Alexandre Uninsky et Willem van Otterloo, un tandem historique
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Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur op. 83 ; Ouverture pour une Fête académique op. 80 ; Ouverture tragique op. 81. Alexandre Uninsky, piano. Orchestre de la Résidence de La Haye, direction : Willem van Otterloo. 1 CD-R Forgotten Records fr319. Pas de code barre. Enregistré le 30 janvier 1956 (Concerto) et en décembre 1952 (Ouvertures) à la Grote Zaal du Concertgebouw d’Amsterdam. ADD [mono]. Pas de notice. Durée : 69’29.
Forgotten RecordsL'étiquette française Forgotten Records continue de nous émerveiller par la résurrection de gravures historiques dont les labels qui les ont enregistrées – en l'occurrence Philips – en confinent désespérément les originaux dans leurs archives. Les deux artistes ici à l'honneur ont pourtant fait naguère la gloire de l'éditeur néerlandais : le pianiste Alexandre Uninsky et le chef d'orchestre Willem van Otterloo. En les ressuscitant, Alain Deguernel effectue patiemment, par la même occasion, un magnifique travail de sauvetage d'un patrimoine inestimable, en des transferts impeccables.
Alexandre Uninsky (1910-1972) étudia le piano au Conservatoire de Kiev, sa ville natale, avec Sergueï Tarnovsky. Au début des années 20, les Uninsky s'établirent à Paris où le jeune Alexandre poursuivit ses études musicales au Conservatoire, notamment avec Lazare Lévy pour le piano : il y reçut son diplôme avec honneur en 1927, accompagné d'une lettre de recommandation de la main d'Alfred Cortot. Dès 1928, Alexandre Uninsky fit des débuts très remarqués à Paris, puis en Espagne et en Amérique du Sud.
C'est toutefois sa participation en 1932 au deuxième Concours International de Piano Frédéric Chopin, où il décrocha le Premier Prix, qui le rendit célèbre internationalement. Varsovie le réclame, où il joue notamment sur le piano de Chopin au Musée National, mais en pleine tournée en Extrême-Orient, il dut rejoindre l'armée française, car la deuxième Guerre Mondiale avait éclaté. Il put gagner ensuite l'Amérique du Sud où il parvint à se produire dans presque chaque pays. Il donna enfin son premier concert new yorkais, au Carnegie Hall, en 1942.
La carrière du chef d'orchestre néerlandais Willem van Otterloo (1907-1978) comporte deux grandes phases : après avoir commencé des études de médecine à Utrecht, il reçut une formation de violoncelliste et de compositeur au Conservatoire d'Amsterdam, et après avoir fait ses premières armes à la direction de l'Orchestre Municipal d'Utrecht, sa vocation de chef d'orchestre s'épanouit d'abord après la deuxième Guerre Mondiale lorsqu'il fut nommé à la direction de l'Orchestre Philharmonique de la Résidence de La Haye aux destinées duquel il sera associé de 1949 à 1973. C'est à ce moment qu'il accomplit ses multiples gravures les plus connues pour Philips, Fontana, Deutsche Grammophon… La seconde partie de sa carrière le vit à la tête de l'Orchestre Symphonique de Melbourne de 1967 à 1968, puis de l'Orchestre Symphonique de Sydney (1972-78), tout en conservant son poste à La Haye puis à Düsseldorf (1974-77). Grand amateur de voitures, l'ironie du sort a voulu qu'il se tue stupidement, non comme conducteur mais comme passager, dans un accident de la route à Melbourne en juillet 1978, privant ainsi la Musique d'un de ses plus ardents défenseurs.
Il semble qu'Alexandre Uninsky ait eu des affinités musicales remarquables avec Willem van Otterloo et son Orchestre Philharmonique de la Résidence de La Haye. Ce fut dès lors une succession de joyaux de l'enregistrement : le Concerto n°2 de Brahms, les deux Concertos de Chopin, le Concerto n°1 de Tchaïkovsky et le Concerto n°3 de Prokofiev.
Willem van Otterloo était un excellent brahmsien qui nous a laissé de remarquables enregistrements d'œuvres de ce compositeur : une Symphonie n°1 et les deux Ouvertures bien connues qui rivalisaient avec les gravures d'Eduard van Beinum. Le disque de Brahms ici proposé par Forgotten Records est donc parfaitement recommandable, tenant compte qu'il s'agit en l'occurrence de captations mono, et que la gravure Uninsky-Otterloo du Concerto n°2 n'avait pratiquement comme rivales sérieuses à ce moment que les premières versions (mono) de Wilhelm Backhaus – Carl Schuricht, et de Rudolf Serkin – Eugene Ormandy qu'elle parvenait même à dépasser en pure poésie. Il est vraiment surprenant que Philips-Universal n'ait pas maintenu ces merveilleuses interprétations au catalogue de l'une ou l'autre de ses séries historiques.
Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour piano n°1 en si bémol mineur op. 23. Modeste Moussorgski (1839-1881) : Les Tableaux d'une Exposition. Alexandre Uninsky, piano. Orchestre de la Résidence de La Haye, direction : Willem van Otterloo. 1 CD-R Forgotten Records fr327. Pas de code barre. Enregistré le 12 octobre 1951 à la Grote Zaal du Concertgebouw d'Amsterdam (Concerto), et le 13 avril 1953 au Phonogramstudio d'Hilversum (Tableaux). ADD [mono]. Pas de notice. Durée : 63'24.
Plus étonnante encore que celle du Concerto n°2 de Brahms, l'absence chez l'éditeur original de la version Uninsky-Otterloo du Concerto n°1 de Tchaïkovski, même si de toute évidence la concurrence est rude, vu la multitude existante de ce cheval de bataille au catalogue : il importe toutefois de se rappeler que cet enregistrement fut le « best-seller » avant l'arrivée sur le marché de la version Richter-Karajan qu'elle supplante, notamment quant au naturel des tempi, à la passion et la ferveur dans les grands moments, à l'intense poésie du pianiste dans les instants méditatifs ou gracieux comme la musique de ballet du compositeur. Et c'est bien ce qui fait le prix de la version Uninsky-Otterloo : une spontanéité qui ne sacrifie jamais la précision, et qui semble couler de source, bien éloignée de toutes les versions actuelles cliniquement correctes ! En complément, on ne pouvait de la part d'Alexandre Uninsky que s'attendre à une excellente vision de la version originale pour piano solo des Tableaux d'une Exposition de Moussorgski, toutefois curieusement amputée de la Promenade reliant Samuel Goldenberg et Schmuyle et Le Marché de Limoges, tout comme l'avait également ignorée Maurice Ravel dans sa célèbre orchestration.
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Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur op. 83 ; Ouverture pour une Fête académique op. 80 ; Ouverture tragique op. 81. Alexandre Uninsky, piano. Orchestre de la Résidence de La Haye, direction : Willem van Otterloo. 1 CD-R Forgotten Records fr319. Pas de code barre. Enregistré le 30 janvier 1956 (Concerto) et en décembre 1952 (Ouvertures) à la Grote Zaal du Concertgebouw d’Amsterdam. ADD [mono]. Pas de notice. Durée : 69’29.
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