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Toulouse. Halle aux Grains. 09-IX-2009. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 35. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°4 en do mineur op. 43. Vadim Gluzman, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Tugan Sokhiev.

La première partie du programme est lumineuse. La sonorité du violon enchanteur de rayonne en un halo harmonieux. Cet immense artiste, qui joue sur un stradivarius historique, a offert une interprétation idéale du célèbre Concerto pour violon de Tchaïkovski. La plus grande virtuosité (et quelle virtuosité !) se fait oublier devant sa sonorité étincelante qui éclaire cette partition d'une musicalité élégante. Très engagé et toujours à l'écoute attentive de l'orchestre trouve des trésors de finesse et de classe dans une partition souvent trop peu considérée musicalement. Il trouve en Tugan Sokhiev l'allié idéal pour défendre cette œuvre. Rarement un orchestre a si bien joué avec précision, de beaux phrasés et une superbe homogénéité ce qui est bien plus qu'un faire valoir pour violonistes virtuoses. Il y a de beaux moments mis en valeur sans complexe, sans chercher à gommer certains effets faciles ou sans s'appesantir sur un sentimentalisme superflu. Les nuances de l'orchestre et celles du violon sont très subtilement amenées et permettent une mise en valeur de superbes détails de la partition. Même dans le mouvement central, longue cantilène soutenue par un pupitre de bois splendides, la mélancolie est discrète car le son du violon reste entouré d'une lumière douce et dorée. Les fins de phrases mourantes et les sons aigus pianissimi et si pleins de sont célestes. On ne retrouve aucune acidité ou un simple début d'aigreur et de tension dans l'aigu. Bien au contraire la beauté des notes semble s'épanouir avec aisance plus les notes sont aériennes. dont toutes les interprétations d'œuvres de son compatriote Tchaïkovski semble idiomatiques et fortes, renouvelle l'écoute de ce concerto et trouve un accord de tous les instants avec Vadim Gluzman. Le public toulousain enchanté a fait une fête à ce violoniste à la musicalité si rare dont la carrière mondiale est unanimement encensée.

Le contraste n'est que plus terrible avec la seconde partie du programme consacré à la symphonie la plus sombre de Chostakovitch. Si sombre qu'elle semble explorer au-delà du noir, en nous entraînant dans un monde de ténèbres d'une violence inouïe. Dès les premières mesures, la force de cette partition éclate et terrasse l'auditeur. En artiste visionnaire alors qu'il termine sa Symphonie n°4 en 1937, au plus sombre des purges staliniennes, Chostakovitch semble annoncer les horreurs des crimes multiples de la seconde guerre mondiale. Conscient de la dureté et de la violence du message de sa symphonie le compositeur n'acceptera sa création qu'en 1961. Très rarement jouée elle est tout simplement la partition la plus à même d'évoquer la puissance de la force de la méchanceté humaine. Dérision, obscénité, grotesque, grandiloquence et perversité s'allient à la violence et à la puissance sonore la plus grandiose. Seul Mahler demande une telle puissance à un orchestre. Les musiciens sont extraordinairement nombreux doublant presque la taille d'un orchestre symphonique. aborde cette partition terrassante avec calme et détermination. Il obtient de son orchestre les nuances les plus folles, les rythmes les plus aigus et les sonorités les plus étranges qui se puissent imaginer. L'architecture d'une partition très construite malgré les apparences est mise en valeur par une battue dont la précision peut être métronomique afin de déshumaniser le propos et rajoute à l'horreur. Sa science de la couleur lui permet de mettre en valeur l'orchestration parfois subtilement douloureuse de Chostakovitch comme la clarinette basse et la harpe, la flûte et le basson. Si certains moments sont plus faibles, la force de cette partition est sidérante. Parfois il n'est plus possible de penser, et on est soumis à ressentir une bien étrange jouissance douloureuse. C'est bien cela que provoque l'horreur de l'innommable de la guerre en la férocité dont l'homme contre l'homme est capable. Cette Symphonie n° 4 est remplie de paradoxes car l'admiration pour la virtuosité de l'orchestre brouille le message. Tous les pupitres ont des moments de gloire. L'Orchestre du Capitole est brillant durant toute l'heure que dure la symphonie. On ne citera personne de peur de faire injustice en en oubliant un seul. Quel orchestre ! Il est probablement unique en France d'entendre ainsi cette symphonie de tous les dangers. Elle nécessite un chef inspiré pour porter une telle monstruosité et en faire une œuvre unique, un orchestre virtuose et un public prêt à un tel voyage dans l'innommable noirceur.

Tous les ingrédients étaient réunis et le public a également superbement jouée sa partie. Cette symphonie noire et sinistre se termine sur une musique mystérieuse quasi surnaturelle avec du célesta. Afin de faire mourir le son a fait un large geste arrêté, les bras grands ouverts comme crucifié, tandis que l'orchestre restait figé. Chose a peine croyable le public toulousain si enthousiaste, fougueux et habituellement si bruyant a retenu ses applaudissements de longues secondes. Il a attendu que Tugan Sokhiev baisse lentement les bras pour lancer des bravos tonitruants. Bravos pour un chef si charismatique, un orchestre magnifique et un compositeur que le public prend de plus en plus de plaisir à découvrir et à aimer. Entre lumière et ténèbres quel concert !

Crédit photographique : Vadim Gluzman © John-Kringas

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Toulouse. Halle aux Grains. 09-IX-2009. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 35. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°4 en do mineur op. 43. Vadim Gluzman, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction : Tugan Sokhiev.

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