspiration par , est saisissante. On retrouve cette ambiance conviviale du jazz. Chacun est présent mais le groupe est là.

Le public, plutôt habitué à la «grande» musique, découvre au fil des œuvres ces instruments, ces mélodies, ces improvisations de ces musiques populaires. Bien sûr, mène la danse au rebab ; bien sûr, Pedro Estevan caresse la peau de son tambourin ; bien sûr, Dimitri Psonis est aérien au santur (cymbalum oriental) mais que dire de ce jeune arménien, Haïg Sarikouyomdjian, qui a rejoint Jordi Savall, il y a deux ans pour ce programme ? Dans les plaintes (lamento ?), il est d'une expressivité et d'une sensibilité exceptionnelles. Il tire des sons, des soupirs, des larmes, des sentiments de ses deux instruments : le duduk (hautbois traditionnel arménien) et le ney(flûte). Étonnant !

Qu'Éric Desnoues, le directeur du Festival, et Jordi Savall aient choisi un tel programme, bien éloigné de la musique baroque habituelle, pouvait comporter une part de risques… L'attitude du public a validé leur choix : grande attention, applaudissements nourris, rappels. C'était gagné. La dimension humaniste et inter-culturelle du musicien catalan ne peut laisser personne indifférent. La Musique est un langage universel qui passe au-delà de la langue, de la race, de la religion, de la couleur de la peau. Et ce n'est pas le moindre mérite qu'a Jordi Savall à le rappeler régulièrement.

Crédit photographique : Jordi Savall © Les Grands Concerts

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