Concerts, La Scène, Musique symphonique

Des Philharmoniker comme à leurs plus beaux jours

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 16-XI-2009. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°8 en fa majeur op. 93 ; Ouverture «Egmont» op. 84 ; Symphonie n°7 en la majeur op. 92. Orchestre Philharmonique de Vienne, direction : Christian Thielemann

Crédit photographique : © Pier Paolo Cito

Ce concert parisien du Philharmonique de Vienne est le deuxième d'une série de huit au programme strictement identique, commencée le 13 novembre au Konzerthaus de Vienne, passant par Cologne le 18, et Amsterdam le 19, avant de retrouver Vienne pour quatre concerts au Musikverein entre les 21 et 27 novembre. Les concerts au Musikverein seront publiés en CD et DVD dans le cadre d'une intégrale des symphonies de Beethoven dont l'enregistrement devrait s'achever en avril 2010.

A l'époque des interprétations souvent qualifiées «d'allégées» ou obéissant à des dogmes interprétatifs spécifiques, entendre Thielemann devient presque rafraichissant tant il prend le contrepied complet des styles à la mode. Avec lui point de staccato généralisé, point de concerto pour timbales, point d'intransigeante rigueur métronomique, point d'influence baroque, mais un retour à l'orchestre classique où prédominent les cordes, avec une recherche de l'expression passant par la puissance au risque d'épaisseur du tissu sonore, par la transition progressive entre les tempi, par l'utilisation de vibrato et rubato assumés. On est donc aux antipodes, entre autres, d'un Gardiner entendu dans le même répertoire salle Pleyel en février dernier, et le modèle évident est bien sur ici Furtwängler. Depuis son enregistrement en 1996 des symphonie n°5 et n°7 avec le Philharmonia pour DG, pas très convainquant à nos oreilles, car manquant cruellement de naturel et entaché de pas mal de scories, a nettement amélioré son style, et s'il n'égale pas encore son inaccessible modèle, en particulier dans l'évidence des phrasés, la progression dramatique et l'émotion musicale, il s'en approche sans doute aujourd'hui plus qu'aucun autre. Et il a atteint, au moins dans ce concert, un niveau d'accomplissement qui nous a plus que favorablement surpris, bien aidé par un orchestre qui a manifestement adoré ça, à en croire les mines réjouies des musiciens pendant l'exécution, sans rien dire de l'intensité peu commune qu'il y ont mis.

Le concert commença par la Symphonie n°8 dont les premières mesures nous firent comprendre que les soixante cordes allaient être les vedettes de la soirée, tellement l'attaque de ce premier Allegro sonnait avec une plénitude jouissive. Le tempo choisi ne trainait pas, comme d'ailleurs à aucun moment dans ce concert, nous emmenant assez vigoureusement par la main dans un discours au ton résolument sérieux voire grandiose. Si cette symphonie peut être envisagée avec succès de façon plus légère, elle résiste assez bien à un tel traitement pour peu que l'orchestre le magnifie, ce qui était le cas ce soir. Reste que, par ci par là, Thielemann appuyait un peu trop fort certains accords, ou nous surprenait sans toujours nous convaincre par certains ralentissements, soupirs ou changements de rythmes, qui, avec un jeu parfois un peu trop legato des bois ou cuivres, constituaient les seuls griefs que nous ferions à sa direction, très cohérente et fort bien défendue par ailleurs. Avec l'Ouverture «Egmont» donnée ensuite, il nous a semblé que les petits défauts relevés dans la symphonie s'estompaient quasiment devant la densité de l'œuvre et le rythme plutôt soutenu choisi par le chef. Seule la toute fin avec un démarrage un peu brutal de l'emballement final aurait mérité plus de souplesses.

La Symphonie n°7 commença par un assez remarquable poco sostenuto mais le vivace nous parut un poil trop sérieux et pas assez jouissif. Quant au sublime Allegretto au tempo très classique, il manqua légèrement d'émotion, mais il y eu des moments magiques comme lorsque premiers et seconds violons se répondirent en léger fugato. Puis vint le Presto et l'Allegro con brio final, et là, les Wiener Philharmoniker furent tout simplement fa-ra-mi-neux ! Et le chef formidablement inspiré car tempo, puissance, énergie, précision, phrasé, tout était à garder en mémoire. «Seul qui a dirigé les Wiener Philharmoniker sait ce qu'ils sont» disait Richard Strauss, ceux qui ont eu a chance d'entendre ces deux mouvements d'anthologie ce soir savent ce que jouer Beethoven veut dire pour le Philharmonique de Vienne. Faisant de ce moment la très grande réussite de ce concert, à un niveau stratosphérique qu'on n'imagine pas réentendre de sitôt. Mais qui fut renouvelé dans un phénoménal Coriolan donné en bis.

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 16-XI-2009. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°8 en fa majeur op. 93 ; Ouverture «Egmont» op. 84 ; Symphonie n°7 en la majeur op. 92. Orchestre Philharmonique de Vienne, direction : Christian Thielemann

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