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West Side Story, revival réussi à Broadway

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New York. Palace Theatre. 14-III-2010. Leonard Bernstein (1918-1990) : West Side Story, comédie musicale en 2 scènes sur un livret de Arthur Laurents et des lyrics de Stephen Sondheim. Mise en scène : Arthur Laurents. Décors : James Youmans. Costumes : David C. Woolard. Lumières : Howell Binkley. Chorégraphie : Jœy McKneely. Avec : Haley Carlucci, Maria ; Matthew Hydzik, Tony ; Karen Olivo, Anita ; George Akram, Bernardo ; Greg Winkler, Doc. Orchestre du Palace Theater, direction : Patrick Vaccariello

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Entrer dans le Palace Theatre suscite une sensation étrange. Du fait de l'absence d'un grand hall d'apparat, tel qu'on peut le trouver par exemple au Metropolitan Opera, le spectateur passe sans transition de l'atmosphère grouillante et survoltée de Times Square a celle, feutrée, d'une belle salle qui rappelle, par sa taille et son charme, celles d'opéras du XVIIIe siècle comme celui de Nancy.

Ce curieux choc des époques et des atmosphères, se retrouve dans cette production de West Side Story. La magie de ce spectacle réside au moins autant dans le charme des mélodies que dans l'enchaînement haletant des événements, qui exige des protagonistes une concentration et une énergie de chaque instant.

Cette énergie, on la retrouve avant tout dans les chorégraphies parfaitement réglées et dans le jeu des chanteurs, qui, contrairement à l'opéra, sont avant tout des acteurs. La voix de l'efficace Matthew Hydzik (Tony) peut par exemple être considérée comme le parangon de la vocalité de Broadway, à mi-chemin entre celle, très travaillée, de l'opéra et de celle des chanteurs de musique pop. Malheureusement, celle de la plupart des autres personnages de cette production, pêche parfois un peu, tant et si bien qu'ils retiennent plus l'attention en tant qu'acteurs et que danseurs qu'en tant que chanteurs. Ainsi, le duo dramatique d'Anita (Karen Olivo) et de Maria (Haley Carlucci) qui suit la mort de Bernardo, met bien en valeur le contraste entre Anita, la fougueuse amante de Bernardo et la pureté de Maria, mais pâtit de la différence trop importante (de volume et de timbre) entre leurs deux voix, qui ne se marient jamais réellement. Dans le même temps, la même Karen Olivo est particulièrement impressionnante de précision, de dynamisme et de caractère dans tous ses numéros dansés et dans sa gestuelle, lorsqu'elle parle.

Charme des chorégraphies, grâce de leur exécution, mais aussi enchantement des décors. Sans trahir la simplicité et le réalisme nécessaire aux spectacles de Broadway, sans trop s'éloigner non plus de l'univers original imaginé par Jérôme Robbins, James Youmans a le mérite de créer des atmosphères particulièrement adaptées à l'action sans utiliser de moyens trop complexes. Tout est à la fois subtil et directement accessible au spectateur, à l'image du parc sombre et grillagé sous le viaduc métallique destiné au métro dans lequel se tient le combat entre les Sharks et les Jets. Autre atmosphère frappante : celle, lugubre, glauque et pour ainsi dire délavée du bar fréquenté par les Jets. Tout irait merveilleusement si la qualité sonore de ce spectacle était à la hauteur de sa qualité visuelle.

Pour un spectateur qui s'attendrait, sans doute naïvement, à voir les musiciens s'engager totalement dans leur partie comme s'ils y jouaient leur vie, c'est plutôt une certaine déception qui sera de mise. La musique est certes correctement exécutée mais plusieurs détails peuvent gêner. Le manque de place dans la fosse du Palace Theatre a obligé le chef à placer deux percussionnistes sur les balcons latéraux. Le déséquilibre avec le reste de l'orchestre placé dans la fosse est parfois assez important pour être gênant. Autre ombre au tableau, la musique semble exécutée de manière assez routinière, comme si l'orchestre se satisfaisait de jouer juste et en place. La comparaison avec l'interprétation vivante et passionnée dirigée par en 1984 lui-même est à cet égard cruelle. De manière symptomatique, de nombreux musiciens consultent leur téléphone entre les morceaux dans lesquels ils doivent jouer. Ce détail particulier n'est pas anodin : la magie du spectacle s'effrite pour laisser apparaître son côté routinier (on comprend aussi les musiciens qui jouent la partition à la chaîne, près de huit fois par semaine depuis mars 2009).

On pourra donc regretter cette interprétation un peu paresseuse qui, malgré tout, fonctionne bien, sans doute parce que la stupéfiante partition de Bernstein fait se succéder des numéros musicaux devenus, presque sans exception, des standards (« Tonight », « America », « Maria », « I Feel Pretty », et « Somewhere », par exemple).

Outre le plaisir de voir l'une des comédies musicales les plus célèbres, cette production de West Side Story, nominée aux Tony Awards 2009, permet d'apprécier sur place ce qui constitue l'essence d'un Broadway Show, pour reprendre l'expression américaine : un spectacle qui, avant de rechercher une perfection « artistique » selon les critères de l'opéra européen, se veut une mécanique virtuose parfaitement huilée.

Crédit photographique : Karen Olivo et George Akram © DR

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