Yann Beuron et Fauré, la fleur nouvelle au jardin clos
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Gabriel Fauré (1845-1924) : Mélodies op. 51, op. 57, op. 76, op. 83, et op. 85 ; Cinq mélodies de Venise op. 58 ; Le don silencieux op. 92 ; Chanson op. 94. Yann Beuron, ténor ; Billy Eidi, piano. 1 CD Timpani 1C1162. Code barre : 3377891311629. Enregistré en février 2009 à la Chapelle de l’Hôpital du Bon- Secours, à Paris. Notice bilingue (français, anglais), textes chantés. Durée : 51’42’’
TimpaniQui est le ténor français du moment ? La question a du moins le mérite de mettre de l'animation dans une discussion entre mélomanes.
C'est une race éteinte depuis Georges Thill, répondront les plus nostalgiques ; ceux qui le sont un peu moins observeront que Nicolai Gedda est à la retraite, tandis que beaucoup évoqueront sûrement les dernières aventures mondaines d'une vedette nationale. Gageons que ceux qui auront entendu ce disque penseront à Yann Beuron : on le savait déjà parfait chanteur et interprète versatile, mais avec Gabriel Fauré il s'attaque à l'un des répertoires les plus raffinés qui soit. Évacuons d'emblée une erreur à peine croyable : dans Green, Yann Beuron chante «Souffrez que ma fatigue un instant reposée» au lieu de «Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée» ! A part cela, la réalisation du disque est impeccable : le «Troisième recueil» (1888-1904) de l'édition Hamelle est présenté en entier et dans l'ordre chronologique, et bénéficie d'un texte très vivant de Guy Sacre.
Les deux premières mélodies, sur des poèmes vigoureux de Jean Richepin, sont d'une puissance dramatique qui enchante et qui inquiète néanmoins un peu pour les mélodies plus délicates qui doivent suivre. Pourtant, la réussite n'y est pas moindre. Les nuances sont assez franches, sans effet de miniature, mais ce n'est pas faute d'aisance technique, comme en témoignent de ravissants aigus en voix mixte. Les tempos sont souvent légèrement plus rapides que ceux que le compositeur indique, mais ils conservent une souplesse qui laisse admirer la pertinence et le tact de Billy Eidi. La rose y gagne une apothéose finale d'une splendeur extraordinaire, et c'est peut-être la version «sport» du Parfum impérissable que donne Yann Beuron, mais elle ne manque certainement pas de classe !
Ce style mâle se conjugue avec une expression toujours naturelle, et ce n'est pas un hasard si Yann Beuron évoque plus d'une fois Camille Maurane, modèle de diction, de clarté et de sobriété dans ces pages. On apprécie sans réserve sa manière de chanter finement sans faire un commentaire littéraire, ni tomber en pâmoison à chaque fin de phrase. On remarque sa volonté manifeste de grasseyer les «r» au lieu de les rouler, un choix «moderniste», assez contestable en théorie, moins en pratique, sauf quand il cause des difficultés de prononciation ; mais aussi, comment se tirer de certains vers aussi patauds que «Oh filles ! Hors l'amour rien n'est bon sur la terre !» (Chanson de Shylock) ! La magie du «cri doux / Que l'herbe agitée expire» dans C'est l'extase, l'élégance de «Sylva, Sylvie et Sylvanire» dans Arpège, l'émotion poignante et subtilement variée de la dernière strophe de Prison… ce ne sont que quelques moments particulièrement enchanteurs d'un nouvel indispensable pour tout amateur de mélodie française.
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Gabriel Fauré (1845-1924) : Mélodies op. 51, op. 57, op. 76, op. 83, et op. 85 ; Cinq mélodies de Venise op. 58 ; Le don silencieux op. 92 ; Chanson op. 94. Yann Beuron, ténor ; Billy Eidi, piano. 1 CD Timpani 1C1162. Code barre : 3377891311629. Enregistré en février 2009 à la Chapelle de l’Hôpital du Bon- Secours, à Paris. Notice bilingue (français, anglais), textes chantés. Durée : 51’42’’
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