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L’ange aux cheveux rouges

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Sablé. Centre culturel. 29-VIII-2009. Emilio de’Cavalieri (ca. 1550–1602) : La rappresentazione di anima e di corpo.. Raquel Andueza, Anima ; Fulvio Bettini, Tempo / Corpo ; Jan Van Elsacker, Intelleto ; Joan Fernandes, Consiglio ; Hubert Claessens, Mondo. Chœur et ensemble l’Arpeggiata. Direction, théorbe, guitare baroque, harpe baroque : Christina Pluhar

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Quel spectacle aurait pu mieux nous donner un tel sentiment de bonheur de vivre ? Quel spectacle aurait pu rendre la séparation à la fois aussi difficile et pourtant si lumineuse, et surtout nous donner hâte d'être à l'année prochaine ? et ont fait de cette dernière soirée un instant divin.

Avec la Rappresentazione di anima e di corpo ils nous ont permis de quitter Sablé le cœur au chaud, l'âme libérée et joyeuse. Ils ont refermé les pages de ce livre magique qu'est le festival de Sablé. Pourtant l'enregistrement du CD de cette œuvre nous en avait surtout montré une perception plus rigoureuse et proche de ce qu'elle fut probablement à l'origine, mais rien n'en est d'ailleurs moins certain.

À l'aube de l'opéra, La Rappresentazione di anima e di corpo, voit le jour à Rome. Son compositeur est un homme aux abois, victime de la jalousie de ses confrères qui l'a condamné à quitter Florence, où il avait déjà créé un certain d'ombres»d'intermèdes». La Rappresentazione en est à la fois un aboutissement et un point d'origine. Œuvre de la Contre-Réforme, elle fut créée durant le Giubileo (en février 1600), qui remplaçait le carnaval durant l'année sainte déclarée par le pape Clément VIII. Fondée sur le principe médiéval du contrastare, une opposition entre deux éléments, ici l'âme et le corps, les anges et les démons, et sur des principes de rhétoriques musicales héritées également du moyen âge, la Rappresentazione est bien à plus d'un titre une œuvre nouvelle. Cet opéra sacré est vraiment fils du stile nuovo.

Ici a utilisé les notations laissées par l'auteur pour nous offrir une basse continue à la luxuriance digne des fastes de la papauté. La richesse de l'instrumentarium permet une improvisation qui théâtralise la musique. Mouvante, surprenante, elle nous entraîne au cœur d'une fête où l'âme et le corps se cherchent, en quête d'une harmonie non seulement spirituelle mais charnelle. Car oui, l'audace de l'interprétation joue d'autant plus d'un art baroque par excellence, le pastiche, que l'œuvre est au fond digne fille du carnaval. On se laisse surprendre et entraîner dans ses débats qui se devraient scolastiques et qui pourtant deviennent un jeu et dont la chaconne finale montre la perversion. Musiciens, danseurs et chanteurs participent à une fête, où le plaisir finit par triompher dans un bis quasi démoniaque. Qu'importe la transgression, lorsqu'un tel bonheur est offert au spectateur.

Le plateau vocal est exceptionnel et pourtant aucun rôle ne l'exigeait vraiment, puisqu'il s'agit avant tout d'art théâtral à l'origine. C'est d'ailleurs le phrasé, la diction, l'éloquence exceptionnels des interprètes qu'il faut d'abord souligner. Mais chanteurs, ils apportent à ces récitatifs une facilité qui les rend sensibles, aisément accessibles dans le discours, au point d'en offrir le cantibile. Remplaçant indisposée, la jeune soprano espagnole Raquel Andueza, donne à l'âme la sensualité de son timbre, sa vocalité ardente tandis que Fulvio Bettini dans le double rôle du Corps et du Temps, fait preuve d'une séduction à l'expressivité toute italienne oscillant entre virilité et théâtralité. Au cœur du pays de la commedia dell'arte, le sang latin donne aux mots, leurs sourires et leurs larmes. Et si l'Intelleto défend la spiritualité par la voix au timbre flamboyant du ténor , Il Mondo par l'intermédiaire de la basse Hubert Claessens au timbre chaud et mœlleux exprime avec jubilation le côté fallacieux du doute. Le chœur dont se dégage les solistes, anges et démons dans des scènes à l'allégresse démoniaque possède la grâce et l'élégance de l'érotisme latin. Pardon à ceux que l'on oublie, car tous mériteraient d'être cités. La voluptueuse basse continue offerte par et son ensemble ont permis à tous les interprètes un engagement sans faille. Le bonheur ici a été fait de multiples surprises, dont ces danseurs aux costumes et aux masques splendides. Mais plus que tout ce sont les sonorités des instruments anciens et rares et l'énergie resplendissante de la direction de Christina Pluhar qui ont fait de cette représentation un instant inoubliable. Et tous les pupitres instrumentaux mériteraient également d'être mentionnés. Retenons toutefois les percussions, dont le psaltérion, qui possèdent des nuances à la subtilité surprenantes et délicates, le cornet et le sacqueboute à la folie solaire où les théorbes qui suggèrent avec force la profondeur et les supplices des enfers.

Ce soir, Christina Pluhar et l'ensemble des interprètes sont devenus des anges, des anges qui ont pris les couleurs du feu pour offrir au plaisir sa victoire sur les ombres.

Crédit photographique : © Monique Parmentier

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