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Manfred Honeck, chef d’orchestre

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Très demandé par les orchestres qui souhaitent travailler avec un chef issu de la grande tradition musicale autrichienne mais revitalisée par un regard contemporain, , est le directeur musical comblé de l'orchestre de Pittsburgh, du Staatsoper de Stuttgart et chef invité privilégié de l'orchestre philharmonique tchèque de Prague. Alors qu'il entame sa seconde tournée européenne avec son orchestre de Pittsburgh, rencontre avec un chef d'une tradition tournée vers le futur.

ResMusica : Comment êtes-vous devenu chef d'orchestre ?

 : Je viens d'une famille musicienne, j'ai tout d'abord appris un instrument : le violon puis l'alto. J'ai ensuite été engagé à l'orchestre philharmonique de Vienne. Jouer dans un orchestre (et dans un tel orchestre !) est une expérience fascinante et une école unique pour comprendre les différentes personnalités des chefs, appréhender la philosophie des musiciens et apprendre à se fondre dans un pupitre. Je suis donc venu relativement tard à la direction d'orchestre car j'ai quitté les rangs des Wiener Philharmoniker à l'âge de trente-trois ans pour monter sur le podium. Au fond, je n'étais pas «programmé» pour devenir chef d'orchestre avec un cursus classique.

RM : L'orchestre de Pittsburgh peut s'enorgueillir d'une grande et longue tradition historique. Qu'est ce qui fait la force de cet orchestre ?

MH : L'orchestre de Pittsburgh est une formation qui s'impose au sommet des orchestres mondiaux. C'est d'ailleurs pour cela que le PSO a attiré des chefs comme André Previn, Lorin Maazel et Mariss Jansons. Je suis toujours impressionné par leur totale flexibilité stylistique mais aussi de leur assurance technique sans faille. Ils peuvent faire tout ce que je leur demande même les moindres nuances autant dans les tutti que dans les individualités. Lors de ma première tournée européenne (en septembre 2009), nous avons joué les Quatre derniers lieder de Richard Strauss à Lucerne, c'était incroyable de transparence sonore ; de même je n'ai jamais dirigé un cor solo au son si subtil et poétique dans la symphonie n°4 de Bruckner !

RM : Comment travaillez-vous le répertoire de l'orchestre ? Et sa programmation ?

MH : Nous avons des cycles Beethoven, Mahler, Bruckner mais aussi Strauss, Brahms, Mozart. Ces œuvres conviennent parfaitement au son de l'orchestre. Le PSO soutient également la création américaine, j'ai dirigé des premières mondiales de compositeurs étasuniens et nous avons un poste de compositeur en résidence. Il a été occupé par John Adams, John Corigliano et Richard Danielpour. La saison prochaine Joan Tower, la grande dame de la musique américaine sera la créatrice associée à l'orchestre. Les chefs d'orchestre invités privilégiés comme Leonard Slatkin ou Yan Pascal Tortelier travaillent aussi d'autres pans du répertoire comme la musique américaine ou française. Yan Pascal a dirigé une interprétation fabuleuse du Requiem de Fauré (en juin 2008).

RM : L'acoustique du Heinz Hall convient-elle à ces différentes esthétiques ?

MH : Oh que oui ! Nous ne connaissons aucune restriction au niveau des styles de musique que nous jouons tant l'acoustique convient à toutes. Le Heinz Hall est l'une des meilleures salles aux USA derrière le Symphony hall de Boston et le Canergie hall de New-York mais qui sont des salles de concert plus «classiques» de conception.

RM : Je suppose que la crise économique touche durement les institutions culturelles étasuniennes comme le PSO ?

MH : Je connais pas un orchestre américain qui ne rencontre pas de difficultés ! Le système américain est très différent du notre, il faut toujours trouver des donateurs que ce soit des personnes privées ou des entreprises. Nous avons de la chance d'avoir un soutient solide de nos partenaires traditionnels et même, c'est assez rare aux USA, nous avons un solide réseaux de jeunes donateurs qui aiment l'orchestre et le soutiennent financièrement. Il n'empêche c'est toujours un défi pour toutes les institutions de créer une dynamique favorable aux donations. Mais, fort heureusement, nous avons une équipe de collaborateurs exceptionnels et passionnés qui œuvrent pour l'orchestre et pour lui offrir des perspectives d'avenirs solides et enthousiasmantes. Ainsi lors de nos tournées, nous sommes accompagnées de certains de nos donateurs qui suivent l'orchestre mais qui tissent aussi des liens pour leurs affaires. Mécénat, culture et business sont étroitement liés mais c'est bon pour nous.

 

« L'orchestre de Pittsburgh est une formation qui s'impose au sommet des orchestres mondiaux » 

 

RM : Vous avez publié deux disques pour le label hifiste japonais Exton. Cette collaboration va-t-elle se poursuivre ?

