Edito
«Tous ceux qui veulent changer le monde, venez chanter venez danser» Oh yeah ! Qui ne s’est pas roulé par terre de rire sur ce clip, pardon, ce «lip dub», élaboré par les jeunes UMP avec des vrais morceaux de ministres dedans ? Tous les médias français y sont allés de leurs railleries, même les députés de gauche à l’Assemblée nationale n’ont pu s’empêcher de danser dès qu’un membre du gouvernement répondait à une question. Une moitié des électeurs se sont gondolés, l’autre moitié s’est consternée. Et c’est tout.
Curieusement, un effet collatéral de cette merveille – et pas des moindres – a été nettement moins relayé par la presse française. L’affaire remonte à décembre 2009 pourtant. Car Tous ceux qui veulent changer le monde n’est pas une création originale. C’est un tube du Québécois Luc Plamondon sorti en 1976, qui n’a jamais franchi l’Atlantique en son temps, remis au gout du jour en 2009 par la Star Académie (oui, avec un accent et –ie à la fin, car c’est la version québécoise de «notre» Star Academy, sans accent avec –y à la fin). Plamondon, le parolier de Starmania, La Légende de Jimmy et Notre-Dame de Paris, auteur-compositeur de diverses chansons, était-il d’accord ? Encore aurait-il fallu lui demander son avis… sans mentir sur la marchandise.
Au-delà de son aspect navrant, du ridicule d’hommes et femmes politiques que l’on voudrait respectables en train de se trémousser, d’images à double-sens d’une lourdeur éléphantesque, ce clip prouve avec quelle légèreté l’UMP s’assied sur les droits d’auteurs, les droits voisins et le respect de l’œuvre. Musicor (la société de gestion des droits Star Académie) avait accepté un clip «humaniste». Devant le résultat partisan, le contrat n’est pas respecté. Musicor et Plamondon demandent logiquement réparation.
Les explications embarrassées de Dominique Paillé (2nd porte-parole de l’UMP) sur Le Post sont du même tonneau de consternation : «un moment d’inattention». C’est que, concernant la propriété intellectuelle, on est inattentif à l’UMP. France-Info avait ébruité une affaire similaire survenue en avril dernier pour la contrefaçon d’un tube du groupe Kids, que l’agence de communication de l’UMP voulait régler «à l’amiable» par 1€ symbolique. Les deux affaires ont été depuis réglées.
Signalons tout de même que le l’article 335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle condamne la contrefaçon par des sanctions allant jusqu’à 300 000 € d’amende et 3 ans d’emprisonnement, en plus de la restitution des droits (article 335-7) en réparation et du remboursement des frais de justice. Soit à peu près autant que la peine maximale pour téléchargement illégal, telle que Hadopi II la prévoit… Une loi censée protéger les droits d’auteurs et d’interprètes, promulguée par… l’UMP ! Comment ne pas citer une fois encore La Princesse de Clèves : «Je fais aujourd’hui le contraire de ce que je résolus hier». Ah oui, il est grand temps de changer le monde, qu’on puisse chanter et danser sans débourser un centime ! La musique appartient à tout le monde non ?