Bis, c'est l'intégrale des œuvres de Sibelius, les choros de Villa-Lobos, les symphonies de Schnittke ou encore toutes les cantates de Bach par Masaaki Suzuki. C'est aussi des disques enregistrés aux quatre coins de la terre avec des orchestres excellents au service de toutes les musiques, des tubes aux raretés. ResMusica rencontre avec Robert von Bahr le fondateur du label suédois.
« Le téléchargement est écologique et démocratique où que l'on soit à la surface de la terre et sans pollution ! »
ResMusica : Pouvez-vous raconter les origines de Bis ?
Robert von Bahr : C'est très simple ! Bis a été fondé en 1973. À cette époque, mon ex-épouse, Gunilla von Bahr, une merveilleuse flûtiste, n'arrivait pas à enregistrer des disques. Les labels n'étaient pas intéressés et elle devait tout payer sur ses deniers : l'enregistrement, le montage et la commercialisation, sans aucune possibilité de gagner de l'argent avec ses disques ! Je me suis dit alors, si les artistes, en Suède, en sont rendu là, je dois faire quelque chose et je l'ai fait.
RM : Combien d'enregistrements avez-vous à votre catalogue ?
RB : Plus de 1600 enregistrements (1606 exactement en septembre 2010) ! Tous sont disponibles ! Nous n'avons pas de politique de suppression. Tout ce que nous avons enregistré est disponible en stock, en format CD, SACD et même DVD.
RM : Quels sont vos principaux projets ?
RB : Les mêmes que nous avons mis en œuvre depuis toujours ! Nous continuons nos «grandes œuvres» : Bach avec Masaaki Suzuki et l'intégrale Sibelius. Pour cette dernière, il s'agira de la discographie la plus complète de l'Histoire ; tout ce que Sibelius a composé, nous l'avons enregistré !
RM : La musique classique est-elle en crise ?
RB : Non, l'industrie du disque est en crise, mais pas la musique classique ! Si vous avez des bons artistes avec des programmes intelligents et attractifs, je pense que c'est toujours positif et je ne crois pas que le public ne souhaite plus entendre de musique classique !
RM : Qu'en est-il de la vente de disque ? Le nombre de magasins a chuté de manière drastique !
RB : C'est vrai, la distribution a changé. Il y a de moins en moins de magasins et aussi de moins en moins de vendeurs pour vous conseiller ! Mais il y a, à travers le monde, des entreprises de vente par correspondance, connues ou moins connues, mais qui font un excellent travail et fournissent un très bon service. Il est encore possible d'entendre nos disques et d'avoir une idée de nos produits grâce au streaming sur Internet mais aussi grâce aux programmes de radio. Nous ne sommes donc pas démunis devant ces mutations ! Bien au contraire !
RM : Et le téléchargement ?
RB : La part du téléchargement continue de progresser même si les ventes de CD physiques restent majoritaires. Mais, c'est une superbe opportunité pour deux raisons : il n'y a déjà plus de bons magasins de disques dans les grandes villes, alors imaginez dans les petites villes ! Il est impensable de pouvoir y acheter des disques. En France, Harmonia mundi a ses propres magasins mais ils ne vendent pas d'autres galettes que les leurs ou que leurs labels en distribution. Le téléchargement est aussi très écologique car il est encore stupide de perdre autant d'énergies dans la réalisation de boîtiers en plastique ou dans le transports par avion ou camion. Le téléchargement est écologique et démocratique où que l'on soit à la surface de la terre du Burundi aux profondeurs de la Suisse et sans pollution !
RM : Vous enregistrez avec les orchestres d'Afrique du Sud, de Malaisie, du Brésil, de Suède, de France, des USA, du Japon. Plus que d'autres labels, Bis illustre la mondialisation de la musique. Comment choisissez-vous vos projets et vos orchestres ?
RB : J'aime prouver que la musique est un langage international et prouver qu'une compagnie suédoise peut enregistrer de la musique allemande ou tchèque avec un orchestre de Malaisie. Il n'est pas nécessaire d'être en Finlande pour comprendre Sibelius ou d'être en Allemagne pour jouer Bach. Il est intéressant de combiner des artistes du monde entier autour de projets musicaux. Le fait d'être suédois nous a certainement aidé ! Nous sommes un petit pays, avec une tradition musicale, mais pas aussi intimidante qu'en Allemagne ou Angleterre ; dès lors nous devons obligatoirement sortir de nos frontières. Quand on a commencé la série Bach avec Masaaki Suzuki, il y a évidemment eu des commentaires assez méprisants digne de l'européocentrisme, mais maintenant personne n'oserait critiquer ce choix, qui s'est imposé comme une valeur ajoutée à la discographie !
RM : Vous enregistrez beaucoup de musique contemporaine et, là encore, votre ouverture d'esprit est très grande. Vous avez tous les styles et toutes les écoles !
RB : Mon intérêt personnel me porte vers la musique contemporaine, il est très important pour moi d'encourager et de diffuser la musique d'aujourd'hui. Si l'on n'aide pas les compositeurs, ils n'ont aucune chance d'être entendus dans le monde médiatique que nous avons maintenant. Sinon, oui, je suis peut être ouvert d'esprit mais pour moi : quand c'est bon, c'est bon !
RM : Vous venez de publier les symphonies de Walton avec l'Orchestre national de Lille ? Pourquoi ce choix d'un orchestre français pour des œuvres anglaises ?
RB : C'est encore notre idée principale de combiner les orchestres du monde entier autour de nos projets. Un orchestre français joue la musique anglaise différemment d'un orchestre anglais ! C'est ce qui est intéressant ! C'est le chef d'orchestre Owain Arwel Hughes qui nous parlé de l'orchestre et nous avons décidé de l'enregistrer dans ces pièces de Walton.