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Crédits photographiques : Leondis Kavakos/Camerata Salzurg ; Daniel Hope / Marco Borggreve ; Vilde Frang/ Sussie Ahlburg.

Verbier Festival 2010

La dix-septième édition du Festival suisse de Verbier continue de donner le «la» européen en terme d'innovations et de programmations. Loin de se contenter d'une affiche en tous points unique et exceptionnelle (260 artistes passent par Verbier pendant la durée de la manifestation), le festival va directement à la rencontre des publics.

Amateurs, jeunes musiciens, enfants, profanes, passionnés, les différents aspects de la programmation se déploient à travers la station : petits déjeuners musicaux, mini-concerts dans les télécabines, répétitions et leçons publiques…Verbier vit au rythme de la musique du matin au soir.

Le festival est exemplaire car il parvient à créer une dynamique autour de la musique classique et de faire battre le cœur d'une ville au rythme des concerts. Un autre exploit est d'abattre les frontières autour de la musique et d'en faire un art consommable par toutes les générations, à chacun son rythme et en fonction de ses envies. On est à l'opposé de l'image des festivals «exclusive VIP», bouffis d'orgueils et de prestige passé. Qui plus est, les retombées sur l'économie locale sont impressionnantes : le dossier de presse avance le chiffre de 12 millions de francs suisses. Le confort du public est aussi l'une des préoccupations de la direction avec l'édification d'une nouvelle structure temporaire d'une capacité de 1700 places à l'acoustique satisfaisante pour les concerts symphoniques et récitals, et formidable pour la musique de chambre. Les absents ont toujours tort, mais si l'on ne peut pas se déplacer, il est possible de suivre les retransmissions en direct ou différé sur Internet ou via un smartphone célèbre, marqué d'une pomme.

L'orchestre du festival est dirigé, depuis l'année dernière, par le chef suisse , en régional de l'étape. On connaît les qualités du musicien : un grand professionnalisme, une mise en place à toute épreuve qui masquent souvent une conduite linéaire des partitions. On n'échappe pas, pour ce concert dominical, à ces qualités et ces défauts. L'ouverture du Corsaire de Berlioz séduit par sa précision, sa fluidité, par sa bonne gestion des différents épisodes mais il lui manque la flamme, la folie et l'énergie débridée de la jeunesse. Dans la vaste fresque Don Quichotte de Richard Strauss, le chef peine à unifier les nombreuses «variations sur un thème de caractère chevaleresque». est aussi peu aidé par un tel qu'on le connaît souvent : débridé et incontrôlable. Son chevalier abandonne toute noblesse et toute ironie pour camper un adolescent intrépide, qui veut frimer sur les pistes des discothèques. Le trait s'avère épais et plutôt gavé de sucreries et boissons énergisantes que franchement conquérant et combatif… Autre star de l'épopée, l'altiste est plus concentré mais peine un peu à s'affirmer. C'est le Concerto pour violon n°2 de Bartók qui s'imposait lors de ce concert. fait valoir sa sonorité limpide et sa précision technique, emportant les épisodes virtuoses et les passages plus mélodieux avec un brio, une prestance et une majesté sonore épatantes. Le dialogue avec l'orchestre est parfait alors que soliste et musiciens proposent un festival de couleurs. En bis, l'artiste, téméraire, se lance, brides abattues, dans un mouvement de la Sonate pour violon seul de Bartók, déchaînant l'enthousiasme mérité du public. Composé de jeunes musiciens, issus de tous les continents, l'orchestre du festival de Verbier, est un pilier du festival. Comme toutes les formations composées de jeunes, il fait valoir son enthousiasme, même si la précision technique est parfois prise en défaut.

Le festival héberge un autre orchestre : l'Orchestre de chambre. Composé d'anciens de l'orchestre principal, il présente une maturité artistique et un fini instrumental proches de l'idéal. Le chef anglais Paul MacCreesh guide ces interprètes dans un répertoire taillé sur mesure : l'ouverture et les danses de Orphée et Eurydice de Gluck et surtout une symphonie n°7 de Beethoven arrachée à l'énergie et au panache avec un dernier mouvement au tempo des plus culottés. Entre ces partitions, l'orchestre était rejoint par la mezzo-soprano pour les Nuits d'été de Berlioz. La formation chambriste convient idéalement à cette dentelle musicale permettant de tisser un écrin soyeux à la voix soliste. La chanteuse s'y avère précise, subtile, hautement musicale, même si certains aspects de son chant sonnent «vieux» surtout dans la prononciation des voyelles ; étrange manie pour une artiste des années 2000.

La partie récital occupe une grande place au Festival de Verbier. C'est toujours l'occasion d'alliances musicales originales et expérimentales. Les concerts matinaux, donnés à l'Eglise, sont le lieu privilégié de ces associations. Le brillant violoniste Ilya Gringolts affrontait, en deux parties, les Sonates pour violon et clavecin de Bach avec l'expérimenté au clavier. Jouant sur violon baroque, l'artiste nécessite un petit temps d'adaptation avant de se fondre dans le moule tonique et vivifiant façonné, avec attention, par le sage japonais. Le soliste témoigne d'une belle précision d'archer et d'une sonorité fruitée bienvenue.

Très actif, le violoniste proposait un programme inattendu, secondé par l'étonnant  : Schulhoff, Schittke, Walton répondaient à Mendelssohn. La puissance du violoniste, sa technique ébouriffante, sa flexibilité dans les styles lui permettent d'évoluer avec aisance dans la grâce de Mendelssohn, avec rage dans les colères stylistiques de Schnittke et avec ironie dans la brillante Sonate pour violon seul de Schulhoff. La Sonate de Walton, composée de variations, est un ovni musical cerné par l'esthétique début du siècle anglais de Bax et Vaughan-Williams et regardant vers les profondeurs américaines d'un Korngold exilé. Il faut tout le talent de ce duo pour transcender la pièce, parfois un peu longue.

Devant la pléiade de stars présentes, le festival propose les rencontres inédites, sortes de cocktails de luxe alliant l'irrationnel des affiches aux additions détonantes. Ainsi, la confrontation face à dans la Truite de Schubert avait de quoi surprendre ! Mais rejoints par , et Leigh Mesh, la fine équipe s'avère fort sage ! mène les débats avec rapidité, tenant le discours dans un carcan d'où seul le piano souverain de parvient à émerger. L'entracte amène un changement d'équipe bienvenu ! Huit instrumentistes (Daniel Hope, , Mikhail Simonyan, Kirill Troussov, David Aaron Carpenter, Blythe Teh Engstrœm, et Jakob Koranyí) se lancent à l'assaut de l'Octuor de Mendelssohn. Les virtuoses font de la musique pour de la musique, sans fioritures ni vaines intentions, mais avec la force de l'évidence. On relève, dans cette «dream team», des noms à suivre : au violon et David Aaron Carpenter à l'alto.

En complément des longues journées de concerts, la fin de soirée propose un marathon : les Sonates de Schubert sous les doigts d'. Puisant dans son héritage et dans sa fréquentation de l'art imaginatif d'un Richter, la grande dame du piano impose des interprétations combinant le haut degré d'inspiration et un regard personnel à la fois tempétueux, romantique et torturé.

Ces trois jours de concerts, donnent un aperçu d'un festival au menu impressionnant et que ne cesse de rassasier ses convives tout en renouvelant l'approche du classique.

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Crédits photographiques : Leondis Kavakos/Camerata Salzurg ; Daniel Hope / Marco Borggreve ; Vilde Frang/ Sussie Ahlburg.

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