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La musique de Liszt et les arts visuels. Laurence Le Diagon-Jacquin, Editions Hermann, Paris, 571 pages, 45 €, ISBN : 978 2 7056 6815 0, Dépôt légal : octobre 2010
Cet « essai » imposant éclaire d'une façon incontestable l'œuvre du musicien hongrois qui, né en 1811, sera célébré avec l'éclat qu'il mérite l'an prochain.
Après avoir évoqué la querelle qui opposa les « Brahmines » (terme ironique dont on retrouve l'écho dans Romain Rolland), épaulés par le critique d'art Hanslick, aux « musiciens de l'avenir » dont Liszt faisait partie à cette époque, l'auteur précise la position de celui-ci : attiré par les arts en général et par l'art italien en particulier, il se révèle être aussi un critique d'art avisé et un analyste sensible, ce que confirme son regard sur le tableau de Raphaël intitulé Sainte Cécile.
L'auteur de l'essai remarque fort pertinemment que Franz Liszt, s'il décrit avec une certaine justesse les éléments iconographiques, aborde tout de suite une autre dimension de l'analyse en recherchant le sens profond, on pourrait dire symbolique, de l'œuvre picturale, d'une part. D'autre part, le musicien désire faire partager son émotion esthétique et selon lui il est possible d'établir des ponts entre les différents arts, car ceux-ci sont intimement liés entre eux par cette émotion même qu'ils procurent, et par leur signification propre. L'imagination de Liszt fonctionne de manière « synesthésique » : la peinture suscite chez lui une réaction musicale, comme le montre éloquemment son texte sur la Sainte Cécile, où il entend le « Hosannah » et sa pièce pour piano Sposalizio, dans laquelle il fait retentir les cloches (absentes !) du tableau homonyme de Raphaël.
C'est sans doute la justesse des remarques du musicien à propos de la peinture et de la sculpture qui a incité Laurence le Diagon-Jacquin à établir un rapprochement entre l'analyse musicale d'une façon générale et celles qu'Erwin Panofsky a développées un siècle plus tard dans le domaine des arts visuels. Eh bien, cette hypothèse se révèle être la bonne ! Les méthodes « panofskyennes » peuvent apporter des éléments non négligeables à l'analyse d'un opus lisztien, à condition que l'on sache établir les correspondances nécessaires entre les éléments à observer dans les deux manifestations artistiques en présence. L'on découvre ainsi que la structure de La Notte serait non seulement en rapport étroit avec la disposition des tombeaux dans la chapelle funéraire des Médicis à Florence grâce à un même principe de symétrie – car ce sont les principes de composition et de perception qui sont mis en regard – mais aussi que son harmonisation traduirait l'angoisse métaphysique du musicien, qui la signe d'ailleurs par l'emploi de la gamme tzigane.
L'auteur de cet essai monumental prend le parti de donner des exemples appropriés de cette méthode d'analyse comparée, en précisant justement qu'il faut surtout en respecter l'esprit. Les exemples choisis et étudiés suivant ces principes permettent de mieux appréhender la démarche du compositeur, qui apparait comme un homme très cultivé, décidé à faire passer un message universel dans chacune de ses œuvres. Et ce message reflète bien sûr son moi profond : le thème de la mort, celui de la foi chrétienne, son appartenance à la terre hongroise y sont des sujets récurrents. Mais ce qui transparait de cette thèse très documentée, c'est l'immense générosité de ce grand romantique qui savait ce que voulait dire : « l'œil écoute ».
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La musique de Liszt et les arts visuels. Laurence Le Diagon-Jacquin, Editions Hermann, Paris, 571 pages, 45 €, ISBN : 978 2 7056 6815 0, Dépôt légal : octobre 2010
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