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Romain Leleu, trompettiste

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«Révélation» des Victoires de la Musique classique 2009, formé au CRR de Rueil-Malmaison, au CNSM de Paris et Hochschüle für Musik de Karlsruhe, lauréat de plusieurs concours, «révélation classique» de l'Adami en 2005, fait partie de cette nouvelle génération montante des instrumentistes à vent nés dans les années 80.

« Je voudrais que les producteurs comprennent que la trompette n'est pas juste un instrument pour le 14 juillet »

ResMusica : Les trompettistes qui mènent une carrière exclusive de soliste sont rarissimes. Comment expliquez-vous votre notoriété ?

 : La trompette est un instrument à la fois très populaire et très mal connu. Peu de trompettistes actuellement sont concertistes, j'ai la chance de l'être, je me sens mieux ainsi que dans un orchestre. Quant à la célébrité, les Victoires de la Musique classique m'ont apporté beaucoup.

RM : Y a-t-il un «avant» et «après» Victoires de la Musique classique ?

RL : Oui, avec le phénomène de la télé. Ça m'a beaucoup apporté au niveau de la visibilité auprès du grand public.

RM : La question se pose aussi autour du répertoire pour trompette. Comment concevez-vous vos programmes ? 

RL : Tout dépend du type de concert. Pour un récital avec piano j'essaie de donner du plaisir au public et de me faire plaisir, de montrer ce qui est possible ou faisable, avec des pièces originales pour trompette en ut ou en si bémol ainsi que les divers instruments de la famille des trompettes comme le cornet ou le bugle. C'est un peu la même chose pour le récital trompette et orgue, sortir de l'Ave Maria de Schubert ou Gounod et des chorals de Bach. Le plus dur est de trouver l'équilibre entre ce qu'on a envie de jouer, ce qu'on a envie de découvrir et ce que le public a envie d'entendre. Pour les concertos, en général ils me sont imposés, on me demande souvent Haydn et Hummel. Un répertoire que j'aime jouer mais il n'y a pas que ça, avec les concerts du XXe siècle et des créations que je voudrais mettre en avant et jouer régulièrement.

RM : Quelles pièces du répertoire chambriste vous voudriez faire découvrir ?

RL : La Légende de Georges Enesco, une des plus belles pièces originales pour trompette et piano, le Triptyque d'Henri Tomasi, des pièces de Philippe Gaubert pour cornet, et pas mal de transcriptions ainsi que des pièces pour instrument seul, la Sequenza X de Berio ou Folk tunes de Philippe Hersant. Mais faire programmer un concert pour cette formation est difficile en raison des idées reçues.

RM : A propos de création contemporaine, quelles partitions avez-vous suscité ?

RL : J'ai un projet avec Kaija Saariaho, mais cela prendra du temps. Au niveau de la création, il reste beaucoup à faire. J'ai travaillé avec Karol Beffa, je vais créer une sonate de David Lampel cet été, je cherche à droite à gauche des idées de commande.

RM : Le grand trompettiste du XXe siècle est sans conteste Maurice André. Quels rapports avez-vous avec lui ?

RL : Je l'ai rencontré une ou deux fois, il me téléphone de temps en temps, après ma Victoire de la Musique ou à l'occasion de la sortie de mon dernier disque. Ça fait vraiment plaisir d'avoir des compliments d'une personne qui reste une référence du monde de la trompette. Il a fait découvrir l'instrument, un travail formidable sur le répertoire, on doit continuer surtout à une époque ou tout va plus vite dans la diffusion.

RM : Votre nom devient courant dans le monde de la musique, votre frère Thomas Leleu est actuellement tuba solo de l'Orchestre philharmonique de Marseille. La musique, une affaire de famille ?

RL : Oui, mes parents sont musiciens tous deux, enseignants, on a baigné dans ce milieu là, plus une tradition typique du Nord concernant les instruments à vent.

RM : Concertiste est selon vous plus intéressant que musicien d'orchestre. Néanmoins vous jouez souvent en petit ensemble. Sur quels répertoires et dans quels buts ?

RL : J'ai un quintette de cuivres que j'ai fondé quand j'étais étudiant. C'est une formation emblématique, qui demande la même exigence de travail qu'un quatuor à cordes – mais pas encore le même répertoire malheureusement. Il y en a beaucoup ceci dit, en ce moment on travaille sur des œuvres originales de Beffa, Carter, Arnold, … Nous préparons un disque qui sortira fin 2010 chez Polymnie. Mais c'est difficile d'imposer ce répertoire. Un concert de quintette de cuivres est rarement programmé. Ce n'est pas que de la transcription, il existe un répertoire vraiment intéressant qui commence vers le milieu du XIXe siècle.

RM : Intéresser le public est l'essentiel, mais intéresser les producteurs permet de vous faire programmer. N'y a-t-il pas une certaine frilosité ?

RL : C'est clair ! Il y a toujours une certaine appréhension, que ce soit pour un récital trompette / piano que pour un quintette de cuivres. Le but est de changer cette image. Je reviens du Japon, j'ai fait trois concerts plein à craquer. Peut-être est-ce typique à la France, mais dans les autres pays les cuivres sont un peu plus reconnus.

RM : Cette peur à peut-être deux origines, l'image des cuivres comme de l'orchestre de kiosque…

RL : Mais pas du tout ! Il suffit d'entendre et d'être curieux. On est dans une démarche ou on est obligé de faire découvrir plutôt que de se faire plaisir. C'est un peu gênant de voir des concerts refusés en raison de l'instrument ou du répertoire, c'est un faux problème.

RM : L'autre origine de cette peur est la crainte d'avoir une saturation de l'espace sonore dans des petites salles de concert.

RL : C'est une idée reçue. Si on pense fanfare ou musique de rue, forcément, mais le répertoire est autre. Le coté populaire de l'instrument passe souvent devant. Pourtant la trompette dans les septuors de Saint-Saëns ou Hummel ou dans l'Histoire du soldat ne pose aucun souci. Trompette et quintette à cordes est une formation qui fonctionne très bien aussi.

RM : S'il faut faire passer un message aux organisateurs de concerts…

RL : La trompette n'est pas qu'un instrument fort. Invitez-moi et je vous prouverai l'inverse.

RM : Pour les concertos, comment expliquez-vous qu'on ne vous demande que Hummel et Haydn. Comment expliquez-vous qu'on ne vous sollicite pas pour Jolivet, Tomasi, Aroutiounian, … ?

RL : Hummel et Haydn sont les plus connus. Il faut remplir les salles. En décembre j'ai fait Tomasi, j'étais heureux car on ne le donne pas tous les jours. Tous les concertos du XXe ne sont malheureusement plus édités en disque, donc inconnus, donc non programmés. Aux Victoires de la Musique classique m'a imposé le 3e mouvement du concerto de Hummel car c'est «la recette qui marche».

RM : Pourtant David Guerrier quelques années auparavant avait, à cette même cérémonie, joué le finale du Concerto de Tomasi…

RL : Justement ils ne voulaient pas recommencer l'expérience et j'ai eu le choix entre un Ave Maria et Hummel. Autant prendre une pièce du répertoire.

RM : Quels sont vos projets à venir ?

RL : Un concert aux Flâneries de Reims avec le Concerto pour piano n°1 avec trompette de Chostakovitch, qui sera enregistré, un récital avec orgue avec Thierry Escaich, la création de Lampel en Suède, Hummel avec l'Orchestre lyrique et symphonique de Nancy, un programme de concertos classiques avec l'Orchestre philharmonique de Marseille, etc.

RM : Et point de vue disques ?

RL : Le Chostakovitch, le disque du quintette et bien sur mon dernier disque, un récital avec piano, chez Aparté. J'ai beaucoup de projets sur le papier qu'il faut monter. Il faut prendre le risque, mais ça marchera.

RM : Un beau plaidoyer pour votre instrument.

RL : Oui, je voudrais que les producteurs comprennent que la trompette n'est pas juste un instrument pour le 14 juillet. Tout le répertoire regorge de choses très intéressantes, dans la musique de chambre comme en soliste.

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