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Luc Beauséjour, claveciniste

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    En 1994, a fondé Clavecin en Concert. Dans le cadre de cette série, il a interprété, entre autres, l'intégrale des œuvres pour clavecin de Rameau, les Variations Goldberg, l'Art de la fugue et le premier livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.

    mène une carrière très active au Canada et à l'étranger. Il a récolté plusieurs récompenses dont deux Félix au gala de l'ADISQ et cinq Prix Opus du Conseil québécois de la musique. Il enseigne l'orgue et le clavecin au CEGEP de Saint-Laurent et la musique de chambre baroque au Conservatoire de musique de Montréal.

    ResMusica : On peut lire sur votre site que vous en êtes à la seizième saison de Clavecin en Concert. Comment en a germé l'idée ? 

     : Je travaillais beaucoup de répertoire solo de clavecin dans mon studio. J'imaginais même un petit groupe de personnes écoutant ces pièces qui me passionnaient tant. Les choses se sont précisées lorsque Jacques Boucher, organiste à l'église Saint-Jean-Baptiste, m'a invité à jouer dans la petite chapelle Saint-Louis, qui peut contenir environ quatre-vingts personnes. Le clavecin sonnait à merveille dans ce lieu. L'endroit était donc trouvé, il ne restait plus qu'à organiser des récitals! J'ai pu compter sur l'aide de Madame Gisèle Pelletier qui allait par la suite devenir membre fondateur de Clavecin en concert. Pendant sept ans, on a fait des concerts sans subventions. Peu à peu, les choses ont pris de l'ampleur grâce aux captations de Radio-Canada et de CBC Radio, ainsi qu'à de bonnes critiques. Tout cela a contribué à attirer l'attention. Dès la cinquième année, des musiciens ont partagé la scène avec moi. Hervé Niquet, par exemple, est venu jouer pour un cachet symbolique. Un bon jour, je me suis retrouvé en présence de Sophie Galaise, qui travaillait à ce moment au Conseil des arts et des lettres du Québec. Elle est aujourd'hui directrice générale de l'Orchestre symphonique de Québec. C'est elle qui m'a incité à demander des subventions au Conseil des arts et des lettres du Québec. Il y avait bien sûr des démarches à entreprendre : il fallait d'abord s'incorporer, former un organisme sans but lucratif, etc. Aujourd'hui, nous sommes soutenus par le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des arts du Canada et le Conseil des arts de Montréal. Je suis fier du chemin parcouru et j'insiste sur le fait que j'ai eu des collaborateurs fidèles et un conseil d'administration formidable. Bref, si nos concerts ont pris leur place dans la vie culturelle montréalaise, avec maintenant six concerts de saison, c'est grâce à un travail d'équipe.

    RM : La programmation 2009-20010 réserve une place de choix à une compositrice inconnue, Francesca Caccini, femme de génie, fille du compositeur et chanteur Giulio Caccini. Quelle est cette femme ? Qu'est-ce qui vous a incité à la faire connaître ? 

    LB : Je donne des cours de littérature musicale au CEGEP de Saint-Laurent. Lorsqu'on raconte les débuts de l'opéra, on s'intéresse forcément à tous les compositeurs qui ont gravité autour de la Camerata fiorentina et du comte di Bardi. Francesca, la fille de Giulio Caccini, musicienne fort estimée de Claudio Monteverdi, en fait partie en quelque sorte. Elle était elle-même chanteuse, luthiste, claveciniste et la première femme à exporter un opéra en dehors de l'Italie. Elle a écrit des pièces profanes et sacrées, consignées en un livre paru en 1618.

    RM : Comment ce concert a-t-il pris forme ? 

    LB : La soprano Shannon Mercer, avec qui je travaille depuis quelques années, souhaitait faire un enregistrement de musique italienne du début du XVIe siècle. Je lui ai donc proposé la musique de Francesca Caccini. Nous avons lu ces pièces ensemble et cela lui a plu. De là, un concert et un enregistrement ont été planifiés. Les deux autres musiciens qui participent au projet sont Sylvain Bergeron au luth, théorbe et guitare et Amanda Keesmaat au violoncelle. Ce sont des musiciens que Shannon et moi connaissons bien. Lors de la première répétition, nous avons tous été surpris de découvrir la musique de Francesca Caccini, cette femme de génie. L'écriture vocale convient parfaitement à la voix de Shannon Mercer. Par moment, on a l'impression que nous sommes devant Francesca Caccini elle-même ! La musique s'incarne et vit, quelque 400 ans plus tard. Le concert F. Caccini a lieu le 6 novembre à la chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours du Vieux –Montréal et les jours qui précèdent sont réservés à un enregistrement pour la maison de disques Analekta.

    RM : Revenons un peu en arrière. Êtes-vous issu d'une famille de musiciens ? 

    LB : Pas de musiciens professionnels. Par contre, mes parents ont toujours aimé la musique. Ma mère avait suivi des cours de piano durant quelques années. Je me souviens qu'elle jouait parfois. Ça me rendait heureux de l'entendre jouer la Valse en la bémol de Brahms. Mon père avait toujours une mélodie à nous faire entendre. Il faisait d'ailleurs partie du chœur de chant à l'église. Un jour ma grand-mère nous a donné son piano et ses disques qu'elle commandait par le Reader's Digest ! Au fond, j'avais tous les outils. Parmi les œuvres, il y avait la cinquième symphonie de Beethoven, les Concertos brandebourgeois nos 4 et 5 de Bach, un concerto de Mozart, du Tchaïkovski, etc. Quand on est jeune, on n'a pas besoin d'avoir une bibliothèque musicale énorme. Quelques chefs-d'œuvre suffisent à faire naître la passion musicale. Je m'amusais beaucoup au piano. Je jouais à l'oreille. Mes parents se sont aperçus que j'aimais vraiment la musique. J'ai donc suivi des cours de piano dès l'âge de huit ans. Je suis né à Rawdon, dans la région de Lanaudière. Il se tenait un concours de musique à Joliette, organisé par le Père Fernand Lindsay. J'ai obtenu des nombreuses bourses qui m'ont permis d'aller au camp musical de Lanaudière tous les étés. C'était extrêmement stimulant car je rencontrais des jeunes de mon âge qui partageaient la même passion que moi. Mais à l'époque, je n'envisageais pas à faire une carrière musicale.

    RM : Quel a été l'élément déclencheur qui vous a amené à devenir musicien ? 

    LB : Cela s'est passé pendant un stage au Centre d'arts d'Orford. Les professeurs Bernard et Mireille Lagacé avaient invité des pianistes à venir jouer des préludes et fugues de Bach au clavecin. Je connaissais déjà le clavecin car Hermel Bruneau, un des professeurs du camp musical de Lanaudière, nous l'avait fait connaître. J'ai toujours rêvé d'en jouer depuis l'âge de 12 ou 13 ans. C'était la sonorité de l'instrument qui m'attirait avant toute chose. Et bien sûr la musique de J. S. Bach. Je voulais toujours apprendre les fugues les plus longues du Clavier bien tempéré. Pour moi, Bach, c'était sacré. C'était le roi. Lorsque j'avais des pièces plus modernes, disons que je n'avais pas le même enthousiasme. Mais pour Bach et aussi Mozart, les efforts n'existaient pas.

    RM : Un de vos concerts s'intitule «Esprit des Lumières». Cela fait référence à la France des philosophes et paradoxalement, aucun musicien français ne figure au programme. Est-ce une sorte d'épilogue à Concert parisien, le CD qui vient de paraître chez Analekta ? 

    LB : Non, pas du tout. C'est beaucoup plus prosaïque. Lorsqu'on fait nos demandes de subventions, cela se passe assez tôt dans la saison. Il nous faut prévoir les concerts des prochaines années et donner des titres ! Je pense que ce que nous avions en tête, à ce moment-là, c'était de signifier que le programme présenté appartient au XVIIIe siècle européen tout simplement. Voilà une coproduction avec le quatuor à cordes Franz Joseph où nous jouerons de la musique de Haydn et Mozart mais aussi de Rigel et Benda qui représentent le volet «découverte». Bref, si je reviens à votre question, le titre du concert n'est pas le fruit d'une longue réflexion mais plutôt celui d'un esprit… pratique !

    RM : On retrouve cet esprit des Lumières, ces valeurs humanistes dans «Concert parisien». Un excellent CD, paru chez Analekta avec des œuvres de Rameau, Leclair, Forqueray, Blavet et Telemann. Comment a jailli cette idée de «Concert parisien» ? 

    LB : Ce programme se situe autour de 1740. Bien sûr, c'est un concert hypothétique, puisque nous n'avons aucune preuve qu'une telle soirée ait eu lieu. Mais tous ces musiciens se connaissaient, jouaient ensemble, s'appréciaient. Cela demeure plausible. Et c'est surtout l'esprit d'une époque qui lie toutes ces compositions et assure une unité.

    RM : Quels sont vos projets ? Je suppose que la série Clavecin en Concert nous étonnera toujours par sa programmation. Avez-vous un projet assez fou qu'il serait difficile de le réaliser maintenant mais auquel vous tenez ? 

    LB : Dans la série Clavecin en Concert, je veux continuer dans la même voie. J'aimerais que les concerts soient repris dans d'autres villes, à Ottawa, à Québec ou à Toronto, par exemple. Que ces concerts essaiment, qu'ils aient une vie un peu plus longue ! L'autre volet, ce sont les concerts à l'international. Mais il y a bien d'autres projets que j'aimerais réaliser. Des activités pour les jeunes, dans des écoles ou pour les familles, créer des événements qui auraient lieu le samedi ou le dimanche après-midi. Mais il faut y aller pas à pas, par étape, sans bousculer les choses.

    RM : Une folie ? 

    LB : Ce serait un projet à grand déploiement. Ça bout dans la marmite mais je ne veux pas vendre la mèche tout de suite !

    Le petit questionnaire Marcel Proust

    RM : Quel est votre instrument de musique préféré ?
    LB : La voix.

    RM : Quel est votre idéal de bonheur terrestre ?
    LB : Ce qui me rend le plus heureux, c'est de travailler quotidiennement et que cela apporte quelque chose aux autres.

    RM : Sur une île déserte, quelle œuvre musicale apporteriez-vous ? Cela peut être tout l'œuvre d'un compositeur.
    LB : L'Art de la fugue de J. S. Bach.

    RM : Quelles sont (en dehors de la musique) vos occupations préférées ?
    LB : La musique prend beaucoup de place. Ai-je vraiment d'autres occupations ? J'adore le jardinage. À chaque printemps, me mettre les deux mains dans la terre!

    RM : Si vous étiez un animal, lequel aimeriez-vous être ?
    LB : Un oiseau.

    RM : Si vous étiez ténor, vous seriez … ?
    LB : Ian Bostridge, Howard Crook…

    RM : Si vous étiez soprano, vous seriez… ?
    LB : Le nom qui me vient en tête c'est Arleen Auger parce que je l'ai entendue à la radio dans la messe en do mineur de Mozart et que c'était magnifique.

    RM : Quel musicien auriez-vous aimé rencontrer ?
    LB : J. S. Bach

    RM : Quelles sont les qualités que vous admirez le plus chez les humains ?
    LB : La sincérité, la franchise, la fidélité.

    RM : Comment aimeriez-vous mourir ?
    LB : J'aimerais mourir pas trop vite (rires). Avoir le temps de me préparer à la mort.

    RM : Au Paradis, vos premiers mots à Dieu ?
    LB : Bonjour !

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