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Salzbourg. Festival, Großes Festspielhaus. 16-VIII-2010. Richard Strauss (1864-1949) : Elektra, opéra en un acte sur un livret de Hugo von Hofmannsthal d’après Sophocle. Mise en scène : Nikolaus Lehnhoff ; Décors : Raimund Bauer ; Costumes : Andrea Schmidt-Futterer. Avec : Waltraud Meier, Klytämnestra ; Janice Baird, Elektra ; Eva-Maria Westbroek, Chrysothemis ; Robert Gambill, Ägisth ; René Pape, Orest ; Oliver Zwarg, Der Pfleger des Orest… Chœur de l’Opéra de Vienne (chef de chœur : Thomas Lang), Orchestre Philharmonique de Vienne ; direction : Daniele Gatti.
Cette dernière nouvelle production des quatre années de direction de Jürgen Flimm prend place dans une édition 2010 dépourvue de scandales, mais aussi particulièrement terne dans le domaine lyrique.
Richard Strauss a beau être un des confondateurs du Festival de Salzbourg, cette nouvelle production de son Elektra n'est pas vraiment un succès de billetterie, si prestigieuse qu'en soit sa distribution. Sans doute la brièveté de l'œuvre joue-t-elle à vrai dire dans la réticence du public salzbourgeois, avec des places qui atteignent comme toujours les 370 €.
Tout avait été prévu pour assurer un succès sans risque. Choisir Nikolaus Lehnhoff à la mise en scène, c'était la garantie d'une production contemporaine dans son esthétique globale, mais suffisamment peu surprenante pour satisfaire la partie conservatrice du public. Le contrat est rempli : le décorateur Raimund Bauer livre la «cour intérieure, limitée par le palais et des bâtiments bas habités par les serviteurs» que prescrit le livret ; elle est sinistre à souhait, grise et bétonnée, et les bâtiments font un angle avec le sol qui donne une personnalité à ce beau décor. La mise en scène de Lehnhoff se limite quant à elle à une direction d'acteurs sans grande originalité, et Waltraud Meier peut ainsi se livrer sans entrave à son jeu scénique bien connu qu'elle sait adapter à chaque nouveau rôle.
C'est elle, avec René Pape, qui constitue la véritable sensation de la soirée. On se doutait bien que sa Clytemnestre n'aurait rien à voir avec les matrones histrioniques habituelles : la voix a conservé tout son velours, le texte est restitué dans ses moindres nuances, et sa Clytemnestre devient – enfin, pourrait-on dire – un vrai personnage tragique plutôt qu'un épouvantail. Le travail de René Pape, d'une certaine façon, est dans la même lignée : si la beauté pure du timbre joue ici un rôle plus important, le travail du texte est également primordial, en toute sobriété.
Le reste de la distribution est honorable sans atteindre la même excellence : Eva-Maria Westbroek a déjà amplement montré ses affinités avec le rôle de Chrysothémis, mais elle semble en retrait ici, sans doute en partie en raison des excès de l'orchestre, dont souffrent tout autant Robert Gambill, qui montre au moins pour ce qu'on entend un beau souci du texte, et les petits rôles, à commencer par des servantes bien inégales.
En Elektra, Iréne Theorin n'avait pas été épargnée par la critique à l'issue de la première ; un refroidissement dû à un été salzbourgeois particulièrement peu agréable n'aura pas permis de juger de la validité des reproches qui lui avaient été faits. Trouver une Elektra en plein mois d'août n'est pas forcément la chose la plus facile : Janice Baird, en vacances en Espagne, n'est arrivée que dans la nuit précédant la représentation et a dû apprendre la mise en scène pendant la journée. Il est malvenu de juger une chanteuse sur une telle prestation : on se contentera donc de dire que, pour ce qu'on a pu en entendre, elle ne pouvait faire mieux que de sauver la représentation.
Pour ce qu'on a pu en entendre : car dans la fosse Daniele Gatti semble ne pas être en mesure d'adapter sa direction aux besoins des chanteurs. Janice Baird en est la première victime, mais tous les chanteurs sont à un moment ou à un autre couverts par l'orchestre, y compris René Pape dont la projection n'est pourtant certes pas le point faible. Aucune conception d'ensemble ne semble vraiment organiser ce déferlement, qui finit comme de juste par perdre une bonne partie de l'efficacité dramatique qu'il était supposé assurer. C'est dire le mérite qui revient aux deux magistraux musiciens-chanteurs qui parviennent à surnager sur la mer déchaînée : c'est pour eux seuls que la soirée n'est pas perdue.
Crédit photographique : © Hermann et Clärchen Baus
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Salzbourg. Festival, Großes Festspielhaus. 16-VIII-2010. Richard Strauss (1864-1949) : Elektra, opéra en un acte sur un livret de Hugo von Hofmannsthal d’après Sophocle. Mise en scène : Nikolaus Lehnhoff ; Décors : Raimund Bauer ; Costumes : Andrea Schmidt-Futterer. Avec : Waltraud Meier, Klytämnestra ; Janice Baird, Elektra ; Eva-Maria Westbroek, Chrysothemis ; Robert Gambill, Ägisth ; René Pape, Orest ; Oliver Zwarg, Der Pfleger des Orest… Chœur de l’Opéra de Vienne (chef de chœur : Thomas Lang), Orchestre Philharmonique de Vienne ; direction : Daniele Gatti.