Le piano de Jonathan Harvey

L'exigeant label allemand Neos nous offre un album centré sur l'œuvre pour piano seul ou avec flûte du compositeur Jonathan Harvey. Souvent qualifié de «plus français des compositeurs anglais», Jonathan Harvey qui ne cache pas son influence de l'école française contemporaine est en effet bien connu et souvent programmé dans l'hexagone. Mais c'est à Leipzig qu'a été enregistré ce disque qui s'affirme également comme un très bel objet à manipuler.

L'album regroupe plus de 35 ans d'écriture pour le piano des Four Images After Yeats de 1969 aux Run Before Lightning de 2004. À la fin des années 1960, Harvey est un jeune compositeur qui cherche sa propre route ; ainsi Four Images After Yeats semble une étude sur la forme et le style avec des citations de Bach, Mozart, Schumann, Liszt, Scriabine, Schœnberg mais aussi une recherche sur les timbres et les couleurs qui évoque l'horizon sonore d'un Debussy. Cette belle partition, d'une grosse vingtaine de minutes, montre déjà tout le potentiel créatif de l'auteur.

Saut dans le temps avec le Tombeau de Messiaen, pièce qui explore et élargit l'amplitude du piano par la combinaison d'un grand piano à queue et d'un dispositif électro-acoustique. L'addition des sons, alternant périodes de fusions et d'affrontements, provoque une imposante impression de noirceur et de tensions. D'autres pièces comme Vers, Haiku et ff semblent des miniatures sorties soudainement de l'esprit du compositeur. Selon son inspiration, on assiste à une distorsion des spectres harmoniques qui voient des clusters lacérer l'espace sonore (ff) ou bien évoquent, en dix sept notes, la concision du Haiku japonais (Haiku).

Deux partitions pour flûte et piano introduisent ce programme : Run Before Lightning et Nataraja. Cette dernière pièce montre la fascination du compositeur pour les cultures asiatiques avec une partition qui reprend le nom du dieu Hindou aux quatre bras. Le travail sur les mélodies et les timbres est encore admirable et séduit l'esprit et les sens avec son humeur dansante, fantasque et lumineuse.

Méconnu chez nous, le jeune Florian Hoelscher, formé par Robert Levin, Michel Béroff et Pierre-Laurent Aimard témoigne d'une grande précision de jeu et d'une variété des touchers parfaite. Il est bien secondé par le flûtiste Pirmin Grehl.

Il faut, outre la qualité artistique de ce disque, saluer la notice de présentation simple et précise…Fait beaucoup trop rare pour les disques de musique contemporaine…