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Domaine privé John Adams, American memory

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Paris, Cité de la musique. 26-III-2010. Charles Ives (1874-1956) : The fourth of July (extrait de la Symphonie « New England Holidays ») ; Samuel Barber (1910-1981) : Knoxville : Summer of 1915 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Récitatif, air et cabalette d’Anne Trulove (extrait de The Rake’s Progress) ; John Adams (né en 1948) : Harmonielehre. Sally Matthews, soprano ; Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Lawrence Renes

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Pour cette avant-dernière incursion dans son domaine privé, semble avoir voulu explorer le phénomène de la mémoire musicale : sa propre Harmonielehre transmue divers éléments de Wagner, Mahler et Sibelius, tandis que entrechoque les bruits et les hymnes de la fête nationale et que Stravinsky réinvente l'aria classique. Quant à Barber, par son romantisme inimitable, il touche à l'essence même de la nostalgie musicale.

Avec le choix du Quatre juillet d'Ives, la traditionnelle ouverture de programme symphonique se transforme rapidement en un vacarme endiablé, néanmoins parfaitement contrôlé par l'énergique . Les couleurs du Philharmonique rutilent, les fanfares grossissent et s'empilent jusqu'à l'explosion finale. Le tempo de Knoxville semble ensuite un peu rapide pour le balancement d'un rocking-chair, ce qui ne facilite pas la tâche de , dont la diction soigneuse ne cherche heureusement pas à contrefaire l'accent du Tennessee. Après l'éloignement des automobiles, les interventions des bois et de jolis aigus flottés installent une nuit féérique, où la pensée remonte vers l'époque révolue de l'enfance. suggère avec simplicité la tendresse infinie des dernières strophes, et son aisance sur cette tessiture lui permet de rendre autant justice aux phrases tendues (« And who shall ever tell ») qu'à la prière (« O remember them kindly »). En Anne Trulove, elle est non moins touchante, et l'accompagnement très pertinent la porte avec fluidité du récitatif à l'air, puis à la cabalette, conclue par un ut aisé.

En nommant sa pièce symphonique Harmonielehre, comme la somme théorique de Schœnberg (1911), pensait-il à une lettre où le compositeur autrichien décrit son Traité d'harmonie comme « un livre dont les Américains ont besoin » ? L'œuvre fourmille en tout cas de réminiscences musicales et de références littéraires : le second mouvement s'intitule The Amfortas wound, allusion au roi-pécheur, mais peut-être aussi à un concept du psychiatre Carl Gustav Jung, tandis que le troisième associe Maître Eckhardt et Quackie, la fille du compositeur. Le premier mouvement, lui, est un rêve, celui d'un cargo décollant depuis la baie de San Francisco. Sous la main ferme de , l'orchestre déploie une activité prodigieuse, les ostinatos roulent sans relâche, de longs thèmes les survolent, le tout est d'une admirable beauté, avec, à chaque instant, un nouveau miroitement de couleur. Dans la pénétrante lamentation du mouvement lent, et dans la radieuse apothéose finale, on souhaiterait sans doute des timbres plus poétiques et des couleurs plus subtiles, mais la performance demeure remarquable, et vaut aux interprètes une longue ovation, qu'ils partagent avec le compositeur.

Crédit photographique : © Marco Borgreve

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Paris, Cité de la musique. 26-III-2010. Charles Ives (1874-1956) : The fourth of July (extrait de la Symphonie « New England Holidays ») ; Samuel Barber (1910-1981) : Knoxville : Summer of 1915 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Récitatif, air et cabalette d’Anne Trulove (extrait de The Rake’s Progress) ; John Adams (né en 1948) : Harmonielehre. Sally Matthews, soprano ; Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Lawrence Renes

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