MH : Oui, bien sur ! Nous sommes très heureux de cette association avec Exton qui possède des ingénieurs du son d'une trempe peu commune ! Nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir enregistrer des disques dans un contexte très difficile pour le répertoire symphonique. L'une de nos principales directions sera les symphonies de Mahler avec, peut-être, l'opportunité d'enregistrer une intégrale complète. La prochaine étape sera la symphonie n°4. La symphonie n°1 était mon premier enregistrement de cette partition, et je tenais à retrouver les racines d'un certain style et son mitteleuropa, avec une certaine rusticité. À ce titre, je suis comblé par le travail des ingénieurs d'Exton au niveau de la restitution de notre interprétation. Nous ne sommes pas exclusivement focalisés sur le projet mahlérien et nous regarderons aussi vers d'autres compositeurs. Mais, je ne veux pas faire des disques pour faire des disques, je me concentre seulement sur le résultat qui doit répondre aux plus hautes exigences artistiques.

RM : Tous ces enregistrements sont des bandes de concert ?

MH : Oui, il s'agit de live, le studio est trop coûteux. Nos enregistrements sont un mix de plusieurs concerts, dès lors nous nous approchons des résultats techniques léchés du studio mais avec l'engagement du concert. C'est un bon compromis !

RM : Pittsburgh semble au cœur de vos préoccupations et de vos ambitions ?

MH : Je vais quitter le Staatsoper de Stuttgart après la saison 2010-2011, pour me concentrer sur le PSO. Pour l'instant, j'ai trois fonctions à Pittsburgh, Stuttgart et Prague, c'est assez conséquent. Dès lors, je dois refuser des invitations de formations que j'ai aimé diriger par la passé, mais du fait de ces engagements, je suis toujours au regret de décliner ces offres. Mais je souhaite absolument me concentrer, en tout premier lieu, sur le PSO et lui donner toute mon énergie.

RM : Pour nous francophones, le Staatsoper de Stuttgart est l'un des cœurs du Regietheater à l'allemande. Ce qui signifie pour nous des mises en scènes modernes et souvent provocantes ! En tant que chef d'orchestre quel est votre point de vue sur ce type de productions ?

MH : Je ne suis absolument pas contre les mises en scène moderne. Je suis seulement contre les mises en scènes qui sont contre la musique.
Il est indispensable pour un scénographe de connaître la musique. Comment comprendre l'œuvre et les intentions du compositeur si on n'est pas sois même capable de lire une partition ? Je ne peux pas imaginer m'imposer entraîneur d'une équipe de football si je ne suis pas moi-même un joueur qui connaît la pratique de ce sport !
J'ai vécu une formidable expérience dans le Chevalier à la rose, avec le jeune metteur en scène Stefan Herheim. Stefan est un musicien, il joue du violoncelle et il a même étudié avec Heinrich Schiff. Il connaissait les moindres recoins de la partition. J'adore travailler dans ces conditions, c'est absolument incomparable pour le chef d'orchestre !
Par ailleurs, la question n'est pas dans une hostilité entre deux écoles de mise en scène l'une moderne, l'autre conservatrice. L'essentiel est de rendre le sens de l'œuvre et de la faire comprendre au public : dans les noces de Figaro de Mozart, est-il plus important de représenter le comte Almaviva tel qu'il était à l'époque de Mozart et Beaumarchais ou plutôt de montrer, à travers notre société contemporaine, la puissance et le pouvoir du comte par rapport aux autres ? Nous avons de nos jours, de multiples incarnations du comte : des ministres, des PDG de multinationales…
Nous ne devons pas opposer le passé et le présent, nous avons la chance d'avoir, en 2010, des scénographes exceptionnels ! C'est tant mieux pour l'art lyrique et la musique !

RM : Outre cette tournée de l'orchestre de Pittsburgh qui passe par Paris, est-ce que vous avez des projets dans les pays francophones ?

MH : J'adore la France ! J'ai dirigé à plusieurs reprises des orchestres français à Paris et en province. Je serais à la tête du philharmonique de Radio-France la saison prochaine. Quant au Canada, nous visiterons, en juillet, le célèbre festival de La Naudière avec le PSO.

 

au disque et en DVD :

Giuseppe Verdi (1813-1901) : Ouverture de La Forza del Destino ; Alan Fletcher (1956-) : concerto pour clarinette et orchestre ; Richard Strauss (1864-1949) : Hein Heldenleben, Op. 40. Michael Rusinek, clarinette ; Pittsburgh Symphony Orchestra, direction : Manfred Honeck. 1 SACD Exton. Référence : OVCL-00338.
Gustav Mahler (1860-1911) : symphonie n°1 en ré majeur «Titan». Pittsburgh Symphony Orchestra, direction : Manfred Honeck. 1 SACD Exton. Référence : EXCL-00026.
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Così fan tutte. Mise en scène : Ursel et Karl-Ernst Herrmann. Décors et costumes : Karl-Ernst Herrmann. Avec : Ana Maria Martinez, Fiordiligi ; Sophie Koch, Dorabella ; Stéphane Degout, Guglielmo ; Shawn Mathey, Ferrando ; Helen Donath, Despina ; Sir Thomas Allen, Don Alfonso. Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, (chef des chœurs : Thomas Lang) Wiener Philharmoniker, direction : Manfred Honeck. Réalisation télévisée : Thomas Grimm. 2 DVD Decca 0743165.

Nous recommandons tout particulièrement l'un des premiers enregistrements du chef avec l'orchestre de Bamberg :
Richard Strauss (1864-1949) : Don Juan, Valses du Chevalier à la Rose, Extraits d'Intermezzo. Bamberger Symphoniker, direction : Manfred Honeck. 1 CD Berlin Classics

Crédit photographique : Manfred Honeck © Jason Cohn

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