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Festival international des Violons de la Paix en Boulonnais
Tous les deux ans, en un lointain hommage à Yehudi Menuhin, se déroulent le festival «Les Violons de la Paix» à Boulogne-sur-mer et dans ses environs. Un festival original, sorte de fête musicale dans une région plus connue pour son taux de chômage exponentiel que pour ses activités culturelles, où se bouscule sur un week-end ce que compte de mieux le petit monde de l'archet. Cette année un accent a été particulièrement mis sur la place du violon dans la musique d'Europe centrale.
Les festivités commencent dès la matinée, en pleine place du marché, au sein de cinq cabanes de chantiers réparties dans le centre-ville piétonnier de Boulogne-sur-mer. Dedans, les musiciens de l'ensemble Ictus proposent des «mini-concerts» gratuits, une forme originale d'investissement des lieux pour la diffusion de la musique contemporaine. Parmi la pléthore de concerts proposés, signalons celui de Marianne Piketty et Dana Ciocarlie, proposé à Saint-Etienne-au-Mont puis La-Capelle-les-Boulogne, autour de quatre générations de compositeurs tchèques, du romantique Josef Suk au contemporain Kryštof Mařatka. Un concert où chaque œuvre était brièvement présentée par la violoniste de façon très pédagogique à un public fidèle et attentif. David Grimal, ensuite, seul au Théâtre Monsigny de Boulogne-sur-mer, livre une lecture de la Sonate n°1 pour violon seul en sol mineur BWV 1001 de Bach toute en finesse et en retenue, suivi de l'impressionnante Sonate pour violon seul de Bela Bartòk, commande de Menuhin au compositeur hongrois. La soirée se terminait sur un double happening : In C de Terry Riley par l'ensemble Ictus et un concert du groupe Les Yeux Noirs. Musique de transe et de méditation, œuvre-phare du mouvement répétitif et formidable pied-de-nez californien au structuralisme européen de l'Ecole de Darmstadt, la prestation d'In C par l'ensemble Ictus pêche par une longueur infinie. Bâtie selon le principe de l'œuvre ouverte, la durée d'In C dépend du bon vouloir de ses interprètes, qui ont ce soir poussé l'excès d'une interprétation de près de deux heures. Amusant paradoxe, alors que le Théâtre Monsigny vibrait sous la note do et ses harmoniques répétées à l'infini, le stade voisin vrombissait de la rencontre USBCO/OM (OM gagnant 2 à 1 par pénalty). Un peu plus tard dans la soirée, au complexe culturel de la Faïencerie, le groupe de rock-pop tsigano-yddish Les Yeux Noirs, malgré une sono défaillante et un batteur quelconque, emportait l public pour un voyage musical au travers de l'Europe centrale. Saluons la virtuosité et l'énergie des deux frères leader du groupe, Olivier et Eric Slabiak, ainsi que du joueur de cymbalum, Marian Mihu.
Suite des festivités dès le lendemain matin au Théâtre Monsigny avec les célébrissimes membres du Quatuor Prazak, dans leur cœur de répertoire : Mozart, Janáček et Dvořák. La mariée était trop belle pour le concert suivant : la virtuosité débridée du violoniste hongrois Barnabas Kelemen n'est que poudre aux yeux. Les traits sont savonnés, l'articulation n'est pas précise, et forcément la justesse en pâtit. On peut légitimement se demander la pertinence de certains arrangements d'œuvres classiques inspirées du folklore tsigane (les Danses hongroises de Brahms par exemple) pour un ensemble de cordes, cymbalum et clarinette. Le dernier concert auquel nous avons assisté n tait l'antithèse totale, la preuve d'un réel talent de virtuose plus au service de la musique que de soi-même. Depuis près d'un an Nemanja Radulovic promène ses Trilles du Diable avec toujours autant de brio. Accompagné du Quatuor Illico et de Stanislas Kuchinski à la contrebasse, l'ensemble nous offre un spectacle bien rodé, homogène, autour de partitions de Wieniawski, Vitali ou Kreisler entre autres et bien sur Tartini. Une célébration de la virtuosité du violon.
Rendez-vous en 2012 pour le prochain festival, qui malgré les questionnements actuels sur les sources de revenus des collectivités territoriales, aura lieu quoi qu'il arrive. Le soutien des élus locaux – et leurs présences aux concerts – est un exemple à suivre pour bien des édiles de France.
Crédit photographique : DR