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Paris, Palais Garnier. 02-XI-2010. György Kurtág (né en 1926) : Játékok et transcriptions pour piano droit avec super-sourdine et sonorisation ; Colindă-Baladă pour chœur mixte, ténor solo et ensemble instrumental op. 46 ; Quatre poèmes d’Anna Akhmatova pour soprano et ensemble. Márta Kurtág et György Kurtág, piano ; Natalia Zagorinskaia, soprano ; Ovidiu Daniel, ténor ; Chœur de la Philharmonie de Cluj ; Ensemble Musikfabrik ; direction : Cornel Groza et Olivier Cuendet
Devant le somptueux rideau de scène du Palais Garnier qui recevait ce soir le Festival d'Automne, était placé, face au public, un piano droit flanqué de deux haut-parleurs : un dispositif ad hoc pour Márta et György Kurtág qui, dos au public, aiment ainsi donner à entendre les Játekok (Jeux) et autres transcriptions à deux et quatre mains dûment écrits par le compositeur hongrois ; une coquetterie estimeront certains, peu enclins à apprécier cet «art de toucher le piano» si l'on en juge par la piètre qualité d'écoute de ce début de concert. Précisons que le piano Boston (cousin de Steinway, tout de même!) est joué avec une super-sourdine qui feutre d'autant la sonorité pour viser la qualité de timbre et d'intimité recherchée par nos deux interprètes touchants de simplicité et de modestie. En choisissant le piano droit, c'est aussi une approche spontanée et ludique du clavier que veut préserver Kurtág pour qui la musique doit demeurer un jeu d'enfant. Restait donc à tendre l'oreille – la légère amplification prévue par György Kurtág junior participe de la magie sonore – à ces miniatures sensibles autant que poétiques, des pages reliées comme les feuillets d'un album de famille (Consolation sereine, Pensées futiles sur la basse Alberti, Hommage à M. K. …), qui alternaient avec des transcriptions à quatre mains de Bartók (Mikrokosmos) et de Bach (chorals), deux références absolues en matière de clavier pour ce compositeur tout à la fois pianiste et pédagogue.
La seconde partie du programme incluait deux créations françaises. Dans Colindă-Baladă (chant de Noël), Kurtág reprend une mélodie populaire (recueillie par Béla Bartók) qu'il fait chanter de façon assez traditionnelle par un chœur mixte – chaleureux chœur de la Philharmonie de Cluj – relayé par un ténor – très belle voix solaire d'Ovidiu Daniel ; l'écriture est plus virtuose et incisive au sein de l'ensemble instrumental que Kurtág rehausse d'une importante percussion pour donner couleur et relief à l'ensemble.
Cornel Groza était relayé au pupitre de direction par Olivier Cuendet pour la seconde pièce, toujours en création française. Les Quatre poèmes d'Anna Akhmatova (1997) pour soprano et ensemble instrumental portent chacun une dédicace particulière ; rares en effet sont les œuvres de Kurtág qui ne soient écrites à l'attention de quelqu'un, le musicien considérant la composition avant tout comme un acte de communication. Les quatre poèmes de cette grande dame russe (bientôt à l'honneur à Bastille avec l'opéra attendu de Mantovani !) sont eux-mêmes des souvenirs et des hommages : à Pouchkine, Alexandre Blok, Ossip Mandelstam, poètes russes visionnaires aux destinées tragiques qu'Akhmatova célèbre dans une langue évocatrice admirable (même traduite en français!)
Cet opus 41 est également dédié, dans son intégralité cette fois, à la soprano russe Natalia Zagorinskaia qui les créa en 2009 et les interprétait ce soir avec une grâce rayonnante : précision de l'attaque, homogénéité du timbre et agilité vocale servent à merveille cette écriture très concentrée et d'une grande efficacité dramatique. Kurtág sertit les trois premiers poèmes d'un environnement instrumental discret (violon et contrebasse, cymbalum, harpe et célesta) avant de faire musicalement éclater la révolte qui sourd entre les lignes de la poétesse dans l'introduction bruyante autant qu'inattendue du quatrième poème (sirène, machine à vent, percussions et «trompes de guerre») qui ébranle l'atmosphère dans laquelle va résonner, plus tragiquement encore, le poème chanté.
Crédit photographique : György Kurtág © Andrea Felvégy
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Paris, Palais Garnier. 02-XI-2010. György Kurtág (né en 1926) : Játékok et transcriptions pour piano droit avec super-sourdine et sonorisation ; Colindă-Baladă pour chœur mixte, ténor solo et ensemble instrumental op. 46 ; Quatre poèmes d’Anna Akhmatova pour soprano et ensemble. Márta Kurtág et György Kurtág, piano ; Natalia Zagorinskaia, soprano ; Ovidiu Daniel, ténor ; Chœur de la Philharmonie de Cluj ; Ensemble Musikfabrik ; direction : Cornel Groza et Olivier Cuendet