Edito
La scène musicale belge, tout comme celle de la France, est toujours agitée par des soubresauts, souvent inquiétants.
Le quotidien La Libre Belgique proposait un entretien avec deux membres du conseil d’administration du Flagey : le francophone Jean-François Cats et le néerlandophone Stefaan De Ruyck.
Avant de commenter cet entretien, un petit rappel de la place du Flagey dans la vie culturelle bruxelloise s’impose. En 1935, l’Institut National de la Radiodiffusion inaugura, sur la place Flagey, de la commune bruxelloise d’Ixelles, un bâtiment avec plusieurs salles d’enregistrements et de concerts. Chef d’œuvre de l’architecte Joseph Diongre, édifié dans un pur style paquebot, le Flagey, outre ses qualités architecturales, était réputé pour son incroyable acoustique. Progressivement délaissé avec l’apparition de la télévision et les réformes institutionnelles de la Belgique, il était à l’abandon et fut sauvé, de peu, d’une destruction. Rouvert à l’orée des années 2000, il n’a jamais trouvé sa place dans la vie culturelle bruxelloise en dépit de quelques coups d’éclats ! Qui plus est, sa structure et ses finances reposent sur une gestion «bi-communautaire», ce qui complique la tâche d’accordeurs de violons de ses responsables. L’année 2009 fut très mouvementée avec l’éviction de son directeur (Hugo de Greef) et la découverte d’un creux de 239. 000 euros dans la comptabilité. En cet été belge, institutionnellement tourmenté, le Flagey, se cherche une nouvelle direction.
La teneur de l’entretien des deux responsables pose question. On apprend que Flagey cherche à développer un modèle de type»Bozar» (autre salle bruxelloise) qui consiste à utiliser les subventions et autres dotations pour financer les coûts fixes et à viser un auto-financement pour les activités organisées (via : ticketing, partenariats, locations de salle). Cette optique nous apparaît dangereuse ! L’argent public investit dans la culture a fondamentalement pour objectif de la diffuser, au plus grand nombre ; une telle interprétation repose sur une lecture très restrictive des statuts et risque, encore et toujours, de creuser le fossé entre des formes culturelles réservées aux happy few friqués et les «vrais gens» profanes en la matière. Qui plus est, il ne faut pas se leurrer, Bruxelles est une petite ville, dans un pays de dimensions modestes. Il semble très délicat de reproduire la réussite financière du Bozar à moins de dix minutes de bus de celui-ci. Le Bozar peut offrir une palette d’activité, des expositions aux concerts, ce que Flagey ne pourra jamais réaliser. On peut craindre un désengagement massif des activités pas assez rémunératrices en terme de retour sur investissement à l’image de la musique contemporaine, historiquement importante à Flagey(2) .
Il a toujours manqué à Flagey une véritable ligne directrice et une originalité sur un plateau bruxellois déjà très riche en évènements. Ce quartier de Bruxelles présente, pourtant, de nombreuses opportunités autant par rapport à sa population multiculturelle, branchée et estudiantine, que par rapport à la flexibilité de ses espaces de concerts. Pourquoi ne pas miser sur le côté pédagogique, organiser des projets en collaboration avec les écoles du quartier, planifier de grands festivals qui transcendent les genres ? Ne pas faire des concerts pour des concerts mais porter les musiques vers tous les publics.
1. Dans son édition du vendredi 13 août, p. 40-41
2. Flagey est le siège historique des concerts du festival Ars Musica que malheureusement des années de programmations partisanes et irréalistes ont vidé de sens et de public !