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Paris, Salle Olivier Messiaen. 12-VI-2010. Jonathan Harvey (né en 1939) : Speakings pour orchestre et électronique. Tristan Murail (né en 1947) : Les sept paroles pour chœur mixte à 8 voix, orchestre et sons électroniques. Grand Chœur de la Radio Néerlandaise (chef de chœur : Celso Antunes) ; Orchestre Philharmonique de Radio-France ; direction Pascal Rophé. Réalisation informatique musical IRCAM : Grégory Beller, Arshia Cont, Gilbert Nouno
Après une éblouissante soirée d'ouverture avec Cantate égale pays, création dans laquelle le compositeur Gérard Pesson laissait pour la première fois «venir à lui» l'outil électronique, le Festival Agora invitait l'Orchestre Philharmonique de Radio-France dans ses murs pour deux créations françaises très attendues puisque, toutes deux fruit d'une lente germination dans les studios de l'Ircam, elles allaient nous faire «éprouver les effets du prototype» selon les termes de Frank Madlener.
Speakings de Jonathan Harvey est le troisième volet d'une trilogie «relative à la purification bouddhiste du corps, de l'esprit et de la parole» comme le précise le compositeur anglais. Le projet sonore est bigrement audacieux. Harvey entend réunir dans une sorte de méta-matériau et grâce aux ressorts de la technologie informatique, la musique orchestrale et la parole humaine qui s'interpénètrent dans leur mode d'articulation et d'intonation… «comme si l'on entendait une langue très expressive qu'on ne comprend pas» ajoute-t-il : pari réussi et transcendé même par l'habileté virtuose du musicien et des informaticiens – Gilbert Nouno et Arshia Cont – parvenus, semble-t-il, à un niveau de maîtrise encore inégalé ! L'outil principal est un «vocodeur de la forme spectrale» permettant la synthèse des voyelles et consonnes dont se nourrit la texture instrumentale. L'ensemble extrêmement vivant et coloré – à la tête d'un «Philar» très en verve, Pascal Rophé s'y emploie avec son énergie coutumière – est plein d'inattendus presque drôles parfois, la partie d'orchestre soutenant au fur et à mesure un contrepoint hardi – «les jacasseries frénétiques de la vie humaine» avec l'électronique. Un hautbois solo, associé sur le devant de la scène à une flûte, une clarinette et un trombone solistes adoptent au centre de la pièce un profil plus proche du chant, ce langage originel et pur prenant la forme de mantra. Harvey atteint ici une dimension artistique et sacrée dont il énonce, comme l'aurait fait Stockhausen, la super-formule : «le paradis du Temple de l'écoute est imaginé».
Même hauteur spirituelle pour Tristan Murail avec Les sept paroles – données en création française avec la participation du Grand Chœur de la Radio Néerlandaise – même si la volonté du compositeur n'est pas d'écrire un oratorio – ou une sorte de «Requiem français» rappelant l'aventure brahmsienne – mais «une œuvre orchestrale avec voix», un «répons» entre le chœur virtuel de texture microtonale engendré par l'électronique et le chœur réel, relativement discret d'ailleurs, écrit sur des échelles diatoniques. A l'instar des musiciens du Moyen-âge et pour «tenir le contenu sémantique à distance» (excepté les deux coups de tonnerre à mi parcours !), Murail compose les notes d'abord et dispose ensuite le texte sous la musique. L'œuvre d'envergure (quelques 52') articulée en sept parties n'évite pas une certaine monumentalité dans laquelle s'enlise parfois le propos. Pour autant, la puissance tellurique de certains»passages» entre mondes acoustique et électronique (relevant du prototype sur le plan de la synthèse vocale !) rendent compte de la dimension visionnaire d'un compositeur qui mène ici sa recherche à un point d'accomplissement.
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Paris, Salle Olivier Messiaen. 12-VI-2010. Jonathan Harvey (né en 1939) : Speakings pour orchestre et électronique. Tristan Murail (né en 1947) : Les sept paroles pour chœur mixte à 8 voix, orchestre et sons électroniques. Grand Chœur de la Radio Néerlandaise (chef de chœur : Celso Antunes) ; Orchestre Philharmonique de Radio-France ; direction Pascal Rophé. Réalisation informatique musical IRCAM : Grégory Beller, Arshia Cont, Gilbert Nouno