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Elle vient de gagner, à 25 ans, le Concours Chopin de Varsovie. Elle est la première femme lauréate depuis Martha Argerich, en 1965. C'est un juste triomphe qui récompense un parcours sans faute et qui satisfait le public. ResMusica rencontre l'une des grandes artistes de demain.
« Quand on joue Chopin, il faut se laisser aller, porter »
ResMusica : Qu'est-ce que Frédéric Chopin pour vous?
Yulianna Avdeeva : Chopin… c'est indescriptible! Sa musique est une combinaison de forme classique et de liberté. Il faut le sentir à l'intérieur. C'est comme de respirer, on le sent et on l'exprime en jouant. Chopin disait : «Je donne des indications». Il n'impose rien. À nous de sentir ce qu'il voulait dire, et pour ça je pense qu'il faut le comprendre, savoir des choses sur lui, qui il était, qui étaient ses amis, son caractère… Moi, ça m'aide, cela déclenche ma propre fantaisie. Dans les Polonaises, par exemple, ce n'est pas l'aspect militaire qui est le plus important. Pour moi ce sont aussi des danses, et même des danses aristocratiques. Il faut les jouer avec grâce.
RM : Qu'est-ce que ce concours vous a apporté ?
YA : Grâce à ce Concours, j'ai vraiment découvert Chopin, comme on découvre quelqu'un qu'on connaissait un peu et lors d'un voyage ensemble. Et je m'aperçois que plus je joue sa musique, plus je l'apprécie. Mes amis s'inquiétaient et pensaient que j'en aurais assez de ne jouer que ça pendant trois semaines. Mais au contraire, maintenant je me sens très proche, dedans. Et je ne m'en lasse pas. J'ai aussi profité de ce séjour pour retrouver l'esprit de Chopin, au Musée Chopin où je suis allée plusieurs fois, c'est magnifique ce qu'ils ont fait. Moi, je sens sa présence, il y a son dernier piano… et je suis allée aussi là où il habitait, dans le «salony» où il a joué son concerto, et dans l'église où il jouait de l'orgue, cela m'inspire!
RM : Comment jouer Chopin?
YA : Quand on joue Chopin, il faut se laisser aller, porter. On ne peut pas apprendre par cœur le rubato. Il faut que cela vienne comme ça, naturellement. En plus, moi je joue la partition de Jan Ekier, la dernière, celle qui comporte toutes les annotations qu'on a retrouvées de Chopin. Et cela a changé mon point de vue, surtout pour le Concerto, parce que là on a les indications de Chopin lui-même et pas celles de Cortot, un de mes maîtres, ou celles de Paderewski.