Così fan Beauté par Barbara Frittoli et Angelika Kirchschlager à leurs débuts

Voici une version opératique de Così au festival de Salzbourg qui montre deux grandes dames, deux grandes voix, à leurs débuts : Barbara Frittoli – qui offre déjà une interprétation de référence dans «Come scoglio», un air sublime – et la somptueuse Angelika Kirchschlager, incarnant respectivement Fiordigili et Dorabella.

Les deux sœurs de l'opéra de Mozart forment ici un couple – si l'on ose dire – très complémentaire : la première hésite, fait rire par sa naïveté, son étonnement tout en charmant tandis que la seconde, non dénuée de séduction, semble plus sure d'elle. Cette complémentarité est largement confortée par un voisinage timbrique des plus heureux. Leurs amants, eux-aussi semblent sûrs d'eux, mais avec une assurance un peu rustre, plus emportée, plus entière. Et ce, tant dans leur comportement général que dans leur manière de chanter, qui manque souvent de souplesse. Monica Bacelli offre une Despina crédible, peut-être manquant un peu d'acidité. Quant à Alessandro Corbelli, il excelle dans le rôle de Don Alfonso, par son physique qui colle parfaitement au personnage de manipulateur-né et par sa façon de chanter, raffinée et précise. De plus, il remplit vraiment parfaitement sa performance d'acteur.

C'est la troisième fois que Riccardo Muti, ici à la tête de l'opéra et du chœur de Vienne après la mort de Karl Böhm, donne sa version musicale de Così fan tutte en DVD. On avait déjà immortalisé sa version de 1983, à Salzbourg, dans un spectacle de Michael Hampe et celle de 1989, à la Scala. Il semble indéniable que Muti signe aujourd'hui l'une de ses plus belles prestations de l'œuvre mozartienne, et de ses propres versions également. Précis, dynamique, il travaille les phrasés, les articulations avec un orchestre virtuose qui lui répond sans aucun problème.

De plus, le metteur en scène Roberto de Simone souligne un bon nombre d'éléments comiques, farcesques, humoristiques et parodiques présents dans le texte de Da Ponte. En un mot, il va au plus simple… et ça marche ! D'autant que les spectateurs évoluent dans une palette variée et colorée, non seulement de décors et de costumes somptueux et fidèles à l'esprit du XVIIIe siècle, mais également de sentiments : la tendresse côtoie la joie qui fleurte avec la tristesse… La qualité de son est indéniable, tant dans les parties dans lesquelles interviennent ponctuellement des solistes, que dans les tutti orchestraux. Merci au preneur de son également qui contribue évidemment à la réussite de cette interprétation.

Car réussite il y a incontestablement, dans cet enregistrement qui vient se ranger au sommet des Così mozartiens en DVD, à côté, entre autres, de celui de Gardiner